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04/06/2019 | FRANCE | N°18LY02484

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 juin 2019, 18LY02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2018 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, si la décision est annulée pour un motif de forme, de réexaminer sa situation dans un délai

d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2018 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, si la décision est annulée pour un motif de forme, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ou, si la décision est annulée pour un motif de fond, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1802068 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 8 mars 2018 et a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2018, le préfet de la Drôme demande à la cour d'annuler ce jugement du 14 juin 2018 et de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour portait atteinte au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnaissait l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, un mémoire complémentaire, enregistré le 26 décembre 2018, et un mémoire enregistré le 17 avril 2019 lequel n'a pas été communiqué, M.A..., représenté par Me Albertin, avocat, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la cour enjoigne au préfet de La Drôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler en France dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'une somme de 600 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la compétence du signataire de l'arrêté en ce qu'il porte refus de titre de séjour n'est pas établie ;

- ce refus n'a pas été précédé d'un examen attentif et particulier de sa situation personnelle ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en ce qu'elle a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant tunisien né le 12 janvier 1987, a sollicité le 12 décembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Par un arrêté du 8 mars 2018, le préfet de la Drôme a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il serait légalement admissible. Le préfet de la Drôme relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 mars 2018 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M.A..., qui déclare sans l'établir être entré sur le sol français en 2011, a fait l'objet le 13 juillet 2012 d'un arrêté préfectoral de remise aux autorités italiennes. Il est entré de nouveau en France à une date indéterminée et ne justifie, en tout état de cause, d'un séjour sur ce territoire qu'à compter du mois de juillet 2016, date de début de la vie commune déclarée par sa conjointe ressortissante française épousée en France le 17 juin 2017. Son investissement, relevé par les premiers juges, auprès des enfants de son épouse dont l'aîné souffre de troubles du comportement, ne ressort que d'attestations de proches ainsi que de celles, postérieures à l'arrêté en litige, de l'association " Mêmes droits pour tous " et de l'association des maisons d'accueil protestantes pour enfants, lesquelles soulignent seulement sa volonté d'assumer sa vie conjugale et ses responsabilités à l'égard de ces enfants, et témoignent de la qualité de la relation qu'il entretient avec eux. Il ne justifie pas sur le sol français de son insertion professionnelle, que ne suffisent pas à démontrer une promesse d'embauche en qualité d'employé polyvalent et une proposition de contrat à durée indéterminée. Il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents, son frère et sa soeur. Dans ces conditions, compte tenu notamment du caractère récent de l'ancrage du foyer sur le territoire français, le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 8 mars 2018 au motif qu'il méconnaissait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M.A....

4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et en appel.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par le secrétaire général de la préfecture, M. C... B..., titulaire d'une délégation de signature à cette fin par arrêté du préfet du 4 septembre 2017, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs n° 26-2017-061 de la préfecture.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Drôme n'aurait pas procédé à l'examen de la situation personnelle de M. A...avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Si M. A...produit plusieurs attestations démontrant qu'il entretient de bonnes relations avec les enfants de son épouse, il est constant que la vie commune était très récente à la date de l'arrêté en litige et il n'est ni allégué ni établi que les enfants ne seraient pas en contact avec leur père. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment au point 3, quand bien même la délivrance, par son pays d'origine, d'un visa D " conjoint de Français " ne serait pas de plein droit, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour en litige serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A..., doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi :

10. En premier lieu, M. A...n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi désigné par l'arrêté en litige.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3, 8 et 9, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

Sur les conclusions incidentes aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées à titre incident par M. A...doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 juin 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Les conclusions incidentes de M. A... et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Drôme et à M. D...A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juin 2019.

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N° 18LY02484

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02484
Date de la décision : 04/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-04;18ly02484 ?
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