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25/06/2019 | FRANCE | N°19LY00334

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 19LY00334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 octobre 2018 du préfet de l'Isère ordonnant son transfert vers l'Italie en vue de l'examen par les autorités de ce pays de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807335 du 24 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, M. C..., repré

senté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 octobre 2018 du préfet de l'Isère ordonnant son transfert vers l'Italie en vue de l'examen par les autorités de ce pays de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807335 du 24 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 4 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en l'absence d'information préalable à la prise d'empreintes et d'information relative à son résultat, la procédure est irrégulière ;

- les informations sur le déroulement de la procédure ne lui ont pas été valablement délivrées ;

- l'entretien individuel et confidentiel prévu par l'article 5 du règlement n'a pas eu lieu ;

- les prescriptions de l'article 5 du règlement imposant un accès en temps utile au résumé de l'entretien, c'est-à-dire avant adoption de la décision de transfert, n'ont pas été respectées ;

- il n'est pas établi que l'entretien aurait été mené par une personne spécialement habilitée au niveau national ;

- il appartient au préfet de démontrer que le contradictoire a été respecté et que l'entretien individuel a été conduit en reprenant l'intégralité des éléments permettant de le situer dans le règlement Dublin ;

- faute de comporter des informations relatives à l'état d'avancement de la demande d'asile en Italie, le résumé de l'entretien n'est pas conforme aux dispositions du 6° de l'article 5 du règlement ;

- la date de saisine des autorités italiennes en vue d'une demande de reprise en charge n'est pas établie ;

- la demande de reprise en charge n'a pas été réalisée avant l'expiration du délai de trois mois posé par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 à compter de la présentation au pré-accueil ;

- dès lors qu'il n'est pas établi que le formulaire de réquisition contenait les informations pertinentes, l'accord implicite obtenu sur une base erronée ne peut fonder la décision de transfert ;

- l'existence même de cette saisine n'est pas établie ;

- la motivation de la décision contestée est insuffisante dès lors que, faute de motivation sur le critère retenu, il est dans l'incapacité de savoir pourquoi et sur quel motif la compétence du pays de réadmission a été retenue par la préfecture ainsi que le sort qui l'attend à son arrivée en Italie ;

- la motivation factuelle de l'arrêté est également insuffisante ;

- il ne lui appartient pas de démontrer que sa demande d'asile a été rejetée en Italie mais au préfet de démontrer que la base légale fondant son arrêté est la bonne ;

- la détermination du pays de transfert devait obéir aux critères posés par le règlement et non à l'accord ou au refus des pays requis ;

- le b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne pouvait légalement fonder la mesure de transfert ;

- le préfet a méconnu l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la notification de la décision contestée est incomplète et entache d'irrégularité la procédure ;

- le défaut de communication du dossier vicie la procédure.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de défense.

Par ordonnance du 25 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2019.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement CE n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, tel que modifié par le règlement UE n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure, au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 4 octobre 2018, le préfet de l'Isère a ordonné le transfert vers l'Italie de M. C..., demandeur d'asile de nationalité nigériane, en vue de l'examen par les autorités de ce pays de sa demande d'asile. L'intéressé relève appel du jugement du 24 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. L'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, relatif à la collecte, à la transmission et à la comparaison des empreintes digitales, relatif aux droits des personnes concernées édicte une obligation d'information des personnes relevant du règlement au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont prélevées. Le paragraphe 3 de cet article prévoit, au bénéfice des personnes concernées, la réalisation d'une brochure commune aux Etats membres dont le modèle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du même article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les paragraphes 4 et 5 reconnaissent à toute personne concernée un droit d'accès, de rectification et d'effacement des données la concernant qui sont enregistrées dans le système central.

3. Cette obligation a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'en suit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée par M. C... à l'encontre de la décision de transfert qu'il conteste.

4. Aux termes du 6. de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 24 juin 2013 : " L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ". Le résumé de l'entretien individuel qui a été versé aux débats indique de façon très explicite que M. C... a déclaré avoir demandé l'asile en Suisse, en Italie, en Autriche et encore en Italie, être arrivé en Europe en 2011, et avoir demandé l'asile en Suisse en septembre 2011. Ce résumé mentionne également que l'intéressé a précisé être ensuite allé, à la suite du rejet de cette demande, déposer une demande d'asile en Italie le 30 mai 2012 et ne pas avoir eu de réponse sur cette demande, être alors allé déposer une demande d'asile en Autriche le 26 janvier 2013 et avoir obtenu une réponse négative à sa demande. Le résumé fait également apparaître que M. C... a ensuite déclaré avoir déposé une nouvelle demande d'asile en Italie le 5 juin 2015, demande restée à ce jour sans réponse selon ses déclarations. Le moyen tiré de ce que le contradictoire aurait été méconnu faute qu'ait été abordé au cours de l'entretien l'état d'avancement de la demande d'asile déposée en Italie par l'appelant manque ainsi en fait et ne peut qu'être écarté.

5. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

7. L'arrêté prononçant le transfert de M. C... aux autorités italiennes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que deux règlements portant modalités d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque M. C... s'était présenté devant les services de la préfecture de l'Isère et précise que la consultation du système Eurodac a montré que l'intéressé était connu des autorités italiennes auprès desquelles il avait sollicité l'asile. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait fondant son transfert vers l'Italie. Le moyen tiré de son insuffisante motivation, qui ne saurait être tributaire de la pertinence de ses motifs, doit être écarté.

8. M. C... a déclaré au cours de l'entretien qui s'est déroulé en préfecture ne pas connaître l'issue des deux précédentes demandes d'asile qu'il a déposées en Italie en 2012 puis en 2015. S'il affirme désormais, à l'opposé des informations qu'il avait initialement portées à la connaissance de l'administration, que la demande formée en 2012 a été rejetée, rien ne vient étayer cette affirmation, alors qu'il incombe à chacune des parties d'apporter les éléments nécessaires au succès de ses prétentions. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de M. C... aurait été rejetée par l'Italie, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le d. et non le b. du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 24 juin 2013 pouvait seul fonder légalement la mesure de transfert dont il a fait l'objet.

9. Pour le surplus, M. C... reprend en appel l'ensemble des moyens qu'il a soulevés devant le tribunal. Ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, à bon droit, écarté les moyens présentés au soutien de sa demande.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

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N° 19LY00334

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY00334
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-25;19ly00334 ?
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