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21/05/2019 | FRANCE | N°18LY02544

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 18LY02544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble 1°) d'annuler l'arrêté n° 2018-74-272 du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ; 2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a assigné à résidence ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, de proc

éder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notifi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble 1°) d'annuler l'arrêté n° 2018-74-272 du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ; 2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a assigné à résidence ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1803543 du 9 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A.habituellement en France

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2018, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juin 2018 et l'arrêté du 5 juin 2018 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui interdisant d'y revenir avant un an ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui sera versée à Me F... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

* l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 -1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant car ses deux enfants sont malades et doivent rester en France pour raison de santé, son retour en Tunisie les contraindrait à en être séparé ;

* la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car porteur d'un seul rein, il ne peut être renvoyé dans son pays sans examen médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

* il ne constitue pas une menace à l'ordre public, ses frères sont de nationalité française et demeurent... ; il s'est maintenu sur le territoire français en dépit de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet en 2014 en raison de l'état de santé de ses enfants.

Par une décision du 17 septembre 2018 le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A.habituellement en France

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C... A..., de nationalité tunisienne, né en 1975, marié avec Mme B... A... en 2004 dont il a eu deux enfants, Youssef né en 2006 et Roua née en 2011, expose qu'il est entré en France en octobre 2014 où son fils malade a pu bénéficier d'une transplantation hépatique le 4 septembre 2013 à l'hôpital de Bron. Il y séjourne depuis lors en dépit du refus d'admission au séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet en 2014. Il relève appel du jugement du 9 juin 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre l'arrêté du 5 juin 2018 du préfet de la Haute-Savoie l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination de la Tunisie et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... accompagné par sa fille est venu en France rejoindre son épouse, MmeB..., et son fils. Les deux enfants souffrent de la même maladie héréditaire rare qui a justifié la greffe hépatique de son fils, dont sa fille devra également bénéficier. Le divorce des époux A...a été prononcé par un jugement du Tribunal de grande instance de Lyon du 30 août 2017 partageant l'autorité parentale sur les deux enfants entre les deux parents, accordant à M. A... un droit de visite un week-end sur deux et la moitié des vacances et mettant à la charge de M. A... une pension alimentaire de 75 euros. Il n'est pas contesté que M. A... exerce son droit de visite et qu'il verse régulièrement une pension alimentaire à son épouse.

3. Toutefois Mme B...et les enfants de M. A... n'ont vocation à séjourner sur le territoire français que le temps nécessaire à l'administration des soins requis par leur état de santé. Par suite en obligeant M. A... à quitter le territoire français l'arrêté en litige n'a pour effet de séparer les enfants de leur père que de façon provisoire, alors que la garde de ceux-ci est confiée à leur mère avec qui ils vivent. L'arrêté ne méconnaît pas dès lors leur intérêt supérieur ni ne porte une atteinte excessive au droit de M. A... à mener une vie privée et familiale normale. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a écarté les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

4. La circonstance que M. A... n'a qu'un seul rein n'est pas de nature à établir que sa présence en France est nécessaire à son état de santé. Par suite en se bornant à faire valoir cette seule circonstance M. A... n'établit pas que son retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants proscrits par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce seul élément n'impliquait pas non plus que le préfet de la Haute-Savoie soumette sa situation à l'examen préalable de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre la décision litigieuse. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

5. Il n'est pas établi, ni même soutenu, qu'à la date de la décision attaquée, l'état de santé des enfants de M. A... leur permettrait un retour en Tunisie, alors d'ailleurs que par un arrêt du 18 décembre 2018 n° 18LY00964, la cour administrative d'appel de Lyon a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B... l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions M. A..., compte tenu de la présence en France de ses enfants, est fondé à soutenir qu'en lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an, le préfet de la Haute-Savoie a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et, par suite, que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre cette dernière décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction et relatives aux frais de procès :

6. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français en litige présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution de la part de l'administration. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la cour enjoigne au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation, doivent être rejetées.

7. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate Me F..., peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y a pas lieu, toutefois dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme en application de celles-ci.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803543 du tribunal administratif de Grenoble du 9 juin 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du préfet de la Haute-Savoie interdisant à M. A...de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Article 2 : La décision du 5 juin 2018 du préfet de la Haute-Savoie interdisant à M. A... de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de la Haute Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Pierre Thierry premier conseiller,

Mme E...D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

2

No 18LY02544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02544
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-21;18ly02544 ?
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