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25/06/2019 | FRANCE | N°18LY04628

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 18LY04628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par une ordonnance n° 1807383, le président par intérim du tribunal administratif de Montreuil a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Grenoble. Par jugement n° 1805324 du 26 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la

requête de M. A....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par une ordonnance n° 1807383, le président par intérim du tribunal administratif de Montreuil a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Grenoble. Par jugement n° 1805324 du 26 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la signature de l'auteur de l'acte est illisible ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise sans examen complet et attentif de sa situation ;

- en vertu de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination procède d'une mesure d'éloignement illégale ;

- il est impossible d'en identifier le signataire ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de défense.

Par ordonnance du 13 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2019.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 26 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2018, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office de cette mesure.

2. Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat (...) ". Aux termes de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 24 juin 2013 relatif à la réponse à une requête aux fins de prise en charge : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Aux termes de l'article 29 du même règlement, relatif aux modalités et délais de transfert : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge (...) de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que même lorsque la France n'est pas responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par un étranger, celui-ci bénéfice du droit de se maintenir en France jusqu'à son transfert effectif, lequel doit en principe intervenir dans les six mois de l'accord donné par l'Etat requis, cet accord intervenant lui-même, dans l'hypothèse d'une demande de prise en charge, au plus tard dans les deux mois de la réquisition. Lorsque le transfert n'est pas effectué dans ce délai, la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale, l'étranger bénéficiant alors du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, en vertu de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Tant les dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celles de l'article L. 743-1 du même code font obstacle à ce que, durant la période où le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement.

4. M. A... fait valoir qu'il a formé une demande d'asile auprès de la préfecture du Cher le 7 février 2017, que la consultation du fichier Eurodac ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par les autorités italiennes, ces dernières ont été saisies le 24 février 2017 et ont accepté leur responsabilité par un accord implicite, de sorte qu'il s'est vu notifier, le 26 septembre 2017, un arrêté portant transfert aux autorités italiennes, ainsi qu'un arrêté portant assignation à résidence. Il a produit en première instance, à l'appui de ces affirmations, l'arrêté du 1er septembre 2017 le transférant aux autorités italiennes ainsi que l'attestation de demande d'asile mentionnant la procédure Dublin qui lui a été délivrée en application des dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aucune contestation n'est opposée à ces documents en défense. Il résulte de ce qui a été exposé au point 2 qu'à la date de l'arrêté du 2 août 2018, le délai imparti à la France pour exécuter cette mesure de transfert était expiré, et ce même dans l'hypothèse où ce délai aurait été prolongé conformément aux prévisions du 2. de l'article 29 du règlement. Par suite, et ainsi qu'il a été indiqué au point 3, M. A... ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire avant la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. La décision qu'il conteste ayant été prise en méconnaissance de cette prohibition, M. A... est fondé à en demander l'annulation.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " L'annulation de l'obligation faite à l'intéressé de quitter le territoire implique nécessairement que, par application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et sur son droit au séjour au vu des motifs de la présente décision. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet compétent de réexaminer la situation de l'intéressé, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, et notamment de l'état d'avancement de l'examen de la demande d'asile de M. A..., dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ou, le cas échéant, l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En l'espèce, M. A... n'alléguant ni n'établissant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 21 novembre 2018, sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2018 et l'arrêté du 2 août 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet compétent au regard de la domiciliation actuelle de M. A... de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ou, le cas échéant, l'attestation prévue par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions de M. A... sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

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N° 18LY04628

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04628
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-06-01-02


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-25;18ly04628 ?
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