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16/07/2019 | FRANCE | N°19LY01144

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2019, 19LY01144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 15 janvier 2019 lui ayant refusé un titre de séjour, enjoint de quitter la France sans délai vers l'Arménie et interdit le retour en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 1900163 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 mars 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 mars 2019 ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 15 janvier 2019 lui ayant refusé un titre de séjour, enjoint de quitter la France sans délai vers l'Arménie et interdit le retour en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 1900163 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 mars 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 15 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Saône-et-Loire, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) à défaut d'enjoindre au préfet de la Saône-et-Loire, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte fixée à 150 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du Code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros correspondant aux frais non compris dans les dépens qu'elle aurait eu à supporter si elle n'avait pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, cette somme étant à régler à son avocat, Me D..., lequel renonce dans cette hypothèse à percevoir le montant de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de " l'exception d'illégalité de la décision portant refus de départ volontaire. " ;

- la motivation de la décision de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire est insuffisante ;

- le préfet a méconnu l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ne lui permettant pas de donner ses observations concernant la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ;

- le refus de régulariser sa situation est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ce refus méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation et a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale dès lors qu'il ne ressort pas de l'arrêté que le préfet aurait pris en considération la réalité de l'intégration de la famille en France, c'est-à-dire la durée de présence en France et la nature et l'ancienneté des liens de cette famille avec la société française.

La requête a été communiquée au préfet de la Saône-et-Loire, qui n'a pas présenté d'observations.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 mai 2018, Mme B... C..., de nationalité arménienne, a demandé son admission exceptionnelle au séjour. Le 15 janvier 2019, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans à compter de l'exécution de la obligation de quitter le territoire français, et a décidé qu'elle serait reconduite à destination de l'Arménie ou tout autre pays non membre de I'Union Européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où elle établirait être légalement admissible. Mme C... relève appel du jugement du 5 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Devant les premiers juges, Mme C... a indiqué sous l'intitulé : " Sur la décision refusant le délai de départ volontaire " que la décision portant refus de titre étant irrégulière, l'interdiction de retour devrait donc être annulée par voie de conséquence. Elle n'a, ce faisant, en réalité articulé aucun moyen contre la décision lui refusant un délai de départ volontaire et n'est pas fondée à invoquer un quelconque défaut de motivation ou une omission à statuer sur ce point. Le tribunal s'est prononcé sur l'ensemble des conclusions et des moyens dont il était saisi. En toute hypothèse, il n'était pas tenu d'écarter de façon explicite les exceptions d'illégalité du refus de titre de séjour invoquées à l'appui de la contestation d'autres mesures dès lors qu'il écartait les moyens dirigés contre ce refus et, dès lors, implicitement mais nécessairement le moyen tiré de ce que les autres décisions avaient été prises pour l'application d'un acte illégal qui ne pouvait les fonder.

Sur la légalité externe :

3. La décision refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Le fait qu'elle soit silencieuse sur la présentation d'une promesse d'embauche, la scolarisation en maternelle des deux filles du couple et l'intégration alléguée de la famille n'affecte pas le caractère suffisant de cette motivation. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté. En vertu des dispositions du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour.

4. Si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant et Mme C... ne peut pas utilement l'invoquer à l'appui de sa contestation de la mesure d'éloignement.

Sur la légalité interne :

5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.

6. Le 9 août 2013, Mme C... a fait l'objet d'un arrêté du préfet de Saône-et-Loire portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. S'étant néanmoins maintenue sur le sol français, elle a fait l'objet, le 15 janvier 2015, d'un arrêté du préfet de Saône-et-Loire portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d'une interdiction de retour de deux ans et s'est néanmoins maintenue irrégulièrement en France. La requête qu'elle a introduite contre ce dernier arrêté a été rejetée. Son époux se trouve dans une situation identique et le couple a eu deux enfants, respectivement nées en 2012 et en 2014 en France et scolarisées en maternelle à la date de la décision attaquée. Mme C..., âgée de trente ans à la date de l'arrêté, a vécu durant vingt-quatre ans en Arménie. Elle a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une promesse d'embauche en qualité de cuisinière polyvalente émanant de la SARL Campania. Elle fait également état de ses efforts en vue de l'apprentissage de la langue française et d'une bonne intégration. Toutefois, au vu de l'ensemble de ces circonstances, le préfet de la Saône-et-Loire n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de considérer que les motifs dont il était fait état devant lui justifiaient la régularisation de la situation de l'intéressée.

7. Eu égard aux attaches privées et familiales reliant Mme C... à la France telles que décrites ci-dessus, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs de ce refus. Le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté, tout comme celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, (...) alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, est, en principe, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 précité.

10. Au cas d'espèce, Mme C... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont elle fait état ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires, qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. S'agissant de la durée de cette interdiction, la décision fait référence à la durée de présence de Mme C... sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, aux précédentes mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet et au fait que sa présence sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions précitées en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour en France faite à l'appelant. Cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux attaches qui relient Mme C... à la France.

11. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Mme C... risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Il résulte par ailleurs de ce qui a été exposé aux points précédents que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement n'est pas privée de base légale.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris en ses conclusions à fin d'injonction, et tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2019.

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N° 19LY01144

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY01144
Date de la décision : 16/07/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-16;19ly01144 ?
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