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20/06/2019 | FRANCE | N°17LY03006

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 17LY03006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique (MCP) a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1502596 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Dijon n'a fait que partiellement droit à sa demande en soumettant au taux de 25 % les retenues à la source

auxquelles la SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique a été assujettie au titre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique (MCP) a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1502596 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Dijon n'a fait que partiellement droit à sa demande en soumettant au taux de 25 % les retenues à la source auxquelles la SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 3 août 2017 et 19 mars 2018, la SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique, représentée par Me Keller, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 8 juin 2017 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit aux conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

s'agissant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés :

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve du caractère privilégié, au sens de l'article 238 A du code général des impôts, du régime fiscal de l'impôt sur les sociétés au Panama pour les sociétés dont l'activité est réalisée en dehors de ce pays, et, au demeurant, en application de l'article 209 du même code et de la doctrine exprimée au BOI-IS-CHAMP-60-10-20 n° 280, les sociétés domiciliées en France ne sont pas plus soumises en France à l'impôt sur les sociétés à raison des profits réalisés par les entreprises qu'elles exploitent hors de France, et, en l'espèce, la société Majestic Fields, qui ne possède au Panama que son siège social où elle est régulièrement immatriculée depuis 2004, son activité opérationnelle étant située en dehors de ce pays, ne serait, dans ces mêmes conditions, pas imposable en France ; en outre il incombait à l'administration fiscale de demander au Panama, en application de l'article 24 de la convention fiscale franco-panaméenne, tous les éléments sur la situation de la société Majestic Fields au regard de l'imposition sur les sociétés ;

- l'administration ne peut donc se prévaloir de la présomption simple d'acte anormal de gestion, instaurée à l'article 57 du code général des impôts, en cas de relations commerciales avec une société établie dans un Etat ou territoire à fiscalité privilégiée ou non coopératif, alors qu'elle n'établit pas l'existence d'un prix de transfert excessif des biens en cause, constitutif d'un transfert indirect de bénéfice au sens des dispositions de ce même article ou de la doctrine ; en outre, ces biens ayant été acquis dans l'intérêt de l'entreprise, ce n'est, en tout état de cause, pas l'intégralité du prix qui peut être regardée comme " transférée " ;

- les achats qu'elle a effectués auprès de la société Majestic Fields, dont l'activité est l'import-export depuis l'Ukraine, ainsi que cela ressort de l'attestation de M. C...qui la représente sur place, et qu'elle a comptabilisés en charges déductibles de son bénéfice imposable en application de l'article 39 du code général des impôts, lui ont été régulièrement facturés, les factures étant accompagnées de bons de transport précis, or l'administration ne conteste pas le volume de ces achats ; en outre ces achats correspondent à des reventes concomitantes à la société ENDEL, pour des volumes comparables ;

s'agissant des retenues à la source :

- elles sont dépourvues de fondement à raison de l'illégalité des rectifications d'assiette s'agissant des transferts de bénéfice vers la société Majestic Fields ;

s'agissant des majorations pour manoeuvres frauduleuses :

- compte-tenu de ce qui précède, l'administration n'établit pas que les transferts de bénéfices en cause révèlent l'existence de manoeuvres frauduleuses.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant la SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique.

Une note en délibéré, présentée par la SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique (MCP), a été enregistrée le 24 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique (MCP), qui exerce une activité de commerce de gros de quincaillerie et de fabrication de joints sur mesure pour l'industrie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2012, étendue au 31 décembre 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. L'administration fiscale a, sur le fondement des dispositions des articles 57 et 238 A du code général des impôts, remis en cause le caractère déductible des achats de marchandise effectués auprès de la société Majestic Fields domiciliée ou établiau motif qu'elle avait réalisé un transfert de bénéfices dans un pays dont le régime fiscal est privilégié. Par une proposition de rectification en date du 12 décembre 2013, elle a notifié à la SAS MCP, au titre des exercices clos les 31 mars 2010, 2011 et 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assorties d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, ainsi que des cotisations de retenue à la source assorties d'une majoration de 10 % pour défaut de déclaration, qui ont été mises en recouvrement le 24 novembre 2014. Saisi par la société MCP, le tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 8 juin 2017, n'a fait droit à sa demande en décharge de ces impositions et pénalités qu'en ce qui concerne la réduction correspondant à la différence entre les retenues à la source au taux de 50 %, mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011, et celles résultant de l'application du taux de 25 %, ainsi que des pénalités correspondantes. La société MCP relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté une partie des conclusions de sa demande.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

2. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la SAS MCP a comptabilisé en charges les sommes de 65 909, 109 064 et 105 589 euros, respectivement au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, qu'elle a versées, sur un compte à la banque générale du Luxembourg, à la société Majestic Fields, dont le siège social se trouve au Panama.

3. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A. (...) " . Aux termes de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. (...) ". Les dispositions de l'article 57 du code général des impôts sont applicables aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés en application du I de l'article 209 du code général des impôts.

4. Lorsque l'administration établit l'octroi d'avantages consentis par une société assujettie à l'impôt sur les sociétés en France à une société établie à l'étranger, l'article 57 du code général des impôts institue une présomption simple, que la société assujettie peut combattre en apportant la preuve que ces avantages ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation, de l'existence d'un transfert indirect de bénéfices à l'étranger lorsque la société récipiendaire est établie dans un Etat étranger ou dans un territoire dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A du code général des impôts. Et, pour l'application de ces dispositions, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l'administration. Il lui appartient à cet égard d'apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d'imposition, mais sur l'ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu'exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié.ou établi Le contribuable peut, de son côté, faire valoir, en réponse à l'administration, tous éléments propres à la situation du bénéficiaire en cause. Dans le cas où l'administration doit être regardée, au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

5. En premier lieu, la société MCP ne combat pas utilement les éléments de preuve produits par l'administration fiscale d'où il ressort qu'au Panama, l'impôt sur les sociétés, dont le taux est de 25 %, ne s'applique qu'aux bénéfices tirés d'activités commerciales réalisées dans ce pays et non pas en dehors de celui-ci. Par conséquent, la société panaméenne Majestic Fields, qui n'est pas imposable au Panama à l'impôt sur les sociétés, à raison des ventes qu'elle réalise à l'étranger, serait, en revanche, dans les mêmes conditions, imposable en France au sens des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts, dès lors que la société requérante n'établit pas que les ventes de la société Majestic Fields à l'étranger sont réalisées par un établissement stable au sens de l'article 209 du même code et de la doctrine exprimée au BOI-IS-CHAMP-60-10-20 n° 280 dont la société requérante entend aussi se prévaloir. Par suite, la société Majestic Fields devant être regardée comme soumise à un régime fiscal privilégié, les sommes que la SAS MCP lui a versées et qu'elle a comptabilisées en charges sont présumées constituer un transfert indirect de bénéfices pour l'application des dispositions de l'article 57 du code général des impôts.

6. En second lieu, la société MCP soutient que ces versements, qui correspondent à des factures d'achat, établies par la société Majestic Fields, concernent des marchandises fabriquées par la société ukrainienne Lis, livrées, en provenance d'Ukraine, dans la commune de Le Creusot où se situe son siège. Toutefois, elle ne produit aucun document douanier qu'elle devrait détenir en sa qualité d'importatrice de nature à justifier de la perception de la TVA douanière à l'importation des marchandises correspondantes dans l'Union Européenne. En outre, les bons de transport, dont elle se prévaut sont dépourvus de date de réception et du cachet de la société MCP, et les attestations de la société de transport ukrainienne Ramgor et de M.C..., frère d'une personne présentée comme l'agent commercial pour les clients basés en Europe de la société Majestic Fields, ne sont pas probantes. Enfin, il résulte des pièces transmises par les autorités fiscales panaméennes que la société Majestic Fields, qui est domiciliée ou établiCity dans les locaux du cabinet d'avocats Mossack Fonseca, et dont M. Marc Portat, président du conseil d'administration de la société MCP de 2004 à 2013, est l'un de ses deux co-dirigeants, a une seule adresse postale située au Luxembourg. Ainsi, la société requérante ne justifiant pas de la réalité des achats correspondants aux sommes qu'elle a versées à la société Majestic Fields, elle ne combat pas la présomption de transferts indirects de bénéfices au profit de cette dernière. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a inclus le montant de ces bénéfices indirectement transférés dans les résultats de la SAS MCP.

7. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices en litige.

Sur les cotisations supplémentaires de retenue à la source :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ".

9. Le transfert de bénéfices vers la société Majestic Fields étant établi, la société MCP ne peut utilement soutenir que les bénéfices correspondant sont demeurés investis dans l'entreprise et que c'est à tort que l'administration fiscale a qualifié les sommes transférées de distribution. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la décharge des prélèvements à la source auxquels elle a été assujettie en application des dispositions précitées de l'article 119 bis du code général des impôts.

Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. " ;

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration fiscale a établi que la société MCP a dissimulé des transferts de bénéfices dans un territoire à fiscalité privilégiée au travers de fausses importations. Ce comportement, destiné à égarer ou à restreindre le pouvoir de vérification de l'administration, est constitutif de manoeuvres frauduleuses au sens des dispositions précitées. La société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge de la majoration de 80 % dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société requérante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Maison du Caoutchouc et du Plastique et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique le 20 juin 2019.

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N° 17LY03006

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03006
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-20;17ly03006 ?
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