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24/10/2019 | FRANCE | N°19LY01068

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 24 octobre 2019, 19LY01068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 20 février 2019 par lesquelles la préfète du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1900399, 1900400 du 27 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de

Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 20 février 2019 par lesquelles la préfète du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1900399, 1900400 du 27 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 mars 2019, la préfète du Puy-de-Dôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 février 2019 ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... devant le tribunal administratif.

Elle soutient que :

- M. A... n'a jamais demandé l'asile ; dès lors, c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur ce motif pour annuler les décisions en litige ;

- son éloignement est motivé par son entrée irrégulière et son maintien en situation irrégulière en France.

Par un mémoire enregistré le 14 juin 2019, M. A..., représenté par Me Kiganga, avocat (SCP Borie et associés), conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'a pas vérifié auprès de l'Office français de protection de réfugiés et apatrides (OFPRA), avant de décider de l'éloigner, s'il avait déposé une demande d'asile ; à la date de cette décision, celle-ci n'avait aucun fondement ;

- il n'a fait l'objet d'aucune procédure pénale ; le fait de détenir un téléphone déclaré volé ne saurait motiver une décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par lettres du 9 juillet 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de substituer les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à celles du 2° retenues par le préfet comme base légale de sa décision et ont été invitées à présenter leurs observations.

Par un mémoire enregistré le 23 juillet 2019, M. A... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que sa situation ne relève pas du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien, a été interpellé par les services de police le 19 février 2019 et a déclaré être entré en France six mois auparavant. Le 20 février 2019, la préfète du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire, a désigné un pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. La préfète du Puy-de-Dôme relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. "

3. L'article R. 723-1 du même code prévoit que : " A compter de la remise de l'attestation de demande d'asile selon la procédure prévue à l'article R. 741-4, l'étranger dispose d'un délai de vingt et un jours pour introduire sa demande d'asile complète auprès de l'office. (...) ".

4. M. A... a produit devant le tribunal administratif une attestation de demande d'asile en procédure accélérée, délivrée par la préfète du Puy-de-Dôme le 4 décembre 2018 et valable jusqu'au 3 janvier 2019. Ainsi, le 19 février 2019, le délai qui lui était imparti pour introduire sa demande d'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides était expiré. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas adressé de demande à l'office. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire et, par voie de conséquence, celles désignant un pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire pendant deux ans et l'assignant à résidence, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que, en l'absence de décision de l'office, l'intéressé ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

7. Comme l'indique la préfète du Puy-de-Dôme dans ses écritures, M. A... n'a pu justifier de la régularité de son entrée en France. Dès lors, c'est à tort que, pour décider de l'obliger à quitter le territoire français, elle s'est fondée sur les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. M. A... est entré irrégulièrement en France et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour. Ainsi, les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être substituées à celles du 2° comme base légale de la décision en litige, cette substitution ne privant l'intéressé d'aucune garantie.

10. M. A... a fait valoir devant le tribunal administratif qu'il a été rejoint en France par son épouse, dont la demande d'asile a été enregistrée à la préfecture du Puy-de-Dôme le 13 février 2019. Toutefois, si une attestation de demande d'asile " procédure accélérée " a été remise à Mme A... le 13 février 2019, cette seule circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet fasse obligation à M. A... de quitter le territoire français dès lors que, comme il a été dit, celui-ci, qui avait également obtenu une attestation de demande d'asile le 4 décembre 2018 et a négligé de saisir l'OFPRA dans le délai imparti, ne justifiait pas d'un droit au séjour en France à la date de la décision en litige.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

12. La décision interdisant à M. A... le retour sur le territoire français rappelle les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique notamment que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce et de l'ensemble des éléments de sa situation, mentionnés dans la décision, une interdiction de retour d'une durée de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, celui-ci ne faisant valoir aucun élément en ce sens. Ainsi, cette décision est suffisamment motivée.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

13. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, contre la décision l'assignant à résidence, de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

15. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Puy-de-Dôme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand annulé les décisions en litige.

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. A... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 février 2019 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée la préfète du Puy-de-Dôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.

4

N° 19LY01068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01068
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BORIE et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-24;19ly01068 ?
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