Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile et de l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1801329 du 25 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a assigné M. A...à résidence et rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet a ordonné son transfert vers l'Italie.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2018, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1801329 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 25 mai 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- à défaut pour le préfet de l'Yonne d'avoir produit un document justifiant la production de sa requête au point d'accès national italien, il n'a pas justifié du respect des dispositions de l'article 15 et des délais prévus par les articles 21 et suivants du règlement ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste au regard de l'article 17 de ce règlement.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de nationalité guinéenne, né le 10 mai 1995, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 19 décembre 2017 et a présenté une demande d'asile le 27 décembre 2017 auprès des services de la préfecture de police de Paris. L'examen de ses empreintes digitales a fait apparaître qu'elles avaient déjà été enregistrées par les autorités allemandes le 10 janvier 2016 puis par les autorités suisses le 3 novembre 2016 et l'intéressé a déclaré, le 27 décembre 2017, lors de l'entretien dont il a bénéficié à la préfecture de police de Paris, qu'il avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes en décembre 2015 et que sa demande avait été rejetée le 12 décembre 2017. Le préfet de l'Yonne a saisi d'une demande de reprise en charge les autorités italiennes, le 23 janvier 2018, et une décision implicite d'acceptation est née le 24 février 2018. Le 22 mai 2018, le préfet de l'Yonne a pris un arrêté ordonnant le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes. M. A... interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre cet arrêté.
Sur la saisine des autorités italiennes et leur acceptation :
2. Aux termes de l'article 15 du règlement (UE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".
3. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication DubliNet permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des copies des accusés de réception DubliNet produites par le préfet, en particulier la copie d'un courrier électronique du 23 janvier 2018 constituant la " réponse automatique accusant réception " de la demande de transfert de M. A... formulée au moyen de l'application " DubliNet " dans le cadre du règlement Dublin III auprès de l'Italie, qui comporte la même référence FRDUB29930090891-890 que celle figurant sur le document émis par les services de la préfecture de l'Yonne et destiné aux autorités italiennes, constatant " l'accord implicite et confirmation de reconnaissance de responsabilité " à la reprise en charge de M. A..., que les autorités italiennes ont effectivement été saisies, le 23 janvier 2018, d'une demande de reprise en charge de M. A... et qu'elles ont accepté implicitement leur responsabilité le 24 février 2018.
Sur l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :
5. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requêtes aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...)".
6. Il résulte des dispositions précitées que l'article 21 du règlement Dublin III fait obstacle à ce qu'une requête aux fins de reprise en charge puisse être valablement formulée plus de trois mois après l'introduction d'une demande de protection internationale et plus de deux mois après la réception d'un résultat positif Eurodac, au sens de cette disposition.
7. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A... a présenté une demande d'asile, le 27 décembre 2017, auprès des services de la préfecture de police de Paris, et l'examen de ses empreintes digitales a fait apparaître qu'elles avaient déjà été enregistrées par les autorités allemandes le 10 janvier 2016 puis par les autorités suisses le 3 novembre 2016 et l'intéressé a déclaré, le même jour, qu'il avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes en décembre 2015 et que sa demande avait été rejetée le 12 décembre 2017. La demande de reprise en charge de M. A... devait donc être adressée aux autorités italiennes dans un délai de trois mois à compter de la date de sa demande de protection internationale, sans pouvoir être formulée plus de deux mois après le résultat positif lors de la consultation de la base de données Eurodac. En l'espèce, la demande adressée aux autorités italiennes, le 23 janvier 2018, est intervenue dans le délai de trois mois suivant la date d'enregistrement de sa demande d'asile, le 27 décembre 2017, et dans le délai de deux mois suivant le résultat positif Eurodac du même jour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.
Sur l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :
8. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".
9. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
10. M. A... fait état d'une précédente décision de rejet de sa demande d'asile en Italie. Il n'établit pas, toutefois, que ces circonstances l'exposeraient à un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas à nouveau traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un État membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile, comme le permettent les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 et celles de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son avocat tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeB..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 mai 2019.
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N°18LY02446