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04/07/2019 | FRANCE | N°17LY03267

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 17LY03267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 16 janvier 2015 par laquelle le préfet délégué pour la défense et la sécurité a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner et d'enjoindre l'Etat à lui verser, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la somme de 112 962,04 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 22 mai 2011, en réparation des préjudices qu'il estime avoir

subis du fait de l'illégalité de la décision du 22 juin 2009 refusant de lui octro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 16 janvier 2015 par laquelle le préfet délégué pour la défense et la sécurité a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner et d'enjoindre l'Etat à lui verser, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la somme de 112 962,04 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 22 mai 2011, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 22 juin 2009 refusant de lui octroyer l'habilitation nécessaire à la délivrance d'un titre d'accès en zone réservée d'un aéroport.

Par un jugement n° 1502288 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 août 2017, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 97 962,04 euros en réparation de son préjudice financier, somme à parfaire, la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu évoluer et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2011 et la capitalisation des intérêts ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de verser ces sommes dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 500 euros par jour de retard sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les illégalités externes entachant une décision engagent également la responsabilité de l'administration et ce alors que cette décision a fondé son licenciement ; l'illégalité externe constitue une faute ayant entraîné un préjudice ;

- s'il a été arrêté par les services de police, il assistait son frère ; il n'a causé aucun préjudice direct ; il n'a jamais été une menace pour la sûreté de l'Etat, la sécurité publique, la sécurité des personnes ou l'ordre public ; la juridiction pénale n'a pas assortie la peine principale d'une interdiction de travailler ; dans la mesure où la condamnation du 13 mai 2008 n'a pas été inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, les services instructeurs n'ont pu fonder leur analyse de la situation que sur les données des fichiers STIC et JUDEX ; son infraction passée, au demeurant relativement mineure, ne saurait être opposée à sa demande d'autorisation de travail en zone aéroportuaire ; par suite, la décision du 22 juin 2009 est également illégale au fond ;

- le lien de causalité entre la décision du 22 juin 2009 et ses préjudices est établi dès lors que cette décision est directement à l'origine de la perte de son emploi puisqu'il a été licencié de la société Lyon air traiteur faute de pouvoir justifier d'un titre l'habilitant à accéder en zone réservée de l'aéroport de Saint-Exupéry et dont l'objet consiste uniquement à fournir une prestation d'avitaillement aux aéronefs de l'aéroport ; l'article 213-3-1 du code de l'aviation civile précise que l'autorisation est valable sur l'ensemble du territoire national et, par suite, il ne peut exercer des prestations d'avitaillement sur d'autres sites ;

- depuis juin 2009, il est privé d'emploi et n'exerce aucune autre activité salariée ; il est fondé à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser au titre de son préjudice financier ; il devait passer, le 27 mars 2009, un entretien afin d'accéder au poste d'adjoint chef d'équipe exploitation et a perdu une chance d'accéder à ces fonctions ; cette décision lui a causé un préjudice moral.

Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'illégalité externe de la décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain ; la décision entachée d'une illégalité externe ne saurait engager la responsabilité de l'administration si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu être légalement prise ; M. D... ne conteste pas les motifs de sa condamnation par le tribunal correctionnel de Lyon résultant de ce qu'il est connu des services de police pour tentative d'incendie en réunion le 29 septembre 2007 après avoir fabriqué un cocktail molotov et arrosé d'essence un véhicule ;

- il ressort des dispositions de l'article R. 213-5 du code de l'aviation civile que l'habilitation peut être refusée aux personnes dont la moralité ou le comportement ne présentent pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ; les faits pour lesquels M. D...a été condamné révèlent un comportement attentatoire à la sécurité publique et est incompatible avec l'exercice d'une activité au sein des zones réservées des aéroports ; la circonstance que ces faits n'ont pas été inscrits au bulletin n° 2 de son casier judiciaire n'enlève rien à la gravité et à la matérialité des faits ; le refus de renouveler l'habilitation était parfaitement justifié ;

- le requérant n'apporte pas la preuve qu'il a été licencié au motif que son habilitation préfectorale lui permettant d'accéder à la zone réservée de l'aéroport n'a pas été renouvelée et ce alors qu'il a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour absences injustifiées ; dans tous les cas, il est vraisemblable que la société Lyon air traiteur, spécialisée dans le secteur de la restauration collective, disposait d'autres postes en zone non réservée sur lesquels elle aurait pu reclasser M.D... ;

- il n'établit pas son préjudice financier faute de produire un document de nature à établir la date de prise d'effet de son licenciement, sa situation de demandeur d'emploi et le montant des ressources de toute nature dont il a bénéficié à la suite de son licenciement ; il n'établit pas que la procédure de recrutement sur le poste d'adjoint chef d'équipe d'exploitation était sur le point d'aboutir ; il ne saurait prétendre à une indemnisation au titre de son préjudice moral ;

Un mémoire, enregistré le 14 juin 2019 et présenté pour M.D..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...a exercé la profession de chauffeur-chargeur pendant huit ans au sein de la société Lyon air traiteur sur la plate-forme aéroportuaire Lyon-Saint-Exupéry et était, à cette fin, titulaire d'une habilitation lui permettant d'accéder à la zone réservée de l'aéroport. Le 5 mai 2009, la société Lyon air traiteur a sollicité le renouvellement de l'habilitation de M. D.... Par courrier du 12 mai 2009, le service de la police aux frontières de l'aéroport a informé M. D...que le préfet délégué à la sécurité et la défense auprès du préfet du Rhône était susceptible de ne pas renouveler son habilitation au motif d'une condamnation prononcée 13 mai 2008 par le tribunal correctionnel de Lyon et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Le 2 juin 2009, il a été reçu pour un entretien par un agent assermenté de la police aux frontières de l'aéroport. Par décision du 22 juin 2009, le préfet délégué à l'égalité de chance a refusé de renouveler l'habilitation de M. D...nécessaire à la délivrance d'un titre d'accès en zone réservée au motif que l'intéressé ne présentait pas les garanties d'honorabilité requises au regard de l'ordre public pour l'exercice d'une activité en zone réservée d'un aérodrome conformément à l'article R. 213-5 du code de l'aviation civile. Par un jugement du 11 mai 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 juin 2009 pour incompétence au motif que le préfet délégué pour l'égalité des chances n'avait pas compétence pour statuer sur les demandes d'habilitation présentées pour d'autres personnes que les élèves pilotes et les fonctionnaires ou agents de l'Etat. Le 15 décembre 2014, M. D...a formé une réclamation indemnitaire préalable qui a été rejetée par décision du 16 janvier 2015 du préfet délégué pour la défense et la sécurité. M. D... relève appel du jugement du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime subir du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 22 juin 2009.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

3. Aux termes de l'article R. 213-4 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits : " I. - L'accès en zone réservée d'un aérodrome mentionné au I de l'article R. 213-1-1, des personnes autres que celles mentionnées aux II, III et IV du présent article est soumis à la possession d'une habilitation valable sur l'ensemble du territoire national et d'un titre de circulation permettant la circulation dans un ou plusieurs secteurs de cette zone. /Les entreprises ou les organismes autorisés par l'exploitant d'aérodrome à occuper ou utiliser la zone réservée de l'aérodrome formulent les demandes d'habilitation et du titre de circulation au profit de leurs salariés ou des personnes agissant pour leur compte. /Les personnes mentionnées au premier alinéa bénéficient d'une sensibilisation aux principes généraux de sûreté et aux règles particulières à respecter à l'intérieur de la zone réservée de l'aérodrome, dispensée par les entreprises ou organismes précités qui leur délivrent l'attestation correspondante. " et aux termes de l'article R. 213-5 du même code : " I. - L'habilitation mentionnée au I de l'article R. 213-4 est délivrée par le préfet exerçant les pouvoirs de police sur l'aérodrome sur lequel le bénéficiaire exerce son activité à titre principal. /L'habilitation mentionnée au VI de l'article R. 213-4 est délivrée par le préfet territorialement compétent sur le lieu de l'installation dans lequel le bénéficiaire exerce son activité à titre principal. (...).VI. - L'habilitation peut être refusée, retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présentent pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones réservées des aérodromes ainsi que dans les installations mentionnées au VI de l'article R. 213-4. Le retrait et la suspension s'effectuent dans les formes édictées à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée. /En cas d'urgence, l'habilitation peut être suspendue immédiatement pour une durée maximale de deux mois. ". Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

4. Par un jugement du 11 mai 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 juin 2009 au motif que le préfet délégué pour l'égalité des chances n'avait pas compétence pour statuer sur les demandes d'habilitation présentées pour d'autres personnes que les élèves pilotes et les fonctionnaires ou agents de l'Etat et que le refus opposé était ainsi entaché d'incompétence.

5. L'illégalité entachant la décision du 22 juin 2009 par laquelle le préfet délégué à l'égalité des chances a refusé de renouveler l'habilitation de M. D... nécessaire à la délivrance d'un titre d'accès en zone réservée au sein de l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry est fautive et serait, comme telle, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat si elle était à l'origine de préjudices subis par M.D....

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'intéressé est connu des services de police pour tentative d'incendie en réunion le 29 septembre 2007 après avoir fabriqué un cocktail molotov pour son frère afin qu'il arrose d'essence son véhicule en panne et que, pour ces faits le tribunal correctionnel de Lyon l'a condamné, par jugement du 13 mai 2008, à une peine de 500 euros d'amende pour détention, sans motif légitime et interdit par arrêté, de substance ou produit incendiaire permettant une destruction ou dégradation de bien ou d'éléments destinés à composer un engin incendiaire ou explosif. Dans ces conditions, le vice d'incompétence affectant la décision du 22 juin 2009 ne peut être regardé comme étant à l'origine des préjudices invoqués, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le comportement de M.D..., compte tenu de sa condamnation, n'était pas compatible avec l'exercice d'une activité dans la zone réservée de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry et que l'autorité administrative compétente aurait pris en compte ces éléments pour rejeter la demande de renouvellement de l'habilitation de M. D... nécessaire à la délivrance d'un titre d'accès en zone réservée, nonobstant la circonstance que le tribunal correctionnel n'a pas assorti la peine principale d'une interdiction de travailler et que cette condamnation n'a pas été inscrite au bulletin n°2 de son casier judiciaire. Ainsi, M. D... n'est pas fondé à demander à être indemnisée des préjudices allégués.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Cottier, premier conseiller,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

6

N° 17LY03267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03267
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : AGIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;17ly03267 ?
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