La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2019 | FRANCE | N°17LY01959

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 17LY01959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de trente jours et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire, d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de sé

jour et de travail dans l'attente d'une nouvelle décision et de mettre à la charge ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de trente jours et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire, d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans l'attente d'une nouvelle décision et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros qui sera versée à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1606968 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 mai 2017, M. D... A..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2016 portant refus de certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation de la destination d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois après la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui notifier une nouvelle décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- il excipe de l'illégalité de la décision de la DIRECCTE à l'encontre de la décision portant refus de séjour ; cette décision de la DIRECCTE est illégale car ne comportant pas en caractères lisibles les noms et prénoms de son signataire ; les premiers juges qui n'ont pas épuisé leur pouvoir d'instruction concernant cette décision de la DIRECCTE ont inversé la charge de la preuve;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- disposant d'un titre de séjour " longue durée CE " délivré par les autorités italiennes, il ne pouvait pas sauf cas de menace à l'ordre public, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- disposant d'un titre de séjour " longue durée CE " délivré par les autorités italiennes, il devait, sauf cas de menace à l'ordre public, faire l'objet d'une remise à l'Italie ; l'Algérie ne pouvait pas être désigné comme pays de renvoi ;

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Cottier, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...A..., ressortissant algérien né en 1974, titulaire d'un permis de séjour longue-durée-CE (soggiornante di lungo periodo-Conseil d'Etat) mention illimitata délivré le 8 novembre 2011 par les autorités italiennes indique être entré en France en 2012 sans autre précision. Le 12 juin 2014, il a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Le 10 décembre 2015, il a demandé la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de salarié. Le 1er mars 2016, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a rejeté, sa demande d'autorisation de travail pour un emploi de " polyvalent de restauration ". Par arrêté du 31 octobre 2016, le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de trente jours et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire. M. A...interjette appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande à fin d'annulation des décisions préfectorales du 31 octobre 2016.

Sur l'exception d'illégalité de la décision de la DIRECCTE :

2. Il résulte des mentions figurant sur la décision de la DIRECTTE du 1er mars 2016 produite par le préfet que les nom et prénom de Mme E...B..., signataire de cette décision, sont parfaitement lisibles. Le moyen tiré de l'absence de lisibilité de tels éléments manque en fait et doit être rejeté.

3. Le préfet de l'Isère a versé au débat l'arrêté de subdélégation de signature accordé à Madame C...F..., directrice de l'unité départementale de l'Isère de la DIRECCTE Auvergne-Rhône-Alpes mais également à Mme B...en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F...à l'effet de signer au nom du préfet de l'Isère, les décisions, actes administratifs et correspondances relevant des attributions de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans les domaines parmi lesquels figurent les autorisations de travail. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision de la DIRECCTE qui manque en fait doit être écarté.

Sur les autres moyens :

4. L'arrêté du 31 octobre 2016 a été signé par M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature par arrêté du 26 août 2016 régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit par suite être écarté.

En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :

5. En premier lieu, M. A...se prévaut de son permis de séjour lui ayant été délivré par les autorités italiennes, de la durée de sa présence en France et de la circonstance que résident avec lui en France son épouse laquelle est également titulaire d'un permis de séjour " longue durée-CE " délivré par les autorités italiennes et son enfant laquelle a été scolarisée en France depuis la maternelle. Il fait également valoir qu'il peut être embauché comme ouvrier polyvalent de restauration dès lors qu'il a pu bénéficier d'une promesse d'embauche en cette qualité et qu'il a suivi une formation d'agent de surveillance en sécurité privée et est ainsi en mesure d'occuper un emploi dans ce domaine d'activité. Toutefois, il n'est pas contesté que M. A... s'est maintenu irrégulièrement en France notamment après les décisions du préfet du 12 juin 2014. Son épouse ne dispose d'aucun certificat de résidence en France, le titre " longue durée-CE " détenu lui permettant seulement tout comme son mari, sous certaines conditions, en application de l'article 21 de la convention d'application signée le 19 juin 1990 de l'accord de Schengen, de séjourner régulièrement sur le territoire français pendant 90 jours sur toute période de 180 jours. La circonstance que sa fille ait pu être scolarisée en France, sans d'ailleurs au demeurant que l'intéressé ne produise aucune pièce sur la date de démarrage d'une telle scolarisation et sur la continuité de celle-ci en France ne saurait en tant que telle établir l'existence de liens intenses, durables et stables de M. A...et de sa famille en France alors qu'il est constant que ce dernier, son épouse et son enfant, laquelle est née en Italie disposent de permis de séjour leur permettant de résider de manière régulière en Italie. La seule obtention d'une formation en qualité d'agent de sécurité ne saurait démontrer une insertion professionnelle durable de l'intéressé. Par suite, dans les conditions décrites et eu égard notamment aux modalités de son séjour en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit dès lors être écarté. Pour les mêmes raisons, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'intéressé.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que rien ne fait obstacle à ce que l'enfant du requérant, née le 7 novembre 2009, reparte avec ses parents en Italie ou en Algérie, pays où l'ensemble de la famille est légalement admissible. Comme il a été dit, le requérant ne produit aucun élément sur la scolarisation de la fillette et sur ses liens avec la France. Il n'est pas allégué un quelconque obstacle à la scolarisation de cette enfant en Italie ou en Algérie. Dès lors, le préfet de l'Isère, dont la décision de refus de séjour opposée à M. A...n'a ni pour objet, ni pour effet de le séparer de son enfant, n'a pas porté à l'intérêt supérieur de cette dernière une atteinte méconnaissant les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

7. En premier lieu, d'une part aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ". M. A...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 . Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

9. M. A...n'allègue pas avoir demandé en vain à être éloigné vers l'Italie. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'étant titulaire d'un titre de séjour de longue durée en cours de validité en Italie, le préfet ne pouvait prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français mais aurait dû mettre en oeuvre une procédure de remise ou de réadmission vers l'Italie.

10. En dernier lieu, et en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Pour les mêmes motifs que ceux susmentionnés, le requérant n'est pas fondé à soutenir ni que la décision fixant le pays de son renvoi a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Cottier, premier conseiller,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

1

5

N°17LY01959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01959
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;17ly01959 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award