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16/05/2019 | FRANCE | N°18LY02665

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 16 mai 2019, 18LY02665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801124 du 29 juin 2018, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et annulé l'obligation de quitte

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801124 du 29 juin 2018, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et annulé l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2018, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2018 en tant qu'il annule l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M.A....

Il soutient que M. A...n'apportait aucun élément de nature à remettre en cause les mentions figurant dans l'application TelemOfpra, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, et qu'au demeurant il avait produit l'accusé de réception du courrier de notification de la décision de la CNDA.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, M. A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour ;

2°) d'annuler le refus de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant des moyens relatifs à l'insuffisance de motivation de l'arrêté et au défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le tribunal a omis de statuer sur les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour et tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il n'est pas suffisamment motivé et que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de certificat de résidence ;

- elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dès lors que le préfet ne justifie pas de la notification de la décision de la CNDA par la seule production d'un extrait de l'application TelemOfpra ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un courrier du 11 avril 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions relatives au refus de titre de séjour présentées par M. A...par la voie de l'appel incident, au motif qu'elles se rattachent à un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal.

Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 23 avril 2019 mais n'a pas été communiqué.

Par une décision du 3 octobre 2018, M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeB..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Laval, D...public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant du Kosovo, est entré irrégulièrement en France le 8 septembre 2014. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 28 février 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 décembre 2017. Par un arrêté du 16 avril 2018, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de Saône-et-Loire relève appel du jugement du 29 juin 2018 du président du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il annule l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi. Par la voie de l'appel incident, M. A...demande l'annulation du même jugement en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour.

Sur la régularité du jugement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé relatif à la régularité du jugement attaqué ;

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu aux moyens dirigés contre le refus de titre de séjour, qui figuraient d'ailleurs dans les visas et qui n'étaient pas inopérants, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant cette décision au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A.... Par suite, M. A...est fondé à soutenir que le jugement attaqué, entaché d'omission à statuer, est irrégulier.

3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A...tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions du préfet de Saône-et-Loire.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision en litige, qui mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée et il ressort des termes de cette décision que le préfet de Saône-et-Loire a procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Si cette décision indique à tort que M. A...est célibataire et sans enfant et qu'il n'a aucune attache familiale en France alors qu'il y vivrait en concubinage avec une compatriote et que son frère et sa soeur y résident régulièrement, ces erreurs de fait ne sont pas susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision en litige.

5. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour.

6. En troisième lieu, M. A...fait valoir que ses parents sont décédés, que son frère et sa soeur résident régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident et qu'il vit en concubinage avec une compatriote elle-même titulaire d'une carte de séjour temporaire et enceinte à la date de l'arrêté en litige. Toutefois ces seules circonstances ne sont pas de nature à lui ouvrir un droit au séjour au titre de sa vie privée et familiale en France. S'il vivait depuis plus de trois ans en France à la date de l'arrêté en litige, la durée de son séjour est uniquement liée à l'examen de sa demande d'asile. Il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans en Yougoslavie puis en Allemagne et le couple qu'il forme avec sa compagne peut se reconstituer au Kosovo dont ils ont tous deux la nationalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant cette décision au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent dès lors être écartés.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le président du tribunal administratif de Dijon :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Et aux termes du 6° de l'article L. 511-1 du même code : " (...) L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

8. D'autre part, l'article R. 723-19 dudit code prévoit que : " I. - La décision du directeur général de l'office [l'Office français de protection des réfugiés et apatrides] est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) / III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. "

9. Selon les données issues de l'application informatique TelemOfpra, mentionnée au III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, produites par le préfet devant le tribunal administratif, la décision de la CNDA du 7 décembre 2017 a été notifiée à M. A...le 12 décembre 2017. L'intéressé, qui se borne à faire valoir que le préfet ne produit pas l'avis de réception de cette notification, n'apporte aucun élément permettant de penser que les données fournies, qui font foi jusqu'à preuve contraire, seraient inexactes. Au demeurant, le préfet de Saône-et-Loire a produit tant en première instance qu'en appel l'avis de réception de cette notification correspondant à la mention figurant dans TelemOfpra. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de renvoi, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M.A... :

11. Le moyen soulevé par la voie de l'exception et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment, ainsi que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

12. Le moyen soulevé par la voie de l'exception et tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment, ainsi que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

14. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de titre de séjour en litige. Il en résulte également, d'autre part, que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le président du tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

15. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. A... à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A... au titre des frais de l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du président du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... A.... Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 mai 2019.

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N° 18LY02665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02665
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-16;18ly02665 ?
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