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04/07/2019 | FRANCE | N°17LY03227

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 17LY03227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêté du maire de la commune de Saint-Etienne du 23 mai 2016 portant interdiction pour des motifs d'ordre public, pour la période du 25 mai 2016 au 15 septembre 2016, dans une zone géographique déterminée, de différentes activités.

Par un jugement n° 1604622 du 7 juin 2017, le tribunal a annulé l'article 2 de cet arrêté et rejeté le surplu

s de cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêté du maire de la commune de Saint-Etienne du 23 mai 2016 portant interdiction pour des motifs d'ordre public, pour la période du 25 mai 2016 au 15 septembre 2016, dans une zone géographique déterminée, de différentes activités.

Par un jugement n° 1604622 du 7 juin 2017, le tribunal a annulé l'article 2 de cet arrêté et rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 août 2017, la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, représentée par son président, et par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 1er et 4 de l'arrêté du 23 mai 2016 ;

2°) d'annuler ces articles 1er et 4 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 2 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que compte tenu de la rédaction de l'article 1er de l'arrêté contesté, elle est recevable à en demander l'annulation, cet arrêté ne se bornant pas à rappeler les dispositions générales notamment de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales ;

- elle a intérêt pour agir à l'encontre des articles 1er et 4 de l'arrêté contesté, au regard de ses statuts, dès lors que ceux-ci soulèvent, en raison de leurs implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les circonstances locales ;

- l'article 1er de l'arrêté contesté porte une atteinte à la liberté d'aller et de venir et à la liberté d'utiliser le domaine public, qui est excessive, n'est pas proportionnée aux buts recherchés et n'est pas nécessaire, au regard des exigences visées à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, compte tenu des personnes visées, de son ampleur géographique et temporelle et de l'absence de démonstration de la réalité de risques de troubles graves à l'ordre public ;

- l'article 4 de l'arrêté contesté porte une atteinte à la dignité de la personne humaine, à la liberté d'utiliser le domaine public, et à l'exercice du droit d'appropriation des biens sans maître, qui est excessive, n'est pas proportionnée aux buts recherchés et n'est pas nécessaire, au regard des exigences visées à l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, compte tenu des personnes visées, de son ampleur géographique, temporelle et matérielle, ainsi que de l'absence de démonstration de la réalité de risques de troubles graves à l'ordre public ;

- les articles 1er et 4 de l'arrêté contesté sont entachés d'un détournement de pouvoir, visant en réalité à exclure du centre-ville des personnes considérées comme étant des marginaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2018, la commune de Saint-Etienne, représentée par son maire, et par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne,

- les conclusions de MmeD...,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Saint-Etienne ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 mai 2016, intitulé " code de la tranquillité publique ", le maire de la commune de Saint-Etienne a interdit, pour la période du 25 mai 2016 au 15 septembre 2016, dans une zone géographique déterminée par l'article 5 de cet arrêté différentes activités, pour des motifs d'ordre public. La Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les articles 1er, 2 et 4 de cet arrêté. Par un jugement n° 1604622 du 7 juin 2017, le tribunal a, d'une part, annulé l'article 2 de cet arrêté, et d'autre part, rejeté le surplus de cette demande. La Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen doit être regardée, eu égard à la formulation de ses écritures, comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 1er et 4 de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (...). ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, (...) l'enlèvement des encombrements, (...) l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, (...) les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; / (...) 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. ". Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure prise en vertu des pouvoirs de police que le maire tient de ces dispositions, de vérifier qu'elle est justifiée par la nécessité de prévenir ou faire cesser un trouble à l'ordre public et de contrôler son caractère proportionné en tenant compte de ses conséquences pour les personnes dont elle affecte la situation, en particulier lorsqu'elle apporte une restriction à l'exercice de droits.

Sur la régularité du jugement :

3. Par l'article 1er de l'arrêté contesté du 23 mai 2016, le maire de la commune de Saint-Etienne a en particulier interdit " du 25 mai au 15 septembre 2016, sauf autorisation spéciale, toute occupation abusive et prolongée des rues et autres dépendances domaniales visées à l'article 5, lorsqu'elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes, ou bien de porter atteinte à la tranquillité, au bon ordre ou à l'hygiène public. Sont notamment considérés comme des comportement troublant l'ordre public, la station assise ou allongée lorsqu'elle constitue une entrave à la circulation des piétons ou une utilisation des équipements collectifs de nature à empêcher ou troubler un usage partagé, le regroupement de plus de deux chiens effectuant une ou plusieurs stations couchées sur la voie publique, les regroupements de plus de trois personnes sur la voie publique occasionnant une gêne immédiate aux usagers par la diffusion de musique audible par les passants ou par l'émission d'éclats de voix. Sans préjudice des autres incriminations envisageables, la sollicitation des passants est également interdite, qu'elle soit effectuée par un majeur, par un mineur ou par un majeur accompagné d'un mineur. / (...). ".

4. Il résulte des termes mêmes de cet article 1er de l'arrêté contesté que le maire de la commune de Saint-Etienne n'a pas interdit par principe certaines activités mais a seulement conditionné leur exercice à ce qu'elles ne soient pas susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. Par suite, contrairement à ce que soutient la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen en appel, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que cette autorité s'était bornée à rappeler, conformément aux dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, qu'elle pouvait faire obstacle à l'exercice de certaines activités sur la voie publique lorsqu'elles sont de nature à porter atteinte à la tranquillité publique ou au bon ordre.

Sur la légalité de l'article 4 de l'arrêté du 23 mai 2016 :

5. Par l'article 4 de l'arrêté contesté du 23 mai 2016, le maire de la commune de Saint-Etienne a décidé que " Sur la même période que mentionnée à l'article 1, la récupération et le chiffonnage, c'est à dire le ramassage par des personnes non habilitées d'objets de toute nature présentés dans le cadre de l'enlèvement des déchets ménagers, sont strictement interdits avant, pendant et après la collecte dans les poubelles publiques ou privées présentes sur la voie ou dans l'espace public. Le déversement et l'éparpillement des déchets contenus dans les poubelles et conteneurs sont interdits. ".

6. En premier lieu, d'une part, la fouille des poubelles ou de tous autres récipients ou sacs contenant des déchets a pour conséquence l'éparpillement, dans les poubelles ou sur la voie publique, du contenu des sacs dans lesquels sont déposées les ordures et porte ainsi atteinte à la salubrité publique. Elle perturbe, en outre, le bon fonctionnement du service public de ramassage des ordures ménagères et des autres déchets, susceptibles ainsi de ne plus être enlevés lorsqu'ils ne sont pas présentés conformément à la réglementation applicable. Elle constitue, par ailleurs, un risque pour les personnes qui pratiquent ces fouilles, et le cas échéant le personnel en charge de la collecte, en raison de la présence de déchets susceptibles d'être dangereux pour la santé ou l'intégrité des personnes. Cette activité de fouille génère ainsi un trouble à l'ordre public. Le maire de la commune de Saint-Etienne pouvait dès lors, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, prendre une mesure d'interdiction de ces fouilles afin de prévenir un tel trouble sur le territoire de sa commune, sans qu'il y ait lieu, compte-tenu des conséquences de cette pratique, de distinguer selon la nature des déchets et les différentes méthodes utilisées pour les collecter.

7. D'autre part, si la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen fait valoir que la commune de Saint-Etienne ne justifierait pas d'une situation de fait pouvant justifier la mesure en litige, elle se borne toutefois à l'alléguer de manière insuffisamment étayée, alors que la commune fait valoir en défense, sans être utilement contredite, que les acteurs du traitement des déchets ménagers rencontrent des nuisances liées à ces pratiques.

8. En outre, compte tenu de la nature de l'activité de fouille des dispositifs de collecte des déchets ménagers, et des risques, précédemment évoqués, qu'elle fait peser sur l'ordre public et en particulier la salubrité publique, en fixant comme période pendant laquelle une telle activité serait interdite, soit du 25 mai au 15 septembre 2016 qui correspond à la période la plus chaude de l'année, et quand bien même cette interdiction s'étendait sur une amplitude horaire de 24 heures sur 24, le maire de la commune de Saint-Etienne n'a pas pris une mesure excessive ou disproportionnée au regard des buts qu'il poursuivait. Pour les mêmes motifs, en déterminant dans l'article 5 de l'arrêté le centre-ville comme zone d'interdiction, soit une partie de la commune fréquentée de manière notable par les piétons et où s'exercent des activités commerciales et culturelles, cette autorité n'a pas davantage pris une mesure excessive ou disproportionnée au regard des buts recherchés.

9. Enfin, si la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen se prévaut de ce que l'article 4 en litige viserait uniquement une certaine catégorie de personnes, il ressort de ses termes mêmes que la mesure en cause ne vise pas spécifiquement une catégorie ciblée d'usagers des voies publiques.

10. Par suite, la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen n'est pas fondée à soutenir que l'article 4 de l'arrêté contesté constituerait une mesure de police insusceptible de prévenir ou de faire cesser un trouble à l'ordre public, et présenterait un caractère excessif et disproportionné.

11. En second lieu, si la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen soutient que l'article 4 de l'arrêté contesté serait entaché d'un détournement de pouvoir, visant en réalité à exclure du centre-ville une population de marginaux, il résulte de ce qui vient d'être dit aux points précédents que cette mesure a été légalement prise par le maire de la commune de Saint-Etienne en vertu de ses pouvoirs de police municipale, afin de préserver l'ordre public. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 1er et 4 de l'arrêté du 23 mai 2016 du maire de la commune de Saint-Etienne.

Sur les frais liés au litige :

13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées par la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen doivent donc être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, pour l'application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Etienne pour les besoins du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen est rejetée.

Article 2 : La Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen versera à la commune de Saint-Etienne une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen et à la commune de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller,

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

2

N° 17LY03227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03227
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - notion - Actes à caractère de décision - Actes ne présentant pas ce caractère.

Police - Police générale.

Police - Police générale - Salubrité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS PHILIPPE PETIT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;17ly03227 ?
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