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04/07/2019 | FRANCE | N°18LY02762

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 18LY02762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 mars 2018 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " salarié ", à défaut, " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une

autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat au profit de so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 mars 2018 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " salarié ", à défaut, " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1802490 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, M. B... A..., représenté par Me Kummer, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802490 du 28 juin 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 mars 2018 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour,

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen présenté à l'encontre de cette décision sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et concernant le pouvoir du préfet de régularisation par le travail ;

- le refus de titre de séjour en litige est insuffisamment motivé, dès lors que le préfet ne précise pas en quoi une mesure dérogatoire n'a pas paru justifiée ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'user de son pouvoir de régularisation pour lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " salarié ", dès lors qu'il remplit les conditions d'emploi et de durée de séjour en France pour bénéficier de cette régularisation ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée préalablement, dès lors qu'il justifie d'une résidence en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée ;

- le refus de titre de séjour en litige méconnaît les stipulations du 1. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dès lors qu'il justifie d'une résidence en France depuis plus de dix ans à la date de cette décision ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il a travaillé de longue date en France et y entretient des liens personnels dans sa vie professionnelle et dans sa vie privée et qu'il n'a plus aucun lien avec l'Algérie depuis 1962 ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,

- son droit à être entendu avant l'édiction de cette décision, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;

- il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Drouet, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. "

2. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

3. D'une part, il résulte de ce qu'il vient d'être dit que le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen étant inopérant à l'encontre du refus de titre de séjour en litige opposé à M. A..., ressortissant algérien.

4. D'autre part, il ressort des termes du jugement attaqué, et notamment de son point 6, que les juges de première instance ont, contrairement à ce que soutient M. A..., expressément et suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en refusant d'user de son pouvoir de régularisation pour lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " salarié ".

5. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Grenoble.

7. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".

8. Si M. A... justifie avoir travaillé en France du 11 au 15 avril 2008, le 3 septembre et le 15 novembre 2008, le 22 et le 31 décembre 2008, avoir élu domicile au centre communal d'action social de Nice en novembre 2008 et procédé à cette même époque à des versements d'espèces, avoir travaillé en France du 1er au 10 janvier 2009, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit et qui sont relatives à des périodes limitées dans le temps, sa présence habituelle en France en 2008, 2009 et 2010. Dans ces conditions, il ne justifie pas, au 27 mars 2018, date du refus de titre de séjour contesté, d'une résidence en France depuis plus de dix ans. Par suite, doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

9. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 8, M. A... ne justifie pas, à la date de la décision en litige, d'une résidence en France depuis plus de dix ans. Par suite, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de consulter, sur le fondement des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour avant de rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé.

11. En quatrième lieu, M. A..., ressortissant algérien né le 8 février 1966, ne justifie pas, à la date du refus de titre de séjour litigieux, d'une résidence en France depuis plus de dix ans, ainsi qu'il a été dit au point 8. S'il a travaillé en France de manière saisonnière de 2008 à 2010 puis sur des périodes plus longues à partir de 2011, il est constant qu'il a obtenu un droit au séjour de longue durée en 2011 en Italie, pays dans lequel il a fait renouveler son passeport en 2014. Célibataire et sans charge de famille, il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-deux ans en Algérie où résident sa mère et sa soeur. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En dernier lieu, M. A... ne saurait utilement se prévaloir des termes, dépourvus de caractère impératif, de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur. Il ne résulte pas de ce qu'il a été dit aux points 8 et 11 concernant le travail et le séjour de l'intéressé en France, que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'user de son pouvoir de régularisation pour lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " salarié ".

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Grenoble.

14. En deuxième lieu, il résulte de ce qu'il a été dit au point 8, que doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de ce que M. A... pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

15. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 11, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Kummer et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Cottier, premier conseiller,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

5

N° 18LY02762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02762
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;18ly02762 ?
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