Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 février 2014 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon rejetant son recours préalable obligatoire formé contre la sanction d'avertissement qui lui a été infligée le 22 janvier 2014 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire d'Aiton.
Par un jugement n° 1403462 du 16 mars 2017, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 juillet 2017, M. G..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'administration d'effacer l'ensemble des données relatives à la procédure disciplinaire litigieuse dans son dossier et dans le traitement des données " GIDE ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en écartant comme inopérant le moyen, fondé, tiré de la méconnaissance de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a méconnu le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la sanction a été prononcée à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de communication préalable du texte autorisant les fouilles intégrales, en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense et de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale ;
- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale dès lors que la faute disciplinaire caractérisée par le fait de refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par tout autre instruction de service n'est pas constituée en l'espèce ;
- la suppression des mentions inscrites dans le traitement de données " GIDE " ne présente pas un caractère automatique en vertu des textes applicables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
- les autres moyens d'appel de M. G... ne sont pas fondés ;
- elle s'en en rapporte à son mémoire produit en première instance pour ce qui concerne les autres moyens soulevés en première instance par M. G....
Par une décision du 13 juin 2017, M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... ;
- et les conclusions de Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., alors incarcéré au centre pénitentiaire d'Aiton, a fait l'objet le 23 octobre 2013 d'un compte rendu d'incident indiquant qu'il avait refusé de se soumettre à une fouille intégrale à l'issue du parloir, à laquelle il s'est finalement plié après la rédaction, à sa demande, de ce compte rendu. Par une décision du 22 janvier 2014, le président de la commission de discipline lui a infligé une sanction d'avertissement sur le fondement des dispositions du 5° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale. Cette sanction a été confirmée sur recours administratif préalable obligatoire par une décision du 21 février 2014 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon. M. G... relève appel du jugement du 16 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire, dans sa rédaction alors applicable : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire. ". Aux termes de l'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en oeuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement (...) ". En vertu du 5° de l'article R. 57-7-2 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : " De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ".
3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des tiers. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne. Il en résulte d'autre part que, lorsqu'un détenu refuse de se soumettre à une mesure de sécurité définie par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service, un tel refus constitue en principe une faute disciplinaire de nature à justifier légalement une sanction, sauf dans le cas où cette mesure serait manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine.
4. Si la fouille à laquelle a été soumis M. G... le 23 octobre 2013 a été décidée pour un motif de sécurité, il ressort, toutefois, des pièces du dossier, que cette mesure n'a pas été prise en fonction de son comportement, de ses agissements antérieurs ou des circonstances de ses contacts avec des tiers. Au demeurant, il est constant que l'intéressé ne s'est pas opposé à toutes mesures de fouille mais seulement à une fouille corporelle intégrale, avant de s'y soumettre, alors qu'il faisait l'objet de fouilles intégrales de manière quasi systématique à l'issue de ses passages au parloir. Il s'ensuit que son refus de se soumettre à cette fouille corporelle intégrale, qui était manifestement de nature à porter atteinte à sa dignité, n'est pas constitutif d'une faute justifiant l'application d'une sanction. Il est dès lors fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision contestée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement la suppression dans le dossier de M. G... ainsi que dans le traitement de données " GIDE " de toute mention de la sanction disciplinaire annulée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à cet effacement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
7. M. G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. G..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci une somme de 1 000 euros au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403462 du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La décision du 21 février 2014 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à l'effacement du dossier de M. G... et du traitement de données " GIDE " de toute référence à la sanction disciplinaire annulée à l'article 2.
Article 4 : L'Etat versera à Me B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, et à Me F... B....
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :
Mme A..., présidente,
M. E..., premier conseiller,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 septembre 2019.
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N° 17LY02775