La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/09/2019 | FRANCE | N°17LY02724

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 02 septembre 2019, 17LY02724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Peinta Concept a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Vincent de Mercuze et M. B... à lui verser la somme de 39 025,48 euros en paiement des travaux qu'elle a effectués en qualité de sous-traitant de la société JCD, outre intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2009 sur la somme de 11 960 euros et à compter du 22 janvier 2010 pour le solde, avec capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice c

ommercial.

Par un jugement n° 1500699 du 11 mai 2017, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Peinta Concept a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Vincent de Mercuze et M. B... à lui verser la somme de 39 025,48 euros en paiement des travaux qu'elle a effectués en qualité de sous-traitant de la société JCD, outre intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2009 sur la somme de 11 960 euros et à compter du 22 janvier 2010 pour le solde, avec capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice commercial.

Par un jugement n° 1500699 du 11 mai 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 juillet 2017, 20 octobre 2017 et 19 janvier 2018, la société Peinta Concept, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 mai 2017 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Saint-Vincent de Mercuze de produire les comptes rendus de chantier ;

3°) de condamner cette commune et M. B... à lui verser la somme de 39 025,48 euros en paiement des travaux qu'elle a effectués en qualité de sous-traitant de la société JCD, outre intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2009 sur la somme de 11 960 euros et à compter du 22 janvier 2010 pour le solde, avec capitalisation de ces intérêts, ainsi que la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice commercial ;

4°) de mettre à leur charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande n'est pas prescrite ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la responsabilité de la commune de Saint-Vincent de Mercuze est engagée sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ; cette dernière n'a jamais nié avoir eu connaissance de sa présence, en qualité de sous-traitant, sur le chantier de la salle des fêtes ; M. B..., maître d'oeuvre, avait connaissance de son intervention sur le chantier ainsi qu'il en résulte des correspondances échangées entre eux ; ni la commune, ni son maître d'oeuvre n'ont fait diligence pour contraindre la société JCD à respecter ses obligations découlant de la loi du 31 décembre 1975 ; ils ont par suite commis une faute ;

- son préjudice est constitué par la fraction de la rémunération qu'elle n'a pu se faire payer par le titulaire du marché, soit la somme de 39 025,48 euros à laquelle il convient d'ajouter les intérêts au taux légal ;

- le refus de paiement de la commune, alors qu'elle n'existait que depuis quatre mois à la date de l'impayé, et qui perdure, lui cause un préjudice commercial qu'elle évalue à la somme de 3 000 euros ;

- à titre subsidiaire, la cour condamnera la commune et M. B... sur le fondement de l'enrichissement sans cause ; la commune n'a jamais réglé à la société JCD les travaux réalisés en 2009 et n'a effectué aucune reprise ; la procédure de liquidation judiciaire dont a fait l'objet la société JCD est close de sorte que la commune ne lui paiera jamais les travaux ;

- en application de l'article R. 611-17 du code de justice administrative, il appartient à la cour de demander à la commune de produire les comptes rendus de chantier.

Par deux mémoires, enregistrés les 19 septembre et 6 décembre 2017, la commune de Saint-Vincent de Mercuze, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 800 euros soit mise à la charge de la société appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la créance dont se prévaut la société Peinta Concept est prescrite ;

- à titre subsidiaire, elle n'a commis aucune faute ; la société appelante n'apporte aucune pièce de nature à établir qu'elle aurait eu connaissance de son intervention sur le chantier en qualité de sous-traitant ;

- par ailleurs, elle ne s'est pas enrichie des travaux réalisés par la société Peinta Concept dans la mesure où ils n'ont pas été réceptionnés en raison de l'aspect des sols présentant des cratères sur toute leur surface et une surcharge avec des vagues ; ce prétendu enrichissement a, en tout état de cause, bien une cause, à savoir le contrat la liant à la société JCD.

Par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2017, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société appelante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle n'a été précédée d'aucune demande indemnitaire préalable à la commune ; à supposer que le courrier du 26 mars 2010 puisse être considéré comme une telle demande, la requête est tardive ;

- la créance est prescrite ;

- la société appelante ne démontre pas qu'il avait connaissance, ni d'ailleurs la commune, de l'intervention d'un sous-traitant ; si tel avait été le cas, la commune aurait refusé d'agréer la société Peinta Concept en tant que sous-traitant au regard des prestations qui lui étaient confiées et qui n'étaient pas conformes à l'objet du marché ;

- en sa qualité de maître d'oeuvre, son devoir de conseil n'existe qu'à l'égard du maître d'ouvrage ; la société appelante ne saurait se prévaloir d'aucune faute à son égard ; les obligations découlant de la loi du 31 décembre 1975 pèsent exclusivement sur le maître d'ouvrage ;

- les travaux exécutés par la société Peinta Concept n'ont pas été réceptionnés ; quand bien même aurait-elle été agréée, elle n'aurait pas obtenu le paiement direct de ses travaux ;

- il ne saurait, en tout état de cause, être condamné au paiement des intérêts de retard ; il n'a été destinataire d'aucune demande de paiement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En 2009, la commune de Saint-Vincent de Mercuze (38) a souhaité rénover sa salle polyvalente abritant une salle de sport, un auditorium et une salle de bar. Elle a confié à M. B..., architecte, une mission complète de maîtrise d'oeuvre. Le lot n° 4 " Peintures -Revêtements de sols " a été attribué à la société JCD. Cette dernière, contractuellement tenue à un ragréage de mise à niveau de toutes les surfaces et la pose à la spatule de 3mm de résine epoxy auto lissante, a sous-traité sa prestation à la société Peinta Concept dont le devis, qu'elle a accepté, prévoyait la pose d'une couche de résine d'une épaisseur totale de 1,6 à 2 mm sans ragréage. Les travaux ont été réalisés au cours de la période comprise entre le 16 novembre et le 15 décembre 2009 sans que la société JCD ne fasse accepter son sous-traitant ni agréer ses conditions de paiement par le maître d'ouvrage. Le 11 janvier 2010, la réception des travaux a été refusée en raison de l'aspect des sols présentant des vagues et des cratères sur toute la surface. La commune n'a pas rémunéré son cocontractant, la société JCD, qui a refusé de payer à la société Peinta Concept les factures émises les 27 novembre et 22 décembre 2009 pour un montant total de 39 025,48 euros. A la demande de la société Peinta Concept, le tribunal de commerce de Chambéry a, par ordonnance du 7 mai 2010, désigné un expert judiciaire afin de dire si la mise en oeuvre du revêtement correspondait aux normes en vigueur et d'évaluer les travaux nécessaires à la reprise des malfaçons. Le rapport d'expertise a été déposé le 31 janvier 2011. Par un jugement du 2 novembre suivant, le tribunal de commerce de Chambéry a condamné la société JCD à payer à la société Peinta Concept le montant des factures de novembre et décembre 2009 augmenté des intérêts au taux légal et à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice commercial. La société JCD a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée ouverte le 6 février 2012, close par jugement du 21 octobre 2012. En conséquence, la société Peinta Concept n'a pu faire exécuter le jugement du tribunal de commerce du 2 novembre 2011.

2. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juillet 2014, reçue le 17, la société Peinta Concept a saisi la commune de Saint-Vincent de Mercuze d'une demande, présentée sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, tendant au paiement des sommes mises à la charge de la société JCD en application du jugement du tribunal de commerce du 2 novembre 2011. La commune n'ayant pas répondu, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande indemnitaire dirigée contre la commune de Saint-Vincent de Mercuze et M. B... sur le fondement de leurs responsabilités quasi-délictuelle et quasi-contractuelle. Par un jugement du 11 mai 2017, dont la société Peinta Concept relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité quasi-délictuelle :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette loi : " Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel. / En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage. ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : "Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) ". Enfin, selon l'article 14-1 de cette loi : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maître d'ouvrage, qui ayant eu connaissance d'une sous-traitance irrégulière, s'abstient de toute mesure propre à y mettre fin, commet une faute de nature à engager sa responsabilité.

4. La société Peinta Concept soutient que la commune de Saint-Vincent de Mercuze, qui avait connaissance de son intervention sur le chantier de la salle polyvalente, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en négligeant de mettre en demeure la société JCD, entrepreneur principal, de s'acquitter de ses obligations à son égard afin qu'elle puisse bénéficier du paiement direct, par la commune, des prestations dont elle a assuré l'exécution.

5. Cependant s'il résulte de l'instruction, et en particulier du courrier du 8 février 2010 adressé par M. B... à la société JCD, que le maître d'oeuvre était informé, avant le démarrage des travaux de réfection des sols, de ce que ceux-ci seraient exécutés par la société Peinta Concept, cette dernière n'établit, par aucun commencement de preuve, que la commune, maître d'ouvrage, aurait entretenu avec elle, pendant l'exécution des travaux, des relations directes et caractérisées qui conduiraient à regarder cette collectivité comme suffisamment informée de la nature de l'intervention de la société Peinta Concept sur le chantier et des liens de celle-ci avec l'entrepreneur principal. Ce n'est qu'en mars 2010, après que la société JCD a refusé de lui payer les factures correspondant aux travaux achevés en décembre 2009, que la société Peinta Concept s'est manifestée auprès de la commune de Saint-Vincent de Mercuze en faisant valoir sa qualité de sous-traitant. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de faire droit aux conclusions de la société Peinta Concept tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de produire les comptes rendus de chantier, la commune de Saint-Vincent de Mercuze n'a pas commis de faute à l'égard de la société appelante de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.

6. En deuxième lieu, si la commune de Saint-Vincent de Mercuze aurait pu, le cas échéant, reprocher à M. B... de ne pas l'avoir informée de la présence d'un sous-traitant irrégulier sur le chantier compte tenu des missions de maîtrise d'oeuvre qui lui étaient confiées, la société Peinta Concept ne peut se prévaloir d'aucune faute du maître d'oeuvre à son égard.

Sur la responsabilité quasi-contractuelle :

7. En premier lieu, la société Peinta Concept invoque, subsidiairement, l'enrichissement sans cause de la commune de Saint-Vincent de Mercuze, qui n'a pas rémunéré son cocontractant. Toutefois, compte tenu des malfaçons affectant les sols de la salle polyvalente et de la nécessité pour cette collectivité publique de procéder, à ses frais, à la réfection des revêtements pour un montant estimé par l'expert judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Chambéry à la somme de 31 883,85 euros, il ne résulte pas de l'instruction, et ce, indépendamment de la circonstance que les travaux de réfection des sols ont été réalisés en exécution d'un marché conclu entre la commune et la société JCD, que les dépenses engagées par la société Peinta Concept pour l'exécution de ces travaux auraient présentées un caractère utile pour la collectivité. Ainsi, la société appelante n'est pas fondée à en demander le paiement sur le terrain de l'enrichissement sans cause.

8. En deuxième lieu, la société Peinta Concept ne peut utilement invoquer la responsabilité quasi-contractuelle du maître d'oeuvre qui ne s'est pas enrichi à son détriment.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir et l'exception de prescription quadriennale opposées par les intimés, que la société Peinta Concept n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Peinta Concept est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Vincent de Mercuze et par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Peinta Concept, à la commune de Saint-Vincent de Mercuze et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 septembre 2019.

6

N° 17LY02724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02724
Date de la décision : 02/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Sous-traitance.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BSV BELLIN SABATIER VOLPATO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-09-02;17ly02724 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award