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24/10/2019 | FRANCE | N°19LY00465

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 24 octobre 2019, 19LY00465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté en date du 26 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1806306 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., avocat, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté en date du 26 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1806306 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 du préfet de l'Ain ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sans délai de le munir d'un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros à verser à Me A..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté du 26 juillet 2018 est entaché d'une erreur manifeste dans l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il remplit les conditions ;

- en considérant que l'article R. 5221-6 du code du travail faisait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au vu du contrat d'apprentissage, le préfet de l'Ain a commis une erreur de droit ;

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2019, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande du requérant ayant été rejetée au fond, par application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le motif tiré de ce qu'un contrat d'apprentissage ne permet pas la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement est superfétatoire ;

- l'appelant n'expose aucun moyen ou élément susceptibles d'avoir une incidence sur la légalité des décisions attaquées et sur l'appréciation des premiers juges ;

- les conclusions à fin d'injonction devront être rejetées par voie de conséquence ;

- l'État ne pourra être considéré comme la partie perdante et ne pourra par suite être condamné au paiement d'une somme quelconque au profit de l'appelant ou de son conseil.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 19 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Entré irrégulièrement sur le territoire français selon ses déclarations en juillet 2016, et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de l'Ain en tant que mineur isolé, M. C..., ressortissant ivoirien né le 2 avril 2000 à Dabakala (Côte-d'Ivoire), a sollicité à sa majorité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11, L. 313-15 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juillet 2018, dont M. C... a sollicité l'annulation devant le tribunal administratif de Lyon, le préfet de l'Ain a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, et a fixé son pays d'origine pour destination de cette mesure. M. C... relève appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la légalité du refus de séjour du 26 juillet 2018 :

En ce qui concerne l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ".

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'examen d'une demande l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

4. Il n'est pas contesté que M. C..., considéré comme mineur isolé, après être, selon ses déclarations, entré en France en juillet 2016, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et sa majorité légale. Après une scolarisation en mission de lutte contre le décrochage scolaire, il a, le 1er juillet 2017, conclu un contrat d'apprentissage de deux ans, visé par les services de l'administration du travail, avec l'entreprise de restauration rapide NDCOM pour un emploi de serveur. S'il ressort des pièces du dossier qu'il suit sa formation avec sérieux et que son employeur s'est d'ores et déjà engagé à le recruter postérieurement avec un contrat à durée indéterminée, ses propres déclarations comme les avis de la structure d'accueil et les témoignages produits font apparaître qu'il est venu délibérément en France dans l'espoir de mener une carrière de footballeur professionnel. Ses activités et son implication dans le club de football de l'association Bourg Sud révèlent qu'il conserve cette perspective pour objectif principal de son séjour. Par ailleurs, il précise dans ses déclarations qu'il conserve des contacts réguliers avec sa mère restée dans son pays d'origine, où réside également sa soeur, alors même qu'ayant vécu avec son père jusqu'au décès de celui-ci en 2015, il fait état de relations complexes avec la première qui auraient motivé son départ. Dans ces conditions, c'est sans entacher son appréciation de la situation globale de M. C... d'une erreur manifeste que le préfet de l'Ain a pu lui refuser l'admission au séjour à titre exceptionnel organisée par les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'atteinte à la vie privée et familiale :

5. En deuxième lieu, si M. C... a nécessairement, ainsi qu'il le fait valoir, tissé en France, depuis son arrivée, récente, des liens personnels à l'occasion de sa formation et de ses activités au club de football, et si son père avec qui il soutient avoir vécu jusqu'en 2015 dans son pays d'origine est décédé, il conserve, ainsi qu'il a été dit, des liens familiaux avec sa mère et sa soeur en Côte-d'Ivoire où il avait, tout aussi nécessairement malgré une interruption prématurée de sa scolarité, développé des liens personnels en y ayant vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Par suite, le préfet de l'Ain n'a pas, en lui refusant le séjour, porté une atteinte excessive au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale tel que défini par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard des buts que sa décision poursuit, non plus qu'il a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile également invoquées par l'intéressé à l'appui de sa demande.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

6. En troisième lieu, ainsi que l'a relevé le préfet de l'Ain dans l'arrêté en litige, M. C... a sollicité subsidiairement, par la même demande, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... a produit à l'appui de sa demande le contrat d'apprentissage portant sur la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2019 en vue de l'obtention d'un CAP restaurant avec la société de restauration rapide NDCOM. Ce contrat, qui a fait l'objet d'une autorisation de travail le 7 juin 2017 du directeur régional des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes, doit être regardé comme visé par cette autorité.

7. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...). Elle porte la mention " travailleur temporaire " (...). "

8. Il résulte de l'ensemble des dispositions du code du travail régissant le contrat d'apprentissage que l'apprenti, qui est titulaire d'un contrat de travail, doit être regardé, alors même que ce contrat a pour finalité de lui assurer une formation professionnelle, comme exerçant une activité professionnelle salariée au sens notamment des dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail qui prévoit, en son premier alinéa, qu'un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 et, en son deuxième alinéa, que l'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. Si, en vertu des dispositions de l'article R. 5221-6 du même code, dont se prévaut le préfet de l'Ain, la conclusion d'un contrat de travail conclu au titre de l'apprentissage ne permet pas la délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, il ne résulte pas desdites dispositions de l'article R. 5221-6 que la conclusion d'un contrat d'apprentissage fait obstacle à la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle sur le fondement, notamment, du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée.

9. Dès lors, en se bornant à rejeter la demande de M. C... en tant qu'elle était présentée sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif " que le contrat d'apprentissage ne permet pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " conformément aux dispositions de l'article R. 5221-6 du code du travail , le préfet de l'Ain qui, contrairement à l'interprétation des premiers juges, n'a pas appliqué sur ce point l'article L. 313-15 du même code, a entaché sa décision d'une erreur de droit.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision, indivisible, du 26 juillet 2018 par laquelle le préfet de l'Ain lui a refusé le séjour.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

11. Par voie de conséquence de l'annulation qui vient d'être prononcée, il y a lieu d'annuler l'obligation de quitter le territoire dont le refus de séjour est assorti.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. L'annulation prononcée au point 10 n'implique pas nécessairement que le préfet de l'Ain délivre à M. C... un titre de séjour, mais seulement qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

13. M. C... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 000 euros à Me A..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 novembre 2018 et l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Ain a refusé à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, notamment sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État versera la somme de 1 000 euros à Me A..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.

N° 19LY00465


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