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25/06/2019 | FRANCE | N°18LY01971

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 18LY01971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL La Léchère Energie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de cotisations supplémentaires de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises.

Par un jugement n° 1604710 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande qu'il a regardée comme tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2018, et deux mémoires enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL La Léchère Energie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de cotisations supplémentaires de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises.

Par un jugement n° 1604710 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande qu'il a regardée comme tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2018, et deux mémoires enregistrés les 12 décembre 2018 et 21 janvier 2019, la SARL La Léchère Energie, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2018 ;

2°) de prononcer la réduction de la cotisation de taxe foncière de l'année 2015 et des cotisations de cotisations foncière des entreprise des années 2012 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer, le tribunal ayant omis de statuer sur la cotisation foncière des entreprises des années 2012 à 2015, dont il était pourtant saisi ;

- les dispositions de l'article 1508 du code général des impôts et la procédure du rôle particulier n'étaient pas applicables aux rappels en cause, en l'absence d'obligation déclarative en cas de simple cession d'immeuble bâti ou de simple cession de bail à construction ;

- la société La Léchère Energie n'étant pas juridiquement propriétaire du local concerné, mais uniquement redevable de l'impôt par exception législative, elle n'était pas tenue à la souscription de la déclaration litigieuse ;

- la valeur de 231 500 euros retenue par l'administration pour le bâtiment est excessive, la valeur d'inscription à l'actif comprenant des éléments productifs qui ne doivent pas être retenus ;

- la valeur d'origine d'immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties à retenir pour la détermination de la valeur locative n'est pas la valeur d'acquisition effectivement inscrite au bilan mais la valeur qui aurait dû légalement y être inscrite, en application de l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2018 et le 10 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la procédure du rôle particulier peut être mise en oeuvre à l'égard du propriétaire de la construction lors de la découverte par l'administration de l'omission ou de l'insuffisance de déclaration ;

- il appartenait à la société de déclarer, même tardivement, et bien qu'elle ne les ait pas elle-même réalisées, les constructions édifiées sur le terrain pris à bail ;

- le matériel technique industriel nécessaire à la production d'énergie a été individualisé et valorisé en comptabilité dans le compte 2154 " matériel industriel " ;

- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 janvier 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la cour administrative d'appel pour se prononcer sur les conclusions dirigées contre la partie du jugement se prononçant sur la taxe foncière afférente à l'année 2015, le tribunal s'étant prononcé en premier et dernier ressort sur cette imposition.

La SARL La Léchère Energie a présenté, le 17 avril 2019, des observations en réponse à cette information.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité dont la SARL La Léchère Energie a fait l'objet, l'administration fiscale lui a adressé une lettre modèle 751-SD datée du 30 juin 2015 l'informant de la modification des bases imposables de la taxe foncière de l'année 2015 et de la contribution foncière des entreprises au titre des années 2012 à 2015. Les impositions à la taxe foncière en résultant ont été mises en recouvrement le 30 avril 2016, celles dues au titre de la contribution foncière des entreprises des années 2012 à 2014 l'ont été le 30 novembre 2016 et, s'agissant de la contribution foncière des entreprises due au titre de l'année 2015, le 30 avril 2017. Le 15 juillet 2016, l'administration fiscale a rejeté une réclamation introduite par la société le 19 mai 2016. La société relève appel du jugement du 9 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, qu'il a regardée comme tendant à la décharge de cotisations supplémentaires de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Sur la compétence de la cour :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " ( ...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; / (...) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

3. Le tribunal a, par son jugement du 9 avril 2018, statué en premier ressort sur les conclusions de la SARL La Léchère Energie relatives, d'une part, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et, d'autre part, à la cotisation foncière des entreprises, pour l'année 2015, alors que la valeur locative des biens sur lesquels reposent ces impositions n'était pas appréciée la même année. Il résulte de ce qui précède que le tribunal a, dès lors, statué en premier et dernier ressort sur le litige relatif à la taxe foncière et que la cour administrative d'appel de Lyon n'est pas compétente pour statuer sur les conclusions relatives à la taxe foncière, qui relèvent de la compétence du Conseil d'Etat. Il y a donc lieu, dans cette mesure, de lui renvoyer l'affaire.

Sur la régularité du jugement :

4. Il résulte de la lettre modèle 751-SD datée du 30 juin 2015 et adressée à la société appelante qu'elle informe cette dernière de la modification des bases imposables de la taxe foncière et de la contribution foncière des entreprises de l'année 2015, et également de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau pour les années 2012, 2013 et 2014, cette dernière impositions n'étant pas en litige. Étaient annexées à cette lettre trois " fiches d'imposition " portant notamment sur la cotisation foncière des entreprises des années 2012, 2013 et 2014. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit au point 1, les cotisations de cotisation foncière des entreprises des années 2012 à 2014 n'ont été mises en recouvrement que le 30 novembre 2016, et celles portant sur l'année 2015 que le 30 avril 2017, de sorte que la réclamation adressée à l'administration le 19 mai 2016 était prématurée. L'intervention de la mise en recouvrement des impositions en cours d'instance faisait toutefois obstacle à ce que le caractère prématuré de la réclamation, que l'administration a rejeté pour un motif de fond, soit opposé à la société. En revanche, et compte tenu des termes dans lesquels étaient rédigées tant la réclamation que la requête, et des impositions visées dans la lettre datée du 30 juin 2015, le tribunal ne pouvait, sans méconnaître la portée des conclusions dont il était saisi, considérer que seule la cotisation foncière des entreprises de l'année 2015 était contestée devant lui. En s'abstenant de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises des années 2012, 2013 et 2014, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu pour la cour d'évoquer dans cette mesure et de statuer, pour le surplus, par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. En premier lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1508 du code général des impôts et la procédure du rôle particulier n'étaient pas applicables aux rappels de taxe foncière est inopérant à l'appui de la contestation des cotisations de cotisation foncière des entreprises, qui seules relèvent de la compétence de la cour.

6. En deuxième lieu, en vertu de l'article 1499 du code général des impôts, applicable à la date de l'acquisition en cause, la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée à partir du prix de revient. Aux termes de l'article 1500 du même code : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; (...) ". L'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts, qui définit le prix de revient mentionné à l'article 1499, précise " qu'il s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même Code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies (...) ". Enfin, l'article 324 AF de la même annexe dispose : " Lorsqu'il ne résulte pas des énonciations du bilan, le prix de revient est déterminé, en tant que de besoin, à partir de tous documents comptables ou autres pièces justificatives et à défaut par voie d'évaluation sous réserve du droit de contrôle de l'administration ".

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le prix de revient d'une immobilisation, dont se déduit la valeur locative à comprendre pour les bases d'imposition à la taxe foncière et, par suite, à la cotisation foncière des entreprises, est la valeur d'origine pour laquelle cette immobilisation a été inscrite au bilan.

8. Au cas d'espèce, il résulte de l'instruction qu'aux termes d'un acte de cession du 10 novembre 2006, la société appelante a acquis de la SCI GAEL un bail à construction concernant l'ensemble des biens et droits immobiliers détenus par cette dernière société, moyennant un prix principal de 899 700 euros et un prix de revient des constructions de 231 500 euros, le cessionnaire s'obligeant à compter de son entrée en jouissance à exécuter toutes les charges et conditions du bail. Les stipulations de cet acte mentionnent que le prix de revient des constructions de la centrale électrique est évalué à la somme de 231 500 euros. Il résulte également des bilans produits par la société La Léchère Energie au titre des exercices clos en 2014 et en 2015 que la valeur inscrite en comptabilité pour les constructions des bâtiments et sol d'autrui est égale à 231 500 euros au 31 décembre 2014. Il résulte de l'instruction que cette somme correspond à la valeur du bâtiment et des ouvrages de génie civil et ne comprend pas le matériel technique industriel nécessaire à la production d'énergie, ces éléments ayant été individualisés dans le compte " matériel industriel " et valorisés en comptabilité pour un montant de 752 910 euros en 2012, 834 027 euros en 2013 et 834 609 euros en 2014. La société n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les éléments retenus par l'administration pour asseoir les redressements ne correspondent pas à la valeur d'inscription au bilan de l'immobilisation en cause. La circonstance que cette valeur soit sans lien avec la valeur vénale de cette immobilisation est sans influence sur le bien-fondé de l'appréciation qu'il convenait d'en faire pour l'application des textes cités au point 6.

9. Il résulte de ce qui précède que la SARL La Léchère Energie n'est ni fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, ni fondée à demander la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014. Les conclusions qu'elle a présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la SARL La Léchère Energie dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 sont renvoyées au Conseil d'État.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2018 est annulé en tant qu'il omet de se prononcer sur les conclusions en décharge de la cotisation foncière des entreprises des années 2012, 2013 et 2014 dont le tribunal était saisi.

Article 3 : Les conclusions de la SARL La Léchère Energie sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Léchère Energie et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

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N° 18LY01971

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01971
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-03-045-03-01 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-25;18ly01971 ?
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