Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, et 2010.
Par un jugement n° 1501762 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 janvier 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que la société Francest Trade Oü disposait d'une installation fixe d'affaires en France, en ne retenant pas l'existence d'une double vérification de comptabilité, ni la violation de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et en ne qualifiant pas suffisamment l'existence d'un établissement stable ;
- le jugement est entaché d'une irrégularité résultant d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'absence de qualification par l'administration de l'activité déployée en France par la société estonienne ;
- la proposition de rectification est entachée d'une insuffisance de motivation en ce qu'elle ne qualifie pas les opérations accomplies par la société Francest Trade Oü sur le territoire français, alors même que cette qualification est indispensable pour déterminer si la société dispose ou non d'un établissement stable en France ;
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration, en méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, a procédé à trois vérifications de comptabilité consécutives pour une même activité ;
- la procédure est irrégulière dès lors qu'en se prévalant du caractère artificiel de l'implantation de la société Francest Trade Oü en Estonie, voire du caractère fictif de la société estonienne, l'administration s'est nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit sans pour autant s'être conformée à la procédure de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- la société Francest Trade Oü ne dispose pas d'établissement stable en France puisque les opérations accomplies dans ce pays pour cette société étaient simplement préparatoires et/ou auxiliaire à une opération de vente de mobilier ;
- la reconstitution des bases d'imposition de la société, fondée sur la seule exploitation de ses relevés bancaires, sans rechercher la nature exacte des opérations correspondantes, est excessivement sommaire ; d'ailleurs, la production de justificatifs comptables, au stade du recours hiérarchique, a abouti à une diminution très importante des bases d'imposition reconstituées par l'administration ;
- en l'absence de toute manoeuvre frauduleuse de sa part, les pénalités qui lui ont été infligées à ce titre ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non lieu à statuer à hauteur de 18 165 euros sur les conclusions dirigées contre les contributions sociales et les majorations dont elles ont été assorties et, à titre principal, au rejet du surplus des conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts en lieu et place de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.
Il soutient que :
- les propositions de rectification qualifient précisément l'activité de la société Francest Trade Oü et sont donc suffisamment motivées au sens de l'article 57 du livre des procédures fiscales ;
- les vérifications ont été menées sur des entités distinctes et ne constituent pas une double vérification irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ; le recours hiérarchique n'a pas constitué une nouvelle vérification de comptabilité ;
- l'administration n'a pas fondé les rectifications sur un quelconque caractère fictif de la société Francest Trade Oü mais sur la circonstance que la société exerçait en France par l'intermédiaire d'un établissement stable ;
- la société Francest Trade Oü dispose d'un établissement stable en France ;
- l'administration a procédé à l'examen exhaustif des pièces saisies pour reconstituer les bases d'imposition de la société ;
- l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses est justifiée.
Par ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture de l'instructiona été fixée au 18 février 2019.
Les parties ont été informées par une lettre du 22 mars 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la substitution des pénalités pour manquement délibéré au taux de 40 % aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses au taux de 80 %.
Par un mémoire enregistré le 29 mars 2019 le ministre de l'action et des comptes publics persiste dans ses conclusions et moyens et fait valoir en outre que s'agissant d'une activité occulte, c'est à bon droit que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont été appliquées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
- la convention franco-estonienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune signée le 28 octobre 1997 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, président ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009, période étendue au 31 décembre 2010 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale a estimé que la société de droit estonien Francest Trade Oü (FTO) disposait d'un établissement stable à Clermont-Ferrand, au domicile de son associé unique et représentant en France, M. D... C.... A l'issue d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 et 2009, ayant abouti à la notification de deux propositions de rectification en date des 26 décembre 2011 et 24 avril 2012, M. C... a été assujetti, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 et 2009, à raison des revenus distribués provenant de l'activité, en France, de ladite société. Enfin, à l'issue d'un contrôle sur pièces, il a fait l'objet de rectifications similaires de son revenu imposable au titre de l'année 2010, à raison de la distribution des bénéfices issus de l'activité occulte, en France, de cette société estonienne ; que, pour chacune de ces trois années d'impositions, les droits supplémentaires ont été assortis de la pénalité pour manoeuvres frauduleuses de 80 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts. M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la décharge, en droits et pénalités, de l'ensemble de ces impositions supplémentaires. Il relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 31 août 2018, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur du contrôle fiscal Centre-Est a prononcé un dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales et majorations auxquelles M. C... a été assujetti à hauteur de 18 165 euros. Les conclusions tendant à la décharge de cette somme sont ainsi devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement :
3. Contrairement à ce que soutient le requérant le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'absence de qualification par l'administration de l'activité déployée en France par la société Estonienne dès lors qu'un tel moyen est écarté au point 8 de ce jugement.
Sur la procédure d'imposition :
4. Les impositions en litige procèdent de l'examen contradictoire d'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. C..., et non de la vérification de comptabilité de son activité individuelle qui n'a donné lieu à aucune rectification. L'indépendance des procédures de contrôle et d'imposition de la personne morale et de son associé fait obstacle à ce que M. C... puisse utilement se prévaloir des irrégularités susceptibles d'avoir affecté le contrôle de la société FTO. Dès lors, M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions l'article L. 51 du livre des procédures fiscales prohibant les doubles vérifications de comptabilité pour soutenir que l'administration aurait contrôlé trois fois la même activité.
5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
6. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectifications adressées à M. C... le 26 décembre 2011 au titre de l'année 2008, le 24 avril 2012 au titre de l'année 2009 et le 10 mai 2012 au titre de l'année 2010 satisfont à ces exigences en énonçant les motifs qui ont conduit l'administration à estimer que la société de droit estonien Francest Trade Oü disposait d'un établissement stable à Clermont-Ferrand et que l'établissement stable de cette société, dont l'activité et les moyens sont analysés par le vérificateur en les distinguant de l'activité individuelle de M. C..., lui avait distribué des bénéfices qu'elle entendait taxer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Ces propositions de rectification satisfont aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et ont mis M. C... à même de présenter utilement des observations, ce qu'il a d'ailleurs fait les 29 février 2012, 26 juin 2012 et 16 juillet 2012.
7. Contrairement à ce que prétend M. C..., l'administration, en se prévalant de l'absence de réalité économique de l'implantation en Estonie de la société Francest Trade Oü, n'a pas fondé les impositions contestées sur la théorie de l'abus de droit. Par suite, l'administration n'était pas tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le lieu de la distribution des bénéfices :
8. L'article 209 du code général des impôts dispose : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...). ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 26 décembre 2011, que la société de droit estonien Francest Trade Oü , créée le 22 août 2004, a pour objet le commerce de gros de meubles, de tapis, de matériel d'éclairage, ainsi que d'agencement et de menuiseries. Il ressort des éléments recueillis par l'administration à l'issue, d'une part, de l'assistance administrative internationale des autorités fiscales estoniennes obtenue dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Francest Trade Oü, d'autre part, des visites domiciliaires effectuées le 23 septembre 2010 en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de Clermont-Ferrand où M. C... exerce, par ailleurs, l'activité individuelle de maître d'oeuvre en aménagement de surface professionnelle (pour laquelle il est déclaré et imposé en France), que cette société estonienne disposait, à cette même adresse, d'un bureau technique. Dans ces locaux, des devis et factures émis par la société Francest Trade Oü à l'intention de ses clients, mentionnant les coordonnées Internet et téléphoniques de l'activité individuelle de M.C..., ainsi que des documents de gestion, l'ensemble des documents comptables et financiers de ladite société, et l'ensemble des fichiers de messagerie de cette dernière, intégrés à la boîte mail de M. C...ont été recueillis. Ces devis et factures dressés par la société Francest Trade Oü révèlent que sa clientèle réside exclusivement en France, et principalement en Auvergne ; inversement, les autorités fiscales estoniennes ont attesté que la société Francest Trade Oü ne dispose en Estonie d'aucun moyen réel d'exploitation, et notamment, aucun personnel ni immobilisation corporelle. De son côté M. C...n'établit pas que le pouvoir de direction était exercé depuis l'Estonie. Il résulte de tous ces éléments que, contrairement à ce que prétend le requérant, l'administration n'a nullement opéré de confusion entre son activité individuelle de maître d'oeuvre et celle de la société estonienne, et au contraire, a réuni les preuves suffisantes de ce que la société Francest Trade Oü disposait ainsi d'un établissement autonome en France et doit être regardée comme une entreprise exploitée en France, au sens et pour l'application des dispositions précitées du I. de l'article 209 du code général des impôts, ce qui justifie l'attribution de ses bénéfices à la France et, par conséquent, qu'ils soient regardés comme distribués en France.
10. Aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-estonienne susvisée : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité./ 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction, b) Une succursale, c)Un bureau,(...) ; 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne -autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6- agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe./ 6. Une entreprise n'est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité. Toutefois, lorsque les activités d'un tel agent sont exercées exclusivement ou presque exclusivement pour le compte de cette entreprise, et lorsque les transactions entre cet agent et cette entreprise diffèrent de celles qui auraient été réalisées entre des personnes indépendantes, cet agent n'est pas considéré comme un agent indépendant au sens du présent paragraphe ; mais, dans ce cas, les dispositions du paragraphe 5 s'appliquent. ". L'article 7 de cette convention stipule : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. / 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable. ".
11. Il résulte de ces stipulations que, pour avoir un établissement stable sur le territoire de l'un des Etats contractants, une entreprise doit, soit y disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement sur ce territoire, en droit ou en fait, des pouvoirs lui permettant d'engager l'entreprise dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de l'entreprise.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut, la société distributrice doit être regardée comme disposant en France d'une installation fixe d'affaires au sens des stipulations des articles 5 et 7 de la convention fiscale franco-estonienne, et par suite, d'un établissement stable au sens de ladite convention. Par suite, conformément aux stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-estonienne, les revenus de la société FTO tirés de l'activité de son établissement stable en France doivent être attribués à la France et, par conséquent, doivent être regardés comme distribués en France.
En ce qui concerne la charge de la preuve :
13. Contrairement à ce que soutient l'administration, en raison du principe rappelé ci-dessus d'indépendance des procédures d'imposition de la société et de son associé, la situation de taxation d'office de la société FTO est sans incidence sur la charge de la preuve dans la présente instance. Il est constant que les rectifications notifiées à M. C... l'ont été selon la procédure contradictoire. Il est également constant que M. C... a refusé les rectifications qui lui ont été proposées. Il ne résulte pas de l'instruction que ces refus auraient été tardifs. Dès lors, il incombe à l'administration d'établir l'existence, le montant et l'appréhension des distributions qu'elle entend imposer entre les mains de M. C....
En ce qui concerne l'existence des distributions :
14. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ".
15. Lorsque le redressement procède de l'imputation à un établissement stable situé en France, par l'intermédiaire duquel elle est regardée comme y exerçant son activité, de bénéfices réalisés par une société étrangère, il ne saurait par lui-même révéler l'existence d'une distribution de revenus par cette société, au sens des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts précité. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer comme bénéficiaire des distributions serait le maître de l'affaire n'a pas davantage cet effet. Il en va différemment lorsque l'administration entend fonder le redressement sur les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
16. Il résulte des termes des trois propositions de rectifications adressées à M. C... que l'administration a entendu fonder les impositions sur les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et non sur les dispositions combinées du 1° du 1 de l'article 109 et de l'article 110.
En ce qui concerne le montant des distributions :
17. Dès lors que la société Francest Trade Oü n'a présenté aucun document comptable au vérificateur, ce dernier était en droit de procéder à la reconstitution extracomptable de ses résultats. Pour déterminer le montant des bénéfices que cette société avait retiré de l'exercice de son activité occulte en France, l'administration a procédé à la reconstitution extra comptable de ses recettes, sur la base des relevés bancaires de la société et des factures saisies lors de la visite domiciliaire, et a également admis les charges justifiées, y compris au stade du recours hiérarchique qui a de ce fait abouti à une diminution très sensible des bases initialement proposées par le vérificateur. A ce résultat, ainsi reconstitué sur la base de recettes hors taxes, a ensuite été réintégré, pour chacune des années contrôlées, le profit sur le Trésor correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée due sur les recettes.
18. Le profit sur le Trésor, intégré dans le résultat imposable en France de la société Francest Trade Oü , et par suite dans les revenus distribués imposés entre les mains de M. C..., a été déterminé à partir de la dette de taxe sur la valeur ajoutée que le service a estimé être dû, en France, par cette société distributrice. Dès lors, d'une part, qu'il est constant que la commercialisation de " solutions d'ameublement " consiste essentiellement en une activité de prestations de service, et d'autre part, que la société Francest Trade Oü disposait en France d'un établissement stable, et que ses clients étaient tous domiciliés en France et donc au sein de l'union européenne, c'est à bon droit que le service a estimé qu'en application des dispositions des articles 256-I, 259 et 259 B du code général des impôts, la société Francest Trade Oü était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des opérations de prestations de service qu'elle effectuait en France à titre onéreux.
19. Si M. C... prétend que la méthode de reconstitution des recettes de la société Francest Trade Oü est excessivement sommaire dès lors qu'elle serait fondée sur la seule exploitation des relevés bancaires, sans qu'ait été recherchée la nature exacte des opérations correspondantes, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'il prétend, le vérificateur a, en l'absence de toute comptabilité, confronté les crédits bancaires identifiés aux factures recueillies lors de la visite domiciliaire. Si M. C... fait en outre état de l'importance de la diminution de rectifications accordées par le supérieur hiérarchique, pour chacune des années en litige, il est constant que ces modifications des bases initialement envisagées résultent de la production de nouveaux justificatifs de charges, et ne sauraient dès lors nullement témoigner du caractère prétendument excessivement sommaire de la reconstitution de recettes.
20. Il suit de là que l'administration fiscale apporte la preuve de l'existence et du montant des distributions dont M. C... ne conteste pas l'appréhension du fait de sa qualité de maître de l'affaire.
21. M. C... ne reprend pas en appel son moyen de première instance dirigé contre la majoration de 1,25 de ses bases d'imposition en application des dispositions du 7° de l'article 158 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
22. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
23. La circonstance que le bénéficiaire de recettes sociales dissimulées par une société au moyen de manoeuvres frauduleuses soit le principal associé et le gérant de cette société ne suffit pas à démontrer que l'intéressé se soit rendu coupable de manoeuvres frauduleuses en omettant de mentionner dans sa déclaration les revenus distribués correspondants. Néanmoins, les pénalités pour manoeuvres frauduleuses sont applicables aux revenus perçus par le dirigeant d'une société ayant personnellement et délibérément mis en oeuvre des procédés destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.
24. En l'espèce l'administration soutient la qualification de manoeuvres au motif que M. C... a agit en tant que véritable maître de l'affaire, et avait donc une parfaite connaissance de l'omission de la déclaration d'existence en France de la société FTO, et du caractère occulte de son activité, ainsi que des conditions réelles d'exercice de l'activité. Il résulte de cette conscience, selon l'administration, que M. C... a cherché en toute connaissance de cause à diminuer son revenu passible de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, et à faire obstacle à tout contrôle de la part de l'administration fiscale. Selon elle, le fait de dissimuler les conditions réelles d'exercice de l'activité de la société FTO visait à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle.
25. De tels agissements, s'ils sont susceptibles de caractériser une activité occulte de la société FTO, d'ailleurs passible d'une pénalité distincte de celle en litige, révèlent une abstention déclarative de M. C... pour ses revenus de capitaux mobiliers, ce dernier n'ayant déclarés les bénéfices tirés de l'activité de la société FTO ni comme revenus de source française ni comme revenus de source étrangère, et non pas l'existence, de la part du contribuable, de démarches ou procédés destinés à égarer l'administration dans ses contrôles. L'administration n'était par suite pas fondée à infliger à M. C... la pénalité prévue par le c. de l'article 1729 du code général des impôts.
26. Toutefois, lorsque l'administration n'établit pas l'existence, de la part du contribuable, de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manoeuvres frauduleuses, il appartient au juge de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer à la majoration de 80 % appliquée par l'administration la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts.
27. En l'espèce, compte tenu du caractère systématique et répété des omissions déclaratives imputées à M. C... et de l'importance des sommes omises, l'administration établit l'existence de manquements délibérés au titre des trois années en litige. L'administration fiscale est par suite fondée à demander que soit substitué au taux de 80 % initialement retenu pour la pénalité prévue en cas de manoeuvres frauduleuses, le taux de 40 % correspondant à la pénalité prévue en cas de manquement délibéré.
28. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne l'a pas déchargé de la différence entre la majoration de 80 % prévue par le c. de l'article 1729 du code général des impôts et la majoration de 40 % prévue par le a. de cet article.
Sur les frais non compris dans les dépens :
29. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... à hauteur de 18 165 euros.
Article 2 : Le taux de 40 % prévu par le a. de l'article 1729 du code général des impôts est substitué au taux de 80 % prévu par le c. de cet article pour la majoration dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. C... a été assujetti au titre au titre des années 2008, 2009, et 2010.
Article 3 : M. C... est déchargé de la différence entre la majoration au taux de 80 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, et 2010 et celle de 40 % qui lui est substituée par l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 janvier 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
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N° 18LY01146
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