Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1803085 du 26 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, M.D..., représenté par Me Albertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 26 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Drôme du 27 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- il méconnaît le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision du 25 juillet 2018, M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeC..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant du Nigéria, est entré irrégulièrement en France le 30 septembre 2016. Il a présenté une demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 29 septembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 22 mars 2018. Par un arrêté du 27 avril 2018, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D...relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour.
3. En second lieu, M. D...ne vivait que depuis un an et demi en France à la date de la décision en litige alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans au Nigéria où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales. S'il fait état d'une relation de concubinage avec une ressortissante togolaise, MmeA..., il ne justifie pas de la réalité de leur communauté de vie et ne justifie pas davantage être le père de la fille de celle-ci. Au demeurant, Mme A...se trouve également en situation irrégulière et a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
4. D'une part, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Et aux termes du 6° de l'article L. 511-1 du même code : " (...) L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
5. D'autre part, l'article R. 723-19 dudit code prévoit que : " I. - La décision du directeur général de l'office [l'Office français de protection des réfugiés et apatrides] est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) / III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. "
6. Selon les données issues de l'application informatique TelemOfpra, mentionnée au III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, produites par le préfet devant le tribunal administratif, la décision de la CNDA du 22 mars 2018 a été notifiée à M. D...le 5 avril 2018. Toutefois, M. D...produit le courrier de la CNDA qu'il a reçu le 5 avril 2018, lequel concernait un autre demandeur d'asile. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile n'a pas été notifiée au requérant avant l'intervention de la décision portant obligation de quitter le territoire français. M. D... est, par suite, fondé à soutenir qu'elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité et qu'elle doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de renvoi.
Sur les frais de l'instance :
8. M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Albertin, avocat de M.D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : L'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi du 27 avril 2018 sont annulées.
Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 26 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Albertin la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drome et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 mai 2019.
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N° 18LY02636