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21/05/2019 | FRANCE | N°18LY00597

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 18LY00597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a présenté au tribunal administratif de Toulouse une demande, transmise au tribunal administratif de Grenoble par ordonnance du 15 janvier 2018, tendant, dans le dernier état de ses écritures, à :

1°) l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) annuler l'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné un pays de renvoi ;

3°) annuler l'arrêté du même jour par leq

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a présenté au tribunal administratif de Toulouse une demande, transmise au tribunal administratif de Grenoble par ordonnance du 15 janvier 2018, tendant, dans le dernier état de ses écritures, à :

1°) l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) annuler l'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné un pays de renvoi ;

3°) annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet de Vaucluse a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de ce qu'il ferait l'objet d'un signalement dans le système Schengen.

Par un jugement n° 1800220 du 19 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2018 et le 24 octobre 2018, M. A... B..., représenté par Me Cadoux, avocate, demande à la cour :

1°) A titre principal, d'annuler ou, à titre subsidiaire, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a désigné un pays de renvoi ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

4°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de réexaminer sa situation et de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente et sous sept jours une autorisation provisoire de séjour ;

5°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de supprimer le signalement aux fins de non admission et d'en rapporter la preuve à la cour ;

6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ce jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions dirigées contre le refus de délai de départ volontaire et la désignation du pays de renvoi et d'examiner les moyens soulevés à leur encontre ;

- les arrêtés en litige ont été pris par une autorité incompétente ;

- son droit à être entendu n'a pas été respecté, en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe général du droit du respect du contradictoire ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 5 de l'accord conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne, dès lors que le préfet n'a pas demandé sa réadmission par les autorités italiennes ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ; elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'il n'entre pas dans les critères du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne peut être regardé comme s'étant maintenu sur le territoire national plus de trois mois et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; contrairement à ce qu'allègue le préfet, elle n'est pas fondée sur le 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, lequel n'est d'ailleurs pas visé ;

- le refus de délai de départ volontaire est illégal en ce qu'il est fondé sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;

- ce refus est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement n'est pas établi ;

- la fixation comme pays de renvoi de celui dont il a la nationalité méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est légalement admissible en Italie ;

- l'interdiction de retour est dépourvue de motivation et entachée d'erreur de droit pour défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est illégale en ce qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français et un refus de délai de départ volontaire illégaux ;

- cette interdiction pour une durée de deux ans est disproportionnée et méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, en ce qu'elle a une incidence sur son droit au séjour en Italie ;

- le signalement aux fins de non admission dans le système Schengen doit être effacé en conséquence de l'annulation de l'interdiction de retour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2018, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;

- l'arrêté du 10 mai 2010 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire européen de la France ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- et les observations de Me C...substituant Me Cadoux, représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant tunisien né le 25 mars 1992, qui déclare être entré en France pour la dernière fois le 19 novembre 2017, a été interpellé le 9 janvier 2018 dans le cadre d'une commission rogatoire et placé en garde à vue. Par arrêtés du 12 janvier 2018, le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de ce qu'il ferait l'objet d'un signalement dans le système Schengen. M. B...relève appel du jugement du 19 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes d'annulation de ces arrêtés.

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

3. M. B...conteste s'être maintenu sur le territoire national pendant une durée supérieure à trois mois, à la date de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai. Il ressort du procès-verbal de son audition par les services de police qu'il a déclaré spontanément être allé à Gênes le 15 novembre 2017 en vue d'y effectuer les démarches nécessaires au renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, qui était valable jusqu'au 19 décembre 2017. Cette déclaration est corroborée par les titres de transport établis à son nom pour un voyage entre Gênes et Avignon le 19 novembre 2017, produits pour la première fois en appel. Ainsi, le préfet de Vaucluse, en fondant l'obligation de quitter le territoire français en litige sur le 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, le requérant est fondé à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation du refus de délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de renvoi et de l'arrêté du 12 janvier 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 12 janvier 2018 par lesquels le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de ce qu'il ferait l'objet d'un signalement dans le système Schengen.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. En premier lieu, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la situation de M. B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " (...) Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 mentionné ci-avant : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. (...) ". Le présent arrêt annule l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. B... et il résulte des dispositions précitées qu'une telle annulation implique nécessairement l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de ce signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. B...au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800220 du 19 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai et a désigné un pays de renvoi et l'arrêté du même jour par lequel ce préfet a prononcé à l'encontre de M. B...une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de ce qu'il ferait l'objet d'un signalement dans le système Schengen sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de mettre en oeuvre la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

5

N° 18LY00597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00597
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-21;18ly00597 ?
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