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13/06/2019 | FRANCE | N°18LY04701

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY04701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 5 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1802097 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une re

quête et un mémoire enregistrés le 27 décembre 2018 et le 23 avril 2019, Mme A... B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 5 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1802097 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 décembre 2018 et le 23 avril 2019, Mme A... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 octobre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Yonne du 5 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de lui allouer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;

- cette décision méconnait l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la reconnaissance de paternité de son enfant né en janvier 2015 par un ressortissant français n'est pas constitutif d'une fraude ;

- elle méconnait les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour qui la fonde ;

- cette obligation méconnaît l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations orales ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire qui la fonde et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ; elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 9 avril 2019, le préfet de l'Yonne, représenté par la SELARL Claisse et associés, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

- et les observations de Me D... pour le préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation des décisions du 5 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français valable jusqu'en octobre 2017, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 octobre 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Il ressort en l'espèce des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Yonne a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B... aux motifs que son enfant avait été reconnu par anticipation le 11 août 2014 par M. E... dont elle est séparée depuis la fin du mois d'août 2014, chez lequel elle n'a jamais résidé en France et qui n'entretient aucune relation parentale avec l'enfant qu'il a reconnu.

5. Mme B..., ressortissante ivoirienne née en 1989, est entrée en France le 15 mars 2014 sous couvert d'un visa touristique de court séjour et s'y est maintenue en reprenant une liaison qu'elle aurait entamée, alors qu'elle était en Côte d'Ivoire, avec un ressortissant français qui a reconnu, dès le 11 août 2014, l'enfant qui devait naître de cette relation le 27 janvier 2015. Bien que le couple se soit séparé à la fin du mois d'août 2014 et que le père de l'enfant ait épousé une autre femme dès octobre 2014, il ressort toutefois des pièces du dossier que les liens ont perduré entre le père et l'enfant et que le père a déclaré à l'administration fiscale les pensions versées à la requérante pour son fils, ce que confirme la production par le requérant des relevés de mandats attestant de versements en 2015, 2016 pour des montants de 220 et 1200 euros. Dans ces conditions et même si le préfet de l'Yonne a engagé une procédure devant le juge pénal, qui a d'ailleurs été classée sans suite par décision du procureur de la République du 3 décembre 2018, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de l'Yonne s'est fondé sur le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité par un ressortissant français de son enfant né en janvier 2015 pour lui refuser le renouvellement de sa carte de séjour au titre des dispositions citées au point 2.

6. Il résulte de tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de Mme B... et que celle-ci est fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté du préfet de l'Yonne du 5 juillet 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard aux motifs qui fondent l'annulation qu'il prononce et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait de la requérante y ferait obstacle, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Yonne délivre à la requérante une carte de séjour mention "vie privée et familiale". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Yonne de procéder à cette délivrance dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans que, dans les circonstances de l'espèce, il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la requérante présente pour elle-même et pour son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 octobre 2018 et l'arrêté du préfet de l'Yonne du 5 juillet 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Thierry Besse, premier conseiller ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

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N° 18LY04701

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04701
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : LEPEU KRISTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly04701 ?
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