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24/09/2019 | FRANCE | N°17LY03425

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 24 septembre 2019, 17LY03425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 17 mars 2014 par laquelle le directeur général des services de la commune d'Annecy a rejeté sa demande de prise en charge d'un stage au titre de son droit individuel à la formation (DIF) et le rejet implicite du recours gracieux qu'il a présenté à l'encontre de cette décision ;

2°) de prescrire une enquête sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative ;

3°) de conv

oquer ou entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile à la manifestation de la vér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 17 mars 2014 par laquelle le directeur général des services de la commune d'Annecy a rejeté sa demande de prise en charge d'un stage au titre de son droit individuel à la formation (DIF) et le rejet implicite du recours gracieux qu'il a présenté à l'encontre de cette décision ;

2°) de prescrire une enquête sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative ;

3°) de convoquer ou entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité sur le fondement de l'article R. 623-3 du code de justice administrative ;

4°) d'enjoindre au maire de la commune d'Annecy d'imputer les cent heures de formation qu'il a suivies sur son droit individuel à la formation ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

5°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1404381 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 septembre 2017 et le 20 mai 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Hartemann, avocat, auquel a succédé Me Gardien (SELARL Sisyphe), avocat, demande à la cour :

1°) à titre principal :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2017 ;

- d'annuler la décision du 17 mars 2014 par laquelle la commune d'Annecy a rejeté sa demande de prise en charge d'un stage au titre de son droit individuel à la formation et le rejet implicite du recours gracieux qu'il a présenté à l'encontre de cette décision ;

2°) à titre subsidiaire :

- de prescrire une enquête pour tous les faits dont la constatation pourrait être utile à l'instruction de l'affaire sur le fondement de l'article R 623-1 du code de justice administrative ;

- de convoquer ou entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité sur le fondement de l'article R. 623-3 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune d'Annecy d'imputer les cent heures de formation qu'il a suivies sur son droit individuel à la formation ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy une somme de 3 950 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularités : il n'est pas suffisamment motivé ; la minute n'a pas été signée, en méconnaissance de l'article R. 741-1 du code de justice administrative ; les premiers juges ont omis de viser et d'analyser le mémoire enregistré le 5 avril 2017 ; ils ont omis d'analyser certaines conclusions et d'y répondre ; ils ont omis de répondre à trois moyens ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision du 17 mars 2014 n'est pas motivée ; elle ne mentionne pas, contrairement à ce qu'ils ont indiqué, le plan de formation de la commune et le fait que le stage envisagé présentait un " intérêt exclusivement personnel " ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'organisation d'études statistiques n'entrait pas dans les compétences d'une commune ; il a lui-même, en qualité d'adjoint administratif territorial, vocation à réaliser des enquêtes ;

- les décisions en litige sont illégales en conséquence de l'illégalité du règlement de formation de la commune d'Annecy ;

- les plans de formation pour 2013 et 2014/2015 n'ont pas été publiés ; à les supposer publiés, ils sont illégaux en conséquence de l'illégalité du règlement de formation auquel ils se réfèrent et, en ce qu'ils ne tiennent pas compte de l'objectif fixé par le décret du 26 décembre 2007 de faciliter l'accès aux différents niveaux de qualification professionnelle existants ;

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur les plans de formation de la commune, qui n'étaient plus ou pas encore entrés en vigueur à la date des décisions en litige ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son stage était dépourvu d'intérêt pour la commune et l'administration et qu'il n'avait acquis ni savoir, ni savoir-faire ; les décisions en litige méconnaissent le point 3 du B du I du règlement de formation de la commune et l'article 2-1 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984, qui ne s'oppose pas à ce que la mise en oeuvre du DIF relève d'une initiative personnelle et dont il remplissait les conditions.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2019, la commune d'Annecy, représentée par Me C... (D..., Affaires publiques), avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2007-1845 du 26 décembre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me C..., avocat de la commune d'Annecy,

- et les observations de M. B... A..., requérant ;

Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 7 septembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., adjoint administratif territorial au sein de la commune d'Annecy, a sollicité, le 21 janvier 2014, la prise en charge au titre du droit individuel à la formation professionnelle, du stage d'une durée de cent heures qu'il devait effectuer dans le cadre de la préparation d'une licence de psychologie. Le directeur général des services de cette commune ayant rejeté cette demande le 17 mars 2014, M. A... a présenté, le 25 mars 2014, un recours gracieux, lequel a été implicitement rejeté. Par jugement n° 1404381 du 18 juillet 2017, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande de première instance, M. A... soutenait notamment que les décisions en litige étaient illégales dès lors qu'elles avaient été adoptées sur le fondement du règlement de formation de la commune d'Annecy lui-même contraire aux dispositions des lois des 13 juillet 1983, 26 janvier 1984 et 12 juillet 1984 et du décret du 26 décembre 2007 susvisés. Il ressort du jugement contesté que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens contestant la régularité du jugement attaqué, celui-ci doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, la décision du 17 mars 2014 relève que, selon le règlement interne de formation, l'action de formation envisagée n'entre pas dans le périmètre des formations éligibles au droit individuel à la formation et qu'à la lecture des éléments indiqués, ce projet semble s'inscrire dans une démarche personnelle plus que dans un projet professionnel construit avec un objectif précis. Elle est, par suite, suffisamment motivée, conformément aux articles 1er et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 alors applicable.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 22 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Sans préjudice des actions de formation professionnelle prévues par les statuts particuliers, tout agent bénéficie chaque année, en fonction de son temps de travail, d'un droit individuel à la formation qu'il peut invoquer auprès de toute administration à laquelle il se trouve affecté parmi celles mentionnées à l'article 2. Ce droit est mis en oeuvre à l'initiative de l'agent en accord avec son administration. (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " La formation professionnelle tout au long de la vie au sein de la fonction publique territoriale comprend : (...) 2° La formation de perfectionnement, dispensée en cours de carrière à la demande de l'employeur ou de l'agent ; 3° La formation de préparation aux concours et examens professionnels de la fonction publique ; 4° La formation personnelle suivie à l'initiative de l'agent (...). ". Selon l'article 2.1 de la même loi : " I.- Tout agent de la fonction publique territoriale occupant un emploi permanent bénéficie d'un droit individuel à la formation professionnelle d'une durée de vingt heures par an. (...) II - Le droit individuel à la formation professionnelle est mis en oeuvre à l'initiative de l'agent en accord avec l'autorité territoriale. Pour que l'agent puisse faire valoir ce droit, les actions de formation qu'il se propose de suivre doivent être inscrites au plan de formation prévu à l'article 7 et relever des 2° ou 3° de l'article 1er. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 26 décembre 2007 : " Les fonctionnaires territoriaux qui souhaitent étendre et parfaire leur formation en vue de satisfaire des projets professionnels ou personnels peuvent bénéficier dans les conditions prévues au présent chapitre : 1° De la mise en disponibilité pour effectuer des études ou recherches présentant un caractère d'intérêt général ; 2° Du congé de formation professionnelle mentionné au 6° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée dont la durée ne peut excéder trois ans pour l'ensemble de la carrière ; 3° Du congé pour bilan de compétences mentionné au 6° ter de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée ; 4° Du congé pour validation des acquis de l'expérience mentionné au 6° bis de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. ".

6. M. A... se prévaut, par voie d'exception, de l'illégalité du règlement de formation de la commune d'Annecy. Il ressort de la combinaison des dispositions précitées que les formations ne relevant ni du 2° ni du 3° de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1984, listant les " formations professionnelles tout au long de la vie au sein de la fonction publique territoriale ", sont exclues du droit individuel à la formation. Dès lors, la formation personnelle suivie à son initiative par un agent territorial, prévue au 4° de cet article, n'est pas au nombre de celles qui permettent l'exercice du droit individuel à la formation. Par ailleurs, il ressort des termes de l'article 8 précité du décret du 26 décembre 2007 qu'une telle formation, à supposer même qu'elle aurait pour objet de satisfaire à un projet professionnel, n'entrerait pas dans le champ du droit individuel à la formation. En conséquence et contrairement à ce que prétend le requérant, en excluant, au point 3 du B du I, les formations personnelles dépourvues d'intérêt reconnu pour le service ou la collectivité, le règlement de la commune n'a méconnu ni les dispositions des lois du 13 juillet 1984 et du 12 juillet 1984, ni celles de l'article 1er du décret du 26 décembre 2007, dont le champ d'application inclut, au demeurant, des formations non admises au titre du droit individuel à la formation. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du règlement de formation de la commune d'Annecy doit être écarté.

7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le stage dont M. A..., alors affecté au service des parkings de la commune d'Annecy, sollicitait la prise en charge au titre du droit individuel à la formation devait se dérouler auprès de l'union départementale de la confédération générale du travail (CGT) de la Savoie dans le cadre de la préparation d'une licence de psychologie. Toutefois, le requérant ne démontre pas que les compétences acquises au cours de ce stage dans l'utilisation des outils bureautiques, le traitement et l'analyse des données statistiques et la méthodologie des enquêtes seraient utiles dans le cadre de ses fonctions ou lui offriraient des possibilités de mobilité au sein de la commune ou ailleurs. S'il allègue que le stage s'inscrivait dans le cadre d'un projet professionnel construit avec un objectif précis, il ne fait état que de la possibilité, après obtention de sa licence, de s'inscrire en master ou à un concours de la fonction publique, qu'il n'identifie d'ailleurs pas précisément, alors, en outre, que rien ne faisait obstacle à ce qu'il passe des concours en interne sans avoir à justifier d'une licence. Enfin, les compétences relatives à l'utilisation des outils bureautiques et à la " communication " pouvaient être acquises dans le cadre du plan de formation de la commune. Dès lors, le stage dont M. A... demandait la prise en charge, ponctué par la rédaction d'un rapport intitulé " La représentation sociale de l'organisation syndicale CGT auprès des adhérents de la CGT Savoie ", ne peut être regardé comme une " formation de perfectionnement ", au sens du 2° de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1984 et du règlement de formation de la commune d'Annecy et, s'apparente, suivant le motif de la décision du 17 mars 2014, à une " formation personnelle suivie à l'initiative de l'agent ", relevant du 4° précité de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1984. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du règlement de formation de la commune et de l'article 2-1 de la loi du 12 juillet 1984 doivent être écartés.

8. En troisième lieu, la décision du 17 mars 2014 a rejeté la demande de M. A... au motif que le stage pour lequel il demandait le bénéfice du droit individuel à la formation s'assimile à une formation personnelle. Cette décision se fonde ainsi sur le règlement de la commune d'Annecy et non sur son plan de formation. Dans ces conditions, et alors même que les premiers juges ont, au point 1 du jugement attaqué, fait mention du plan de formation dont aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit, au demeurant, qu'il doive être publié, le moyen tiré de l'illégalité des plans de formation de la commune d'Annecy pour 2013 et pour 2014/2015 est inopérant.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une enquête ou une audition sur le fondement des articles R. 623-1 et R. 623-3 du code de justice administrative, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la commune d'Annecy du 17 mars 2014, ni celle de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Annecy, qui n'est pas partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 500 euros en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404381 du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... est rejetée.

Article 3 : M. A... versera à la commune d'Annecy une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme E..., présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.

2

N° 17LY03425

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY03425
Date de la décision : 24/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : HARTEMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-09-24;17ly03425 ?
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