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25/07/2019 | FRANCE | N°19LY00658

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 juillet 2019, 19LY00658


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 29 octobre 2018 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1807591 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 fé

vrier 2019, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 29 octobre 2018 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1807591 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 février 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'ayant pas tenu compte de son mémoire en défense, le jugement attaqué est irrégulier ;

- Mme C... ne peut bénéficier d'une carte de séjour temporaire, faute de détenir un visa de long séjour ;

- aucun des autres moyens invoqués devant le tribunal administratif n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 25 mars 2019, Mme C..., représentée par Me Albertin, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui permettant d'exercer en France une activité salariée, dans les trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- aucun des moyens invoqués par le préfet n'est fondé ;

- les décisions ont été signées par une autorité incompétente ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- le préfet devait saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi ;

- ce refus méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante thaïlandaise née le 20 avril 1991, est entrée en France le 16 septembre 2017 munie d'un visa portant la mention " Long séjour temporaire - Dispense temporaire de carte de séjour ". Le 20 août 2018, elle a sollicité une carte de séjour temporaire mention " travailleur temporaire ". Le 29 octobre 2018, le préfet de la Drôme lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...). Elle porte la mention " travailleur temporaire " (...). "

3. L'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : (...) 2° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 (...). "

4. L'article R. 311-3 de ce code précise que : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : (...) 3° Les étrangers séjournant en France sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois et inférieure ou égale à douze mois comportant la mention " dispense temporaire de carte de séjour ", pendant la durée de validité de ce visa (...). "

5. Il est constant que Mme C... n'était munie que d'un visa portant la mention " Long séjour temporaire - Dispense temporaire de carte de séjour ", mentionné au 3° de l'article R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte des dispositions alors applicables du 2° de l'article R. 313-1 du même code qu'un tel visa n'est pas au nombre de ceux qu'un étranger peut présenter à l'appui d'une demande de carte de séjour temporaire. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire et désignation du pays de destination, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressée était titulaire d'un visa long séjour d'un an qui l'autorisait à demander une carte de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C....

7. Par un arrêté du 31 août 2018, publié au recueil des actes administratifs le même jour, le préfet de la Drôme a donné délégation à M. Patrick Vieillescazes, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer notamment tous actes et documents administratifs relevant des attributions de l'État dans le département, à l'exception de certains cas parmi lesquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des ressortissants étrangers. Cet arrêté précise qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. D..., cette délégation est accordée à M. B... A..., directeur de cabinet du préfet. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... n'était pas alors absent ou empêché. Par suite, M. A... était compétent pour signer les décisions en litige.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

8. Cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et des éléments de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.

9. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".

10. Mme C... ne détenant pas un visa de long séjour, le préfet a pu légalement refuser de lui délivrer la carte de séjour que prévoient les dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans avoir à consulter préalablement les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

12. Le 29 octobre 2018, Mme C... ne séjournait en France que depuis treize mois à la date de la décision en litige. Elle vit avec un ressortissant français, a suivi une formation en tourisme international à l'université et occupé des emplois saisonniers. Toutefois, compte tenu notamment de la durée de sa présence en France, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, il ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

14. Le 29 octobre 2018, Mme C... de nationalité thaïlandaise, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Ainsi, à la même date, elle était dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

15. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.

16. Les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour.

17. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen invoqué par le préfet de la Drôme, celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.

18. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de Mme C... à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.

19. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de Mme C... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 février 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E...C....

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

2

N° 19LY00658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00658
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-25;19ly00658 ?
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