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16/05/2019 | FRANCE | N°19LY00092

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 16 mai 2019, 19LY00092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1806719 du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019, M.A..., représentée par Me H

uard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1806719 du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019, M.A..., représentée par Me Huard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 8 novembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de transfert susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'enregistrer sa demande d'asile en vue de son examen selon la procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle a été prise sur un fondement juridique erroné, le préfet ayant fondé sa décision sur les dispositions de l'article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013, au lieu de celles de l'article 18, paragraphe 1;

- elle est entachée de vice de procédure, le préfet ayant adressé aux autorités italiennes une requête à fin de prise en charge, sans prendre en compte sa demande d'asile déposée dans ce pays ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 16 et 17 de ce règlement ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 21 de ce règlement ;

- elle est entachée de vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi que l'Italie ait été effectivement saisie par l'administration française d'une demande de reprise en charge ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 26, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 4 de ce règlement ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 du même règlement ;

- à défaut de communication de l'entier dossier préfectoral par l'administration, demandée à la présente instance, la décision devra être annulée comme méconnaissant, à la fois, les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et celles de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant de la République de Guinée né le 1er janvier 1992, est entré irrégulièrement en France le 16 mai 2018, selon ses déclarations. Le 7 juin 2018, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture de l'Isère. Le préfet, par décision du 1er octobre 2018, a décidé de le transférer vers l'Italie, Etat membre de l'Union européenne responsable selon lui de l'examen de sa demande d'asile. M. A...a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté sa demande par jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction en date du 8 novembre 2018, dont M. A...fait appel.

2. En premier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Il appartient au juge administratif d'écarter, le cas échéant de lui-même, un moyen tiré d'un vice de procédure qui, au regard de ce principe, ne lui paraît pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée.

3. Le requérant soutient que la décision de transfert contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que les autorités italiennes ont été saisies par l'administration française, à tort, d'une requête à fin de prise en charge de l'examen de sa demande d'asile présentée sur le fondement des dispositions de l'article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, au lieu d'une requête à fin de reprise en charge, fondée sur celles de l'article 18, paragraphe 1 du même texte.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été interpellé en Italie à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière, que ses empreintes y ont été relevées, à ce titre, le 20 juin 2017, et une seconde fois, le 30 juin 2017, dans le cadre d'une demande d'asile, dont l'existence est confirmée par le résultat de la consultation de la base Eurodac effectuée le 7 juin 2018 et est mentionnée dans le compte-rendu de son entretien individuel en préfecture. Toutefois, la circonstance que la requête adressée à l'Italie l'a été en prenant en compte le seul franchissement irrégulier d'une frontière, n'a pas eu, en l'espèce, pour effet de priver l'intéressé d'une garantie procédurale et est demeurée sans incidence sur le sens de la décision prise à l'issue de cette procédure. Il en résulte que ce vice n'a pas affecté la légalité de la décision de transfert contestée.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication DubliNET permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des copies des accusés de réception DubliNET en date des 19 juillet et 25 septembre 2018 versées aux débats par le préfet et comportant le numéro de référence du dossier de M.A..., que les autorités italiennes ont effectivement été saisies, à cette date, d'une requête le concernant et, qu'en l'absence de réponse explicite, elles doivent être regardées comme ayant accepté leur responsabilité par accord implicite. Par ailleurs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette saisine, effectuée dans les deux mois suivant la réception des résultats de la consultation de la base Eurodac et avant l'expiration du délai de trois mois suivant le pré-accueil de l'intéressé qui, selon le préfet, non contredit sur ce point, a eu lieu le 30 mai 2018, était tardive.

7. En troisième lieu, M. A...soutient qu'il n'est pas établi que les brochures d'information réglementaires relatives, d'une part, au pays responsable de l'examen de la demande d'asile et, d'autre part, à la " procédure Dublin ", ainsi qu'une information verbale lui a été effectivement délivrée. Toutefois, il ressort des éléments versés au dossier qu'à l'issue de l'entretien individuel du 7 juin 2018, le requérant a certifié sur l'honneur avoir été informé, dans une langue qu'il a " déclaré comprendre raisonnablement, de l'application du règlement cité, des délais qu'il prévoit et de ses effets ". Le même jour, il a signé un bordereau attestant la remise des deux brochures mentionnées ci-dessus. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise en violation des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

8. En quatrième lieu, M. A...fait valoir que l'entretien individuel en préfecture, prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'a pas eu lieu, qu'aucun compte-rendu de cet entretien ne lui a été remis, qu'il n'a pu avoir accès à un tel document en temps utile et que rien ne démontre que la personne chargée de mener cet entretien était habilitée à le faire. Il ressort toutefois des éléments produits par l'administration qu'à l'issue de cet entretien, le requérant a certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements figurant sur le compte-rendu, que l'entretien s'est déroulé en français, langue qu'il a déclaré comprendre, par un agent de la préfecture de l'Isère, à ce titre qualifié à le conduire, et dont aucune disposition n'impose la mention de l'identité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En cinquième lieu, Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

10. La décision litigieuse comporte l'indication des considérations juridiques et des circonstances de fait sur lesquelles le préfet de l'Isère s'est fondé. Par suite, elle est suffisamment motivée.

11. En sixième lieu, M. A...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, relatives à la notification de la décision de transfert, qui sont sans incidence sur la légalité.

12. En septième lieu, Aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n o 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ".

13. Aux termes de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ".

14. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

15. Nonobstant la demande d'asile formulée par M. A...auprès des autorités italiennes le 30 juin 2017, la décision de transfert a été fondée sur l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, applicable au cas où un demandeur d'asile a franchi irrégulièrement la frontière d'un Etat membre de l'Union européenne. En l'espèce, cette décision trouve son fondement dans les dispositions du b de l'article 18, paragraphe 1, du même règlement, qui peuvent être substituées à celles du paragraphe 1 de son article 13, qui ont elles aussi pour effet de désigner l'Italie comme Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile et dans le cadre desquelles l'autorité préfectorale dispose d'un même pouvoir d'appréciation, cette substitution n'ayant, par ailleurs, pas pour effet de priver le requérant d'une garantie.

16. En huitième lieu, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, applicables aux cas des personnes à charge, est inopérant, M. A... ayant déclaré n'avoir aucune famille sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne, de l'Islande, de la Norvège, de la Suisse et du Liechtenstein.

17. En neuvième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère, en s'abstenant de faire application de la possibilité offerte par les dispositions de l'article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 de prendre en charge l'examen de la demande d'asile de M.A..., aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

18. En dernier lieu, si le requérant demande la communication par le préfet de l'Isère du dossier contenant les pièces sur la base desquelles ce dernier s'est fondé, un défaut de communication dans le cadre de la présente instance serait, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée, dès lors que les dispositions de l'article L. 512-1 n'ont pour objet que de garantir le caractère contradictoire de la procédure devant le juge administratif. En outre, le préfet produit à l'instance le dossier administratif de M.A.... Enfin, l'intéressé ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 qui ne concernent que le droit à l'information dans le cadre de la procédure d'examen de la demande d'asile et non la communication du dossier du demandeur d'asile devant le juge administratif.

19. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

20. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'enregistrer sa demande d'asile doivent être rejetées.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de Me Huard, avocat de M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 mai 2019.

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N° 19LY00092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY00092
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-16;19ly00092 ?
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