Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Grenoble a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de condamner la SAS Le Siège à lui verser une redevance provisionnelle de 2 500 euros par mois à compter du 1er juin 2017 jusqu'à la libération des lieux qu'elle occupe à l'Anneau de vitesse boulevard Clémenceau, ainsi qu'une provision de 7 764,59 euros au titre de ses consommations de fluides du 1er juin au 31 décembre 2017, ces sommes étant assorties des intérêts légaux, et à lui régler le coût provisionnel de ses consommations de fluides à compter du 1er janvier 2018.
Par une ordonnance n° 1804913 du 31 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 novembre 2018 et 21 mars 2019, sous le n° 18LY04003, la SAS Le Siège, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2018 ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une médiation ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de réformer l'ordonnance attaquée en ramenant à 1 005,90 euros le montant mensuel de la provision au titre de la créance de loyer à payer selon un échéancier fixé d'un commun accord avec la commune de Grenoble ;
4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son appel est recevable ;
- l'ordonnance est irrégulière dès lors que le juge des référés du tribunal n'a pas tenu compte de ses écritures en défense et qu'elle est ainsi privée d'un degré de juridiction ;
- c'est à tort qu'il a considéré qu'elle occupait le domaine public sans droit ni titre alors qu'elle a conclu le 5 avril 2005 avec l'association FCGR une convention de mise à disposition des locaux qui n'a pas été dénoncée ; par ailleurs, elle dispose d'un fonds de commerce sur le domaine public ainsi que le prévoit l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; la commune de Grenoble et elle sont liées par des relations commerciales ;
- elle a refusé de signer une convention d'occupation du domaine public avec la commune de Grenoble d'une part, en raison de l'existence du fonds de commerce, et d'autre part, en raison du déséquilibre économique général du contrat ; le montant de la redevance est excessif ;
- elle a consigné les sommes réclamées au titre des charges de fluides pour 2017 ; la commune n'a formulé aucune demande chiffrée au titre de l'année 2018 et il est impossible pour une entreprise de payer la totalité de ses charges en une seule fois en fin d'année ;
- pour éviter de poursuivre l'instance au fond, elle est d'accord pour participer à une procédure de médiation.
Par deux mémoires, enregistrés les 6 mars et 29 avril 2019, la commune de Grenoble, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société appelante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le bien appartient au domaine public de la commune ; la SAS Le Siège ne peut prétendre y être propriétaire d'un fonds de commerce ainsi que le stipule d'ailleurs l'article 7 de l'acte de cession de parts sociales dont elle se prévaut ;
- l'ordonnance ne peut pas être remise en cause s'agissant du montant de 2 500 euros HT par mois qui correspond à une redevance fixe sans lien avec le chiffre d'affaires ; la société ne peut lui opposer le montant de la redevance, charges comprises, qui avait été prévu dans le contrat conclu illégalement avec l'association FCGR ; en tout état de cause, ce montant n'est pas de 2 300 euros mais de 3 000 euros ; la dimension de l'établissement, la qualité du cadre et les aménagements permettent à la société de financer le loyer qui lui est demandé ;
- la SAS Le Siège ne conteste pas le montant dont elle redevable au titre des fluides pour 2017 ; il lui appartient de lui verser les sommes qu'elle a consignées et de régler, à réception des justificatifs, les sommes dues postérieurement au 31 décembre 2017 ;
Par une ordonnance du 2 mai 2019, l'instruction a été close le 29 mai 2019.
Par lettre du 6 juin 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité de la demande de première instance de la commune de Grenoble.
La commune de Grenoble et la société Le Siège ont produit des mémoires en réponse à ce moyen d'ordre public enregistrés respectivement les 12 et 13 juin 2019.
Un mémoire présentée pour la commune de Grenoble, enregistré le 21 juin 2019, n'a pas été communiqué.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 novembre 2018 et 21 mars 2019, sous le n° 18LY04196, la SAS Le Siège, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de prononcer, sur le fondement de l'article R. 541-6 du code de justice administrative, le sursis à exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2018 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution de cette ordonnance risquerait de la mettre en difficulté financièrement ;
- les moyens qu'elle énonce à son encontre dans l'affaire n° 18LY04003 et qu'elle reprend à l'appui de sa demande de sursis à exécution sont sérieux et de nature à justifier son annulation et le rejet de la demande de la commune de Grenoble.
Par deux mémoires, enregistrés les 6 mars et 29 avril 2019, la commune de Grenoble, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SAS Le Siège sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les conditions d'application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont pas réunies.
Par une ordonnance du 2 mai 2019, l'instruction a été close le 29 mai 2019.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., pour la SAS Le Siège, et de Me D..., pour la commune de Grenoble ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention du 10 novembre 1999, d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, la commune de Grenoble a mis gratuitement à la disposition de l'association Football Club Grenoble Rugby (FCGR) des locaux appartenant à son domaine public, situés au rez-de-chaussée de l'Anneau de vitesse, boulevard Gambetta. Cette association a aménagé dans ces locaux un espace de bar-restaurant qu'elle a ouvert au public et dont elle a confié l'exploitation à la SAS Le Siège par convention du 5 avril 2005. Par courrier du 15 mars 2017, la commune de Grenoble a informé le président de l'association FCGR de la résiliation, à compter du 1er juin 2017, de la convention d'occupation du domaine public dont elle bénéficiait et a envisagé de conclure directement avec la SAS Le Siège une convention d'occupation du domaine public à compter de cette même date. La société ayant rejeté sa proposition, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce que son expulsion soit ordonnée. Par une ordonnance du 22 décembre 2017, devenue définitive, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté cette demande pour défaut d'urgence. En raison du maintien dans les lieux de la SAS Le Siège, la commune a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société occupante, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser la somme provisionnelle de 2 500 euros HT mensuelle à compter du 1er juin 2017 en compensation des revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier de son domaine public, ainsi que la somme provisionnelle de 7 764 euros en remboursement des sommes acquittées par elle au titre des consommations de fluides de la société pour 2017 et à lui régler le coût provisionnel de ses consommations de fluides à compter du 1er janvier 2018. Par une ordonnance du 31 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la commune. Par sa requête n° 18LY04003, la SAS Le Siège relève appel de cette ordonnance et en demande le sursis à exécution par sa requête n° 18LY04196.
2. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre la même ordonnance pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 18LY04003 :
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
4. Une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal. Toutefois une collectivité publique est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre. En particulier, les collectivités territoriales qui peuvent émettre des titres exécutoires à l'encontre de leurs débiteurs, ne peuvent saisir directement le juge administratif d'une demande tendant au recouvrement de leur créance sauf lorsque la créance trouve son origine dans un contrat.
5. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, que la SAS Le Siège n'était pas placée dans une situation contractuelle vis-à-vis de la commune de Grenoble même si elle avait conclu, au demeurant irrégulièrement, une convention avec l'association FCGR de mise à disposition des locaux, de matériel et de licence IV, à laquelle la commune n'était pas partie. Dans ces conditions, la commune de Grenoble n'était pas recevable à demander au juge des référés, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la SAS Le Siège à lui verser une provision à ce titre, une telle condamnation n'étant susceptible d'emporter aucun effet juridique qu'elle n'avait les moyens de produire elle-même.
6. Il en résulte que la demande dont la commune de Grenoble a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble était irrecevable. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, la SAS Le Siège est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la commune de Grenoble.
Sur la requête n° 18LY04196 :
7. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre l'ordonnance n° 1804913 du 31 octobre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, les conclusions de la requête n° 18LY04196 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais du litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY04196.
Article 2 : L'ordonnance n° 1804913 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2018 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par la commune de Grenoble devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Le Siège et à la commune de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, président,
M. Chassagne, premier conseiller,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 septembre 2019.
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N°s 18LY04003, 18LY04196