La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2019 | FRANCE | N°19LY00128

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 octobre 2019, 19LY00128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 6 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1806058 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 janvi

er 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 6 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1806058 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que M. A... ne suivait pas une formation professionnelle qualifiante, comme l'exige l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé les décisions en litige.

Par un mémoire enregistré le 15 mars 2019, M. A..., représenté par Me Vigneron, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif est fondé ;

- il n'est pas établi que le signataire des décisions était compétent ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence ; elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 20 février 2000, déclare avoir quitté son pays d'origine en octobre 2016. Il a été pris en charge par le département de l'Isère au titre de l'accueil provisoire d'urgence des mineurs le 28 mars 2017, provisoirement placé en urgence le 15 mai suivant puis confié au département par le juge des enfants le 15 juin 2017. Le 5 mars 2018, il a demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 6 juillet 2018, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination. Le préfet relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. "

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, M. A..., qui avait suivi des enseignements de français et effectué des stages dans des entreprises en boulangerie, restauration et dans le secteur du bâtiment, ne suivait pas une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Dès lors, il ne remplissait pas l'une des conditions requises pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à tort que, pour annuler le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant un pays de destination, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif et en appel.

6. Les décisions contestées ont été signées par Mme Chloé D..., secrétaire générale adjointe de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Violaine C..., secrétaire générale de la préfecture, par arrêté du 7 mai 2018, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 9 mai 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... n'était pas alors d'absente ou d'empêchée. Par suite, Mme D... était compétente pour signer ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

7. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet a examiné la possibilité de régulariser à titre exceptionnel la situation de M. A... au regard de son droit au séjour.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en n'examinant pas son droit à un titre de séjour sur ce fondement.

9. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. La circonstance que le préfet aurait, à tort, délivré à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ne l'autorisant pas à travailler, et non en tant que " salarié " est, par elle-même, sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour en litige, qui n'a pas été pris pour l'application de ce récépissé, qui n'en constitue pas la base légale.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

11. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour et des conditions d'entrée et de séjour en France de M. A..., qui est célibataire, le refus de titre de séjour en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Il n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ce refus n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

13. Le 6 juillet 2018, M. A..., de nationalité malienne, à qui le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour, se trouvait dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant de décider de faire obligation à M. A... de quitter le territoire français, le préfet aurait négligé de procéder à l'examen particulier de sa situation.

16. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour et des conditions d'entrée et de séjour en France de M. A..., qui est célibataire, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

17. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A... ne saurait se prévaloir, contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

18. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

19. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour de M. A... au Mali, pays dont il possède la nationalité, l'expose au risque de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.

21. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. A... au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, premier conseiller,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

2

N° 19LY00128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00128
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-03;19ly00128 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award