Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... et M. B... G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2016 par lequel le maire de la commune de La Roche-sur-Foron a délivré à la société Imaxe un permis de construire un ensemble immobilier de quatre bâtiments comportant quarante-six logements, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux, intervenue le 15 janvier 2017.
Par un jugement n° 1701564 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 5 septembre 2019, qui n'a pas été communiqué, M. A... et M. G..., représentés par la Selarl Arnaud D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2018 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 26 septembre 2016 et la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Roche-sur-Foron la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le projet architectural ne permettait pas d'apprécier suffisamment l'environnement du projet et ne précisait pas les conditions d'accès envisagées au terrain, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- le document graphique joint à la demande ne permettait pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement proche et lointain, en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;
- le permis méconnaît les dispositions de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), l'accès projeté étant inadapté à l'importance du projet et la voie de desserte du projet, qui n'est pas une voie de desserte interne, étant insuffisante et ne permettant pas le retournement des véhicules, notamment de lutte contre l'incendie et de ramassage des ordures ménagères ;
- le permis méconnaît l'article UB 4.2.2 du règlement du PLU, le dispositif d'évacuation des eaux pluviales étant insuffisant ;
- le permis méconnaît l'article UB 11 du règlement du PLU, le projet ne prenant pas en compte le bâti existant, caractérisé par des maisons individuelles ;
- le permis méconnaît l'article UB 13 du règlement du PLU, aucun espace libre commun destiné à une aire de jeux ou de détente n'étant prévu, et les espace verts représentant moins de 50% de l'espace non bâti.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2019, la commune de La Roche-sur-Foron, représentée par la SELAS Adamas Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 26 juin 2019, la SACIC Ideis, représentée par le cabinet Léga-Cité, demande de condamner M. A... et M. G... à lui verser la somme de 557 651,24 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 600-7 du code de justice administrative.
Elle soutient que les conditions du recours traduisent un comportement abusif, qui lui a causé un préjudice pouvant être évalué à la somme de 238 018 euros, s'agissant du surcoût des travaux, de 309 663,24 euros s'agissant de la perte de loyers et 10 000 euros s'agissant du préjudice moral.
Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2019, M. A... et M. G... concluent au rejet de la demande présentée par la SACIC Ideis au titre de l'article L. 600-7 du code de justice administrative et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande est irrecevable, la SACIC Ideis qui ne justifie pas de la qualité de ses dirigeants à engager une action indemnitaire, n'étant bénéficiaire du permis de construire que par un arrêté de transfert ;
- leur requête d'appel ne traduit pas un comportement abusif ;
- la société IDEIS avait connaissance du recours gracieux à la date du transfert, de sorte que le lien de causalité entre le préjudice qu'elle allègue et leur comportement n'est pas établi ;
- la société IDEIS ne justifie pas de la réalité des préjudices qu'elle invoque.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me D... pour les requérants, celles de Me E... pour la commune de La Roche-sur-Foron, ainsi que celles de Me F... pour la société Ideis ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 26 septembre 2016, le maire de La Roche-sur-Foron a délivré à la SAS Imaxe un permis de construire quatre bâtiments comprenant quarante-six logements, sur un terrain situé rue de Soudine. M. A... et M. G... relèvent appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite rejetant leur recours gracieux.
Sur la légalité du permis de construire :
En ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire :
2. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Il ressort des pièces du dossier que la notice jointe au dossier de demande présente l'état initial du terrain d'assiette et les constructions voisines, les caractéristiques envisagées de l'accès depuis la voie publique et les partis retenus pour l'implantation et le volume des bâtiments, afin d'assurer leur insertion dans leur environnement, en tenant compte de la pente du terrain, du gabarit des constructions voisines, et des perspectives paysagères. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ". Il ressort des pièces du dossier qu'ont été joints au dossier de demande un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet par rapport à l'unique construction voisine située du même côté de la rue et l'accès envisagé, ainsi que deux photographies de l'état initial du terrain et une plus lointaine, permettant d'apprécier sa situation par rapport à la parcelle voisine construite. Si ces documents photographiques ne présentent qu'un nombre limité d'angles de vue et ne font pas apparaître les maisons d'habitation individuelles situées de l'autre côté de la rue, leur insuffisance n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur le projet, compte tenu notamment des autres pièces du dossier de permis de construire faisant état de ces constructions.
En ce qui concerne le respect du règlement du PLU :
5. En premier lieu, aux termes de l'article UB 3 du règlement du PLU : " Toute opération doit prendre le minimum d'accès sur la voie publique. / Le permis de construire peut être subordonné à la réalisation d'aménagements particuliers concernant les accès et tenant compte de l'intensité de la circulation et de la sécurité des usagers (par exemple accès imposé sur une des voies si le terrain peut se desservir sur plusieurs voies, biseau de visibilité, tourne à gauche,...)./ Les constructions et installations doivent être desservies par des voies publiques ou privées dont les caractéristiques correspondent à leur destination, notamment en ce qui concerne la commodité de la circulation, des accès et des moyens d'approche permettant une lutte efficace contre l'incendie ou le ramassage aisé des ordures ménagères. (...) / Les voies en impasse doivent être aménagées dans leur partie terminale afin de permettre aux véhicules privés et à ceux des services publics (lutte contre l'incendie, enlèvement des ordures ménagères) de faire demi-tour. "
6. Les dispositions, citées au point précédent, du règlement du PLU concernent la desserte routière des terrains d'assiette des projets et ne régissent pas les caractéristiques des voies internes du projet. Dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement soutenir que cette voie ne permettrait pas le retournement des véhicules d'incendie et de secours. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'accès projeté sur la rue de Soudine, qui est à cet endroit rectiligne et où la vitesse est réglementée, présente une visibilité dégagée sur une distance de 80 mètres à droite et 130 à gauche, qui permet d'assurer la sécurité des usagers de la voie publique et de l'accès, et que la largeur de ce dernier permet par ailleurs le croisement des véhicules. Dans ces conditions, et alors même que le service voirie de la commune a envisagé de réexaminer le cas échéant les conditions d'accès si celui-ci s'avérait insuffisant, le permis ne méconnaît pas les dispositions de l'article UB 3 du règlement du PLU.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article UB 4.2-2 du règlement du PLU, relatif à l'évacuation des eaux pluviales : " Toute construction à usage d'habitation ou d'activité doit être raccordée au réseau public d'eaux pluviales s'il existe./ Toute construction, toute surface imperméable nouvellement créée (terrasse, toiture, voirie) doit être équipée d'un dispositif d'évacuation des eaux pluviales qui assure : leur collecte (gouttière, réseaux), leur rétention (citerne ou massif de rétention), et/ou leur infiltration dans les sols (puits d'infiltration, massif d'infiltration) quand ceux-ci le permettent. / Les canalisations de surverse et de débit de fuite doivent être dirigées : dans le fossé ou le ruisseau le plus proche, ou dans le réseau E.P communal. / Les rejets s'effectueront en priorité vers le réseau séparatif eaux pluviales (s'il existe) ou vers le milieu naturel (fossé, ruisseau). (...) L'ensemble du dispositif doit être conçu de façon à ce que le débit de pointe généré soit inférieur ou égal au débit généré par le terrain avant son aménagement. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la mise en place d'un système de recueil des eaux pluviales canalisées vers un bassin de rétention, avant déversement dans le réseau public, conforme aux dispositions du règlement du PLU. Si les requérants soutiennent que les obligations imposées au titre de l'écoulement des eaux ne pourront être respectées, ils ne critiquent pas utilement les notes de calcul jointes au dossier de demande et n'assortissent leur moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. S'ils allèguent que les prescriptions imposées à l'article 7 du permis de construire, s'agissant des distances requises entre la citerne de rétention, d'une part, les propriétés voisines et les fondations, d'autre part, ne peuvent être respectées, ils ne l'établissent pas, alors au demeurant qu'un non-respect éventuel de ces prescriptions en cours d'exécution des travaux n'est pas susceptible d'affecter la légalité du permis de construire. Par suite, le moyen tiré du non-respect des dispositions de l'article UB 4 du règlement du PLU doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 11 du règlement du PLU : " Les constructions doivent s'adapter au profil du terrain naturel. / Les choix en matière d'implantation, de volumes et d'aspect des constructions à réaliser ou à modifier devront être faits en tenant compte de l'environnement bâti ou naturel. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le projet comporte quatre bâtiments en R+3 ou R+4 devant abriter quarante-huit logements, dans un secteur situé en limite d'urbanisation de la commune, en face d'un vaste lotissement de maisons individuelles mais également à proximité de quelques immeubles collectifs ou constructions de hauteur proche, dont certains sont voisins du projet, à l'est. Par ailleurs, le projet prévoit l'implantation des deux immeubles les moins hauts près de la route, en face du lotissement, afin de prendre en compte la déclivité du terrain et de limiter l'impact visuel du projet. Ainsi, le projet, s'il a pour effet de densifier le bâti du secteur, s'adapte au terrain naturel et s'intègre à l'environnement bâti et paysager. Par suite, le maire de La Roche-sur-Foron n'a pas entaché sa décision délivrant le permis de construire d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.
11. Enfin, aux termes de l'article UB 13 du règlement du PLU : " Pour les locaux d'habitation, 50% de l'espace non bâti sera réservé à des espaces verts (...). Dans les lotissements ou ensembles immobiliers comportant au moins 5 logements, un espace libre commun devra être aménagé pour le jeu et la détente. ".
12. Il ressort des pièces du dossier d'une part que plus de la moitié des espaces non bâtis sont réservés à des espaces verts, d'autre part que le projet prévoit, derrière le bâtiment B, un vaste espace vert commun d'un seul tenant, lequel tient lieu d'espace de jeu et de détente. Par suite, le permis ne méconnaît pas les dispositions de l'article UB 13 du règlement du PLU.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... et M. G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 600-7 du code de justice administrative :
14. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de justice administrative : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. "
15. Il ne résulte pas de l'instruction que le droit de M. A... et M. G..., voisins immédiats du projet, à former un recours contre le permis de construire aurait été mis en oeuvre dans des conditions qui traduiraient de leur part un comportement abusif, que ne saurait en lui-même révéler la circonstance qu'ils n'ont pas présenté de mémoire en réplique devant le tribunal administratif, ou qu'ils n'auraient pas soulevé de moyens nouveaux en appel. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la société Ideis, à laquelle le permis de construire délivré à la société Imaxe a été transféré, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. A... et M. G... demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de La Roche-sur-Foron, qui n'est pas partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et M. G... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de La Roche-sur-Foron au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SACIC Ideis une somme au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MM. A... et M. G... est rejetée.
Article 2 : M. A... et M. G... verseront à la commune de La Roche-sur-Foron la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Ideis au titre de l'article L. 600-7 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., premier dénommé, pour les requérants, à la commune de La-Roche-sur-Foron, à la société Imaxe et à la SACIC Ideis.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme J... K..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme I... H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
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N° 18LY04329
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