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25/07/2019 | FRANCE | N°19LY01421

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 juillet 2019, 19LY01421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 janvier 2018 par laquelle la ministre du travail a, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 55ème section du département du Rhône du 8 juin 2017 autorisant son licenciement, autorisé l'association AGIVR à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1801547 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une req

uête et un mémoire, enregistrés les 12 avril et 28 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Mahus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 janvier 2018 par laquelle la ministre du travail a, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 55ème section du département du Rhône du 8 juin 2017 autorisant son licenciement, autorisé l'association AGIVR à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1801547 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril et 28 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Mahussier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 février 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 10 janvier 2018 de la ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'association AGIVR une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le rapport d'audit n'a aucune valeur probante et que le bilan d'intervention de la psychologue ainsi que les attestations produites par l'employeur démontrent l'existence d'un doute qui doit profiter au salarié.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Mme B... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Perrin, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association AGIVR, qui est spécialisée dans l'hébergement de personnes en situation de handicap mental et/ou physique, a saisi l'inspecteur du travail, le 5 mai 2017, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, concernant Mme B..., recrutée le 21 avril 2008, employée en dernier lieu en qualité de directrice des ressources humaines au sein du siège social de l'association et candidate au mandat de conseillère prud'homale. Le 8 juin 2017, l'inspecteur du travail de la 55ème section du département du Rhône a accordé à l'association AGIVR l'autorisation de licencier l'intéressée. Le 4 août 2017, Mme B... a saisi la ministre du travail d'un recours hiérarchique. Par décision du 10 janvier 2018, la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de l'intéressée. Mme B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 10 janvier 2018 autorisant son licenciement.

2. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge de l'excès de pouvoir sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié protégé, ce doute profite au salarié.

4. Pour autoriser le licenciement de Mme B..., la ministre du travail s'est fondée sur le fait que l'intéressée a eu, de façon répétée, à l'égard de plusieurs de ses collaborateurs, un comportement inadapté et humiliant notamment en interdisant de se parler entre collègues durant le temps de travail sauf pour un dossier commun, en coupant systématiquement la parole au cours d'un échange, en hurlant sur ses collaboratrices, en dénigrant continuellement leur travail et en ne respectant pas les horaires des réunions. La ministre du travail a estimé que ce comportement inadapté a eu des répercussions sur l'ambiance de travail au sein du siège social et entraîné une souffrance installée au sein du service des ressources humaines et de la paie.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à Mme B... ont d'abord été signalés par un courrier d'alerte du 20 avril 2017, rédigé par la dirigeante du cabinet d'audit que l'association avait engagé pour établir un diagnostic organisationnel. Ils ont été précisés par un rapport du 2 mai 2017 retraçant l'audition de soixante-quatre salariés de l'association dont la très grande majorité a confirmé ces faits. Ce rapport préconisait la mise à l'écart du service de Mme B... afin de préserver la sécurité et la santé des salariés qui travaillaient avec elle. Les seules circonstances que quatre salariés alors en congé de maladie n'auraient pu en réalité être auditionnés, que l'association AGIVR a fait appel au même cabinet d'audit pour gérer temporairement des missions de ressources humaines après le départ de Mme B..., que ce cabinet connaissait des difficultés économiques et que l'auditrice qui a rédigé le rapport litigieux ait pu occuper à ce titre les fonctions confiées à Mme B... à la suite de son licenciement ne sont pas par elles-mêmes de nature à établir l'absence de fiabilité de ce rapport ainsi que la partialité de sa rédactrice. Par suite, les faits reprochés à l'intéressée, tels qu'ils ont été révélés par ce rapport, doivent être regardés comme établis.

6. En deuxième lieu, il ressort du bilan d'intervention réalisé par une psychologue entre le 21 avril et le 31 mai 2017 au sein du siège de l'association que les salariés qui ont évolué pendant plusieurs années dans une " organisation centralisée et cloisonnée " et " autoritaire voire tyrannique " ont éprouvé, pour plusieurs d'entre eux, un sentiment de soulagement et de liberté après le départ de Mme B.... Si la requérante fait valoir que le bilan de la psychologue fait également état d'une " ambivalence des sentiments " de la part des salariés, avec une " forte empathie " à son égard et que de nouvelles tensions ont été observées au sein du service des ressources humaines après son départ, de telles constatations ne suffisent pas à remettre en cause la réalité des difficultés et des souffrances engendrées par le comportement de Mme B... sur l'ambiance de travail au sein du siège social de l'association.

7. En dernier lieu, il ressort des témoignages recueillis par l'employeur, lesquels sont, contrairement à ce que soutient la requérante, suffisamment circonstanciés et concordants, que le comportement de Mme B... a eu pour effet de dégrader les conditions de travail au sein du siège de l'association et de nuire à la sérénité de l'accomplissement de leur travail par certains collaborateurs. Si la requérante produit plusieurs attestations et messages révélant qu'elle pouvait entretenir des relations cordiales avec certaines salariées et que ses compétences étaient également reconnues, ces documents ne permettent pas à eux seuls de remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés.

8. Dans ces conditions, l'ensemble des faits reprochés à Mme B... doivent être regardés comme établis, sans que l'intéressée puisse se prévaloir de ce qu'un doute, qui doit profiter au salarié en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 1235-1 du code du travail, subsisterait sur ce point. Enfin, ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à l'association AGIVR et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

2

N° 19LY01421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01421
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP REVEL et MAHUSSIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-25;19ly01421 ?
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