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25/06/2019 | FRANCE | N°17LY02689

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17LY02689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de l'Isère a déféré au tribunal administratif de Grenoble en vue de son annulation, le contrat signé par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais (CAPV) le 27 juillet 2016 portant recrutement de Mme D...C...sur un emploi d'attaché au service maison de l'emploi de cet établissement.

Par un jugement n° 1700074 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ce déféré et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de jus

tice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de l'Isère a déféré au tribunal administratif de Grenoble en vue de son annulation, le contrat signé par la communauté d'agglomération du Pays Voironnais (CAPV) le 27 juillet 2016 portant recrutement de Mme D...C...sur un emploi d'attaché au service maison de l'emploi de cet établissement.

Par un jugement n° 1700074 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ce déféré et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2017 et des mémoires, enregistrés le 2 janvier 2018 et le 27 avril 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) à titre principal : l'annulation de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 juin 2017 et celle de l'acte d'engagement de Mme C...soit en totalité soit, à défaut, en tant qu'il prévoit une durée d'engagement supérieure à celles qu'autorisent les dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984

2°) à titre subsidiaire : si l'emploi concerné est qualifié de permanent, l'annulation totale du jugement et de l'acte d'engagement de MmeC....

3°) en tout hypothèse : l'annulation de son article 2 mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

* le jugement est irrégulier car le tribunal administratif de Grenoble a procédé d'office à une substitution de base légale sans en avoir préalablement averti les parties ;

* le tribunal administratif de Grenoble a procédé à une substitution de motif irrégulière sans avoir mis à même les parties de présenter des observations ;

* le tribunal ne lui a pas laissé suffisamment de temps entre la communication du mémoire en défense et la clôture d'instruction intervenue automatiquement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

* compte tenu de la durée du contrat, de près d'un an et cinq mois, le tribunal administratif ne pouvait juger que l'emploi constituait un emploi non permanent expérimental, alors que la création d'un tel poste n'est possible que dans les cas limitativement énumérés par le législateur ; que l'accroissement temporaire d'activité ne rend possible le recrutement de contractuels que pour une durée maximale de douze mois, l'accroissement saisonnier de l'activité seulement pour des périodes de six mois.

* la CAPV ne pouvait fonder le recrutement de Mme C...sur les dispositions du 2° de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 ;

* s'il était jugé que l'emploi litigieux est un emploi permanent, la procédure de recrutement est irrégulière dès lors que le délai entre la déclaration de vacance d'emploi le juin et le recrutement, fin juillet était insuffisant compte tenu, notamment, des congés estivaux.

* le fondement invoqué par la CAPV pour justifier ce recrutement est entaché d'une erreur de droit (aucun texte n'autorise un recrutement au motif qu'une collectivité perçoit des financements extérieurs) ;

* le recrutement ne pouvait être fondé sur la nature des fonctions dès lors qu'il n'est pas démontré que ces fonctions ne pouvaient être exercées par un fonctionnaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 septembre 2017 et 13 février 2018, la Communauté d'Agglomération du Pays Voironnais représentée par Me A...conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* le jugement n'est pas irrégulier ;

* les autres moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2018 ;

Par un courrier du 2 mai 2019 et en application de l'article R611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la cour était susceptible de relever le moyen d'ordre public selon lequel est le contrat de recrutement en litige est illégal, celui-ci constituant un recrutement pour ordre et ayant pour objet de pourvoir à un besoin qui n'est pas celui de l'administration qui a procédé au recrutement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

* le décret n°88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

* le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

* les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

* et les observations de Me B...substituant MeA..., représentant la communauté d'agglomération du Pays Voironnais ;

Considérant ce qui suit :

1. par une délibération du 28 juin 2016, la Communauté d'Agglomération du Pays Voironnais (CAPV) a décidé " la création d'un poste non permanent à temps complet de conseiller pour le programme Garantie Jeunes pour une durée de 17 mois ", le programme " Garantie jeune " étant financé par des fonds de l'Etat versés à la " Maison de l'emploi ", groupement d'intérêt public dont la CAPV est membre. Par un contrat à durée déterminée, la CAPV a recruté Mme C...pour exercer des missions d'attaché dans le cadre du programme " Garantie jeune " et l'a mise à la disposition de la Maison de l'emploi. A la suite de la transmission de ce contrat aux services de la préfecture, le préfet de l'Isère a, par courrier du 9 septembre 2016, demandé à la CAPV de retirer la décision de recrutement et de résilier le contrat. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 6 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation du contrat du 27 juillet 2016.

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni d'examiner l'ensemble des moyens ;

2. Le préfet de l'Isère soutient, pour la première fois en appel que le contrat litigieux est illégal en raison de l'illégalité de la délibération du 28 juin 2016.

3. Aux termes de l'article 3 la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. ". L'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dispose que " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix-huit mois consécutifs ; 2° Un accroissement saisonnier d'activité, pour une durée maximale de six mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de douze mois consécutifs. ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités et établissement susvisés ne peuvent créer d'emploi temporaire en vue du recrutement d'agents contractuels que pour répondre à un besoin temporaire n'excédant pas douze mois consécutifs ou répartis sur une période de dix-huit mois.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'emploi créé par la délibération du 28 juin 2016, sur lequel Mme C...a été recrutée par le contrat litigieux, est prévu pour une durée de dix-sept mois et a pour objet de répondre à un besoin couvrant l'intégralité de cette période qui excède la durée maximale possible. Le préfet de l'Isère est ainsi fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette délibération pour ce premier motif.

5. Par ailleurs, en vertu de l'article 35-1 du décret n°88-145 du 15 février 1988 seuls les agents contractuels employés pour une durée indéterminée peuvent, avec leur accord, être mis à disposition. Il ressort de la délibération du 28 juillet 2016 que l'emploi non permanent qu'elle crée est destiné à permettre le recrutement d'un agent pour occuper des fonctions au service du groupement d'intérêt public " Maison de l'emploi ". Compte tenu du fait que cet emploi, qui a pour objet exclusif l'exercice de fonctions pour le groupement d'intérêt public, ne présente pas de caractère permanent, cette délibération impliquait nécessairement que recrutement se fît par un contrat à durée déterminée suivi d'une mise à dispositions immédiate à la maison de l'emploi, et pour toute la durée du contrat, en méconnaissance de l'article 35-1 du décret n°88-145 du 15 février 1988.

6. La délibération du 28 juin 2016 étant entachée des illégalités rappelées ci-dessus, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que le contrat en litige est lui-même entaché de nullités qui ne sont pas susceptibles d'être régularisées et, par voie de conséquence, que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté son déféré tendant à l'annulation du contrat de recrutement de Mme C...du 27 juillet 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Ces dispositions faisant obstacle à ce que soit mise à charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante une somme à ce titre, les conclusions de la CAPV en ce sens doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700074 du tribunal administratif de Grenoble du 6 juin 2017 et le contrat de recrutement de Mme C...par la Communauté d'Agglomération du Pays Voironnais sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la Communauté d'Agglomération du Pays Voironnais tendant à l'application de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à préfet de l'Isère, la communauté d'agglomération du Pays Voironnais et à MmeC.... Copie en sera délivrée au groupement d'intérêt public " Maison de l'emploi ".

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,

M. Pierre Thierry premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

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No 17LY02689

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02689
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré préfectoral.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-25;17ly02689 ?
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