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25/07/2019 | FRANCE | N°17LY01496

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 juillet 2019, 17LY01496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association des paralysés de France a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :

- la décision par laquelle l'inspecteur du travail a implicitement, le 19 septembre 2013, puis explicitement, le 27 septembre 2013, refusé d'autoriser le licenciement de Mme A... B... ;

- la décision du 11 avril 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B....

Par un jugement n° 1403

523 du 6 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association des paralysés de France a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :

- la décision par laquelle l'inspecteur du travail a implicitement, le 19 septembre 2013, puis explicitement, le 27 septembre 2013, refusé d'autoriser le licenciement de Mme A... B... ;

- la décision du 11 avril 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B....

Par un jugement n° 1403523 du 6 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 11 avril 2014 (article 1er) et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ainsi que les conclusions présentées par Mme B... (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 avril et 28 juillet 2017, l'association des paralysés de France, représentée par Me Stagnara, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 février 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées de l'inspecteur du travail des 19 et 27 septembre 2013 ;

3°) d'enjoindre à l'administration d'autoriser, en tant que de besoin, le licenciement de Mme B... ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions incidentes de Mme B... concernant la décision du ministre du 11 avril 2014 ne sont pas recevables ;

- l'inspecteur du travail n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- elle avait suffisamment détaillé le reproche lié aux absences injustifiées de l'intéressée ;

- l'inspecteur du travail a méconnu la circulaire 07/2012 du 30 juillet 2012 du ministre chargé du travail ;

- Mme B... a commis des fautes suffisamment graves pour justifier son licenciement ;

- il n'existe pas de lien entre le mandat et la demande d'autorisation de licenciement.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2017, Mme A... B..., représentée par la SCP d'avocats Janot et associés, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 février 2017 en tant qu'il a annulé la décision du ministre du travail du 11 avril 2014 ;

- à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'association des paralysés de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la consultation du comité d'entreprise était irrégulière et c'est à juste titre que le ministre a, pour ce motif, refusé d'autoriser son licenciement ;

- l'inspecteur du travail n'a pas méconnu le principe du contradictoire ;

- la demande d'autorisation de licenciement de l'employeur était insuffisamment motivée ;

- les griefs ne sont pas établis ;

- la demande de licenciement est en lien avec ses mandats.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Chomel, avocat de l'association des paralysés de France, ainsi que celles de Me Janot, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association des paralysés de France prend en charge le handicap et gère des services ou établissements médico-éducatifs ainsi que des structures de travail adapté dont l'Institut d'éducation motrice (IEM) d'Eybens, qui a pour activité l'accueil ou l'accompagnement sans hébergement d'enfants handicapés. L'association a saisi l'inspecteur du travail, le 17 juillet 2013, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de Mme B..., salariée de l'association depuis 1992, employée en qualité d'aide médico-psychologique et exerçant alors les mandats de déléguée syndicale, représentante syndicale au comité d'établissement et conseillère prud'homale. Par une décision implicite née le 19 septembre 2013, l'inspecteur du travail a rejeté sa demande et a confirmé expressément ce refus le 27 septembre 2013. L'association a formé un recours hiérarchique contre ces décisions et le 27 mars 2014, le ministre chargé du travail a annulé ces décisions et refusé l'autorisation de licencier Mme B.... Par une nouvelle décision du 11 avril 2014, le ministre a retiré sa décision du 27 mars 2014 et refusé l'autorisation de licencier l'intéressée. Par un jugement du 6 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 11 avril 2014 (article 1er) et rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'association des paralysés de France ainsi que les conclusions présentées par Mme B... (article 2). L'association des paralysés de France relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande l'annulation de l'article 1er du même jugement.

Sur les conclusions principales de l'association des paralysés de France :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés à l'article R. 2421-12. "

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision du 27 septembre 2013, que l'inspecteur du travail a refusé d'accorder à l'association des paralysés de France l'autorisation de licencier Mme B... en se fondant sur les motifs tirés de ce que les absences reprochées à l'intéressée, non justifiées ou non autorisées ou intervenues sans que l'employeur ait été prévenu, qui sont apparues après l'enquête comme intervenues dans le cadre de l'exercice de ses mandats, ne pouvaient être regardées comme fautives, de ce que la seule absence de deux heures, le 29 mai 2013, n'était pas établie et de ce que le reproche fait à l'intéressée d'avoir interpellé des salariés sur leur poste de travail de manière inappropriée ne pouvait pas davantage être retenu comme fautif dès lors que ces faits correspondaient à l'exercice du droit syndical. Enfin, ce n'est que subsidiairement que l'inspecteur du travail a indiqué que des éléments de contexte, " tels que l'intervention auprès de l'UD CFDT et la lettre ouverte au personnel tous deux d'avril 2012, sont des indices d'un lien entre la demande de licenciement et les mandats de Mme A... B... ". Si l'association requérante soutient qu'elle n'a pas eu communication de ces deux derniers documents, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ces deux éléments ne peuvent être regardés comme déterminants pour établir les motifs sur lesquels l'inspecteur du travail a fondé son refus d'autoriser le licenciement demandé. Par suite, l'association requérante n'a pas été privée de la garantie du contradictoire prévue par l'article R. 2421-11 du code du travail.

5. En deuxième lieu, si l'association requérante fait valoir qu'elle a communiqué à l'inspecteur du travail un tableau récapitulant les absences reprochées à Mme B..., elle reconnaît elle-même que de telles précisions ne figuraient pas dans la demande d'autorisation de licenciement qu'elle a adressée à l'administration. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail aurait entaché sa décision du 27 septembre 2013 d'une erreur de fait en indiquant que le " motif fondé sur les absences n'est pas détaillé dans la demande ".

6. En troisième lieu, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire 07/2012 du 30 juillet 2012 du ministre chargé du travail, qui est dépourvue de valeur réglementaire.

7. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les documents produits par l'association des paralysés de France sont de nature à établir la matérialité des faits reprochés à Mme B... qui s'est absentée à plusieurs reprises sans autorisation ou sans avoir prévenu son employeur et qui a interpellé des salariés sur leurs postes de travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les absences reprochées à Mme B... ont fait suite à la reprise du travail par l'intéressée, qui avait été victime d'un accident du travail, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, pour l'exercice de fonctions dont la nature et l'organisation horaire n'étaient pas clairement déterminées. De plus, plusieurs de ces absences pouvaient également être justifiées par l'exercice par l'intéressée des heures de délégation syndicale auxquelles elle avait droit. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interpellation par l'intéressée de salariés sur leurs postes de travail ait pu nuire au fonctionnement du service. Ainsi, compte tenu de ces circonstances, les faits dont il s'agit ne présentaient pas un caractère de gravité suffisante pour justifier un licenciement. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'absence de lien avec le mandat, l'association des paralysés de France n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation en refusant d'autoriser le licenciement de Mme B....

Sur les conclusions incidentes de Mme B... :

8. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.

9. Dans sa décision du 11 avril 2014, le ministre chargé du travail, après avoir retiré sa précédente décision annulant celles de l'inspecteur du travail, ne pouvait légalement se borner, ainsi qu'il l'a fait, à statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur sans se prononcer au préalable sur la légalité des décisions contestées par le recours hiérarchique dont il était saisi. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision du ministre du 11 avril 2014.

10. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que, l'association des paralysés de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions de l'inspecteur du travail des 19 septembre 2013 et 27 septembre 2013 refusant d'autoriser le licenciement de Mme B.... Il en résulte également, d'autre part, que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ses conclusions d'appel incident, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif a annulé la décision du 11 avril 2014 par laquelle le ministre chargé du travail a refusé d'autoriser son licenciement.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à l'association des paralysés de France au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'association des paralysés de France le paiement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association des paralysés de France est rejetée.

Article 2 : L'association des paralysés de France versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des paralysés de France, à Mme A... B... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

2

N° 17LY01496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY01496
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : EQUIPAGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-25;17ly01496 ?
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