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14/05/2019 | FRANCE | N°17LY04091

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 17LY04091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Groupe Invest-Immo France a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le directeur de l'établissement public foncier local (EPFL) du Dauphiné a exercé le droit de préemption sur l'ensemble immobilier situé, sur les parcelles cadastrées section AL n° 387 et 388, rue Champollion et avenue Charles de Gaulle dans la commune de Pont-de-Claix.

Par un jugement n° 1504833 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cett

e demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire récapitulatif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Groupe Invest-Immo France a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le directeur de l'établissement public foncier local (EPFL) du Dauphiné a exercé le droit de préemption sur l'ensemble immobilier situé, sur les parcelles cadastrées section AL n° 387 et 388, rue Champollion et avenue Charles de Gaulle dans la commune de Pont-de-Claix.

Par un jugement n° 1504833 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 5 décembre 2017 et 5 octobre 2018, la société Groupe Invest-Immo France, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2017 ;

2°) d'annuler cette décision de préemption du 5 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre à l'EPFL du Dauphiné de lui proposer, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'acquérir le bien en cause aux conditions de l'adjudication initiale ;

4°) de mettre à la charge de l'EPFL du Dauphiné la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le droit de préemption n'est pas opposable, faute de justification du vote et de la publication régulière au regard des exigences des articles R. 211-2 et R. 211-3 de la délibération du conseil municipal de Pont-de-Claix du 27 juin 1987 instituant le droit de préemption, visée par la délibération de ce conseil du 31 mai 2001 ;

- il n'est pas justifié d'une publication et d'une transmission régulières de la délibération du conseil municipal de Pont-de-Claix du 31 mai 2001 instituant un droit de préemption renforcé selon les modalités prévues au 2ème alinéa de l'article R. 211-4 du code de l'urbanisme ;

- il n'est pas justifié que la déclaration de la vente par adjudication du bien en cause a fait l'objet des communications et transmissions prévues à l'article R. 213-6 du code de l'urbanisme auquel renvoie son article R. 213-15 ;

- il n'est pas justifié de l'inscription à l'ordre du jour de la délibération du conseil de Grenoble-Alpes Métropole du 19 décembre 2014 du projet de délégation de l'exercice du droit de préemption, non plus que de la convocation régulière des élus cinq jours francs avant leur réunion ;

- la délégation consentie par le conseil de la Communauté d'agglomération de Grenoble le 19 décembre 2014 est antérieure à la transformation de cet établissement en métropole et n'a donc pu valablement habiliter le président de cette métropole à exercer le droit de préemption ;

- l'arrêté du 1er juin 2015 par lequel le président de la métropole Grenoble-Alpes métropole a délégué l'exercice du droit de préemption à l'EPFL du Dauphiné procède d'un conflit d'intérêts au sens de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;

- contrairement à ce qu'indique la décision du 5 juin 2015, la délibération du conseil municipal de Pont-de-Claix du 26 février 2015 n'a pas décidé de créer une zone d'aménagement concertée.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2018, l'établissement public foncier local du Dauphiné, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

L'instruction a été close le 22 octobre 2018 par une ordonnance du même jour prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 20 mars 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible d'écarter comme inopérants les moyens tirés par voie d'exception des vices de forme ou de procédure entachant la délibération du 19 décembre 2014 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes Métropole relative à l'exercice du droit de préemption.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;

- le décret n°2014-1601 du 23 décembre 2014 portant création de la métropole dénommée "Grenoble-Alpes Métropole" ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- les observations de Me A... pour la société Groupe Invest-Immo France ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré produite pour la société Groupe Invest-Immo France, enregistrée le 10 avril 2019 ;

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'une vente aux enchères publiques organisée dans le cadre d'une liquidation judiciaire qui s'est tenue le 19 mai 2015 devant le tribunal de grande instance de Grenoble, la société Groupe Invest-Immo France s'est vu adjuger un ensemble immobilier cadastré section AL n° 387 et 388 situé, rue Champollion et avenue Charles de Gaulle, sur le territoire de la commune de Pont-de-Claix. Par une décision de son directeur du 5 juin 2015, l'établissement public foncier local (EPFL) du Dauphiné a décidé d'acquérir cet ensemble par voie de préemption en se substituant à l'adjudicataire. La société Groupe Invest-Immo France relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 5 juin 2015 :

En ce qui concerne l'institution et l'opposabilité du droit de préemption :

2. Il ressort des pièces du dossier que le droit de préemption urbain renforcé a été institué sur l'ensemble des zones U et NA du plan d'occupation des sols de Pont-de-Claix par une délibération du 31 mai 2001 qui a nécessairement pour effet de confirmer l'application du droit de préemption urbain sur le même périmètre. Ainsi, si la requérante soutient que le droit de préemption urbain n'aurait pas été institué dans la commune en faisant valoir qu'une précédente délibération du 25 juin 1987 par laquelle l'application de ce droit avait été étendu à l'ensemble du territoire communal n'aurait pas fait l'objet de mesures de publication, ce moyen est inopérant pour contester la légalité de la décision de préemption du 5 juin 2015 en litige qui trouve son fondement dans la délibération du 31 mai 2001.

3. Pour demander l'annulation de la décision de préemption du 5 juin 2015, la société requérante soutient également qu'il n'est pas justifié de la publication régulière de la délibération du conseil municipal de la commune de Pont-de-Claix du 31 mai 2001 relative au droit de préemption selon les modalités fixées par l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme qui impose l'affichage en mairie pendant un mois et l'insertion d'une mention dans deux journaux diffusés dans le département.

4. Toutefois, d'une part, la commune produit un certificat d'affichage signé par la directrice générale des services de la commune Pont-de-Claix, agissant par délégation du maire, indiquant que cette délibération du 31 mai 2001 a été affichée en mairie du 8 juin au 8 juillet 2001. Le seul fait qu'il ne soit pas justifié de ce que la directrice signataire de ce certificat disposait à cet effet d'une délégation régulièrement publiée n'est pas de nature à priver ce document, dont les mentions sont corroborées par celles portées sur l'extrait de la délibération versé au dossier qui fait état d'une publication à compter du 8 Juin 2001, de toute valeur probante. D'autre part, il ressort suffisamment des pièces produites par l'EPFL du Dauphiné que, comme celui-ci le fait valoir, la délibération en cause a fait l'objet d'une mention dans le journal d'annonces légales Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné du 13 juillet 2001 ainsi que dans le journal Le Dauphiné libéré du 17 juillet 2001.

En ce qui concerne la délégation du droit de préemption à l'EPFL du Dauphiné :

5. La décision de préemption du 5 juin 2015 a été prise au bénéfice de la délégation consentie à l'EPFL du Dauphiné par le président de la métropole Grenoble-Alpes Métropole le 1er juin précédent. La société Groupe Invest-Immo France soutient que cette délégation n'a pu valablement intervenir.

6. A l'appui de sa contestation, la requérante fait d'abord valoir, au regard des exigences législatives relatives à la convocation et à l'information des membres du conseil communautaire, l'irrégularité de la délibération du 19 décembre 2014 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes Métropole a délégué à son président l'exercice du droit de préemption ainsi que la faculté de déléguer celui-ci. Toutefois, et ainsi que la cour en a informé les parties, la requérante ne saurait utilement se prévaloir par voie d'exception des vices de forme ou de procédure affectant la délibération du conseil de la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes Métropole du 19 décembre 2014, qui a acquis un caractère définitif.

7. La société Groupe Invest-Immo France expose également que la délégation consentie à son président par le conseil de la communauté d'agglomération le 19 décembre 2014, n'a pas pu valablement habiliter le président de la nouvelle métropole Grenoble-Alpes Métropole à exercer le droit de préemption ou, comme il l'a fait, à le déléguer à l'EPFL du Dauphiné dès lors que cette délibération est intervenue avant la transformation de la communauté d'agglomération en métropole. Toutefois, si la métropole Grenoble-Alpes Métropole a été créée au 1er janvier 2015 en vertu du décret n° 2014-1601 du 23 décembre 2014, celle-ci s'est, à cette date et comme l'ont relevé les premiers juges, substituée de plein droit à la communauté d'agglomération par application de l'article L. 5217-4 du code général des collectivités territoriales.

8. La requérante soutient encore que l'arrêté du 1er juin 2015 par lequel le président de la métropole Grenoble-Alpes Métropole a délégué l'exercice du droit de préemption à l'EPFL du Dauphiné procède d'un conflit d'intérêts au sens de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Toutefois, et alors que la délégation a précisément pour effet de confier l'exercice d'une compétence à un tiers, l'existence d'un tel conflit ne saurait en tout état de cause se déduire, comme le fait la requérante, de la seule circonstance que le président de la métropole Genoble-Alpes Métropole est également maire de la commune de Pont-de-Claix.

En ce qui concerne la procédure de préemption :

9. Pour soutenir que la préemption contestée est entachée d'un vice de procédure, la société requérante fait valoir que la déclaration de la vente par adjudication du bien en cause n'a pas fait l'objet des formalités d'envoi au maire et de transmission au titulaire du droit de préemption et aux services fiscaux qui sont prescrites par l'article R. 213-6 du code de l'urbanisme auquel renvoie son article R. 213-15. Toutefois, à la supposer établie et alors que l'EPFL justifie de l'envoi de la déclaration relative à la vente projetée à la commune de Pont-de-Claix et de sa transmission par celle-ci au directeur départemental des finances publiques, qui a émis son avis le 7 mai 2015, la seule circonstance que la transmission de la déclaration relative à la vente projetée au titulaire du droit de préemption n'a pas été effectuée est en elle-même sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le bien en cause a été effectivement préempté.

En ce qui concerne le motif de la préemption :

10. Pour contester la légalité interne de la décision de préemption en litige, la requérante, si elle cite les dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, se borne à faire valoir que, contrairement à ce qu'indique cette décision, la délibération du conseil municipal de Pont-de-Claix du 26 février 2015 n'a pas décidé la création d'une zone d'aménagement concertée (ZAC) "Centralité Nord" à laquelle la décision de préemption fait pourtant référence et au sein de laquelle les parcelles en litige se situeraient. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que la création d'une ZAC n'était alors qu'en projet, la décision attaquée se borne à faire état de la perspective de la création d'une ZAC sans que cette création ne puisse être regardée comme le motif de la décision de préemption, lequel est explicité en son article 2 et n'est pas autrement contesté. Dans ces conditions, et alors que la décision de préemption en litige ne saurait ainsi être regardée comme entachée d'erreur de fait, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Groupe Invest-Immo France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de la demande de la société Groupe Invest-Immo dirigées contre la décision du 5 juin 2015, n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'EPFL du Dauphiné, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EPFL du Dauphiné.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Groupe Invest-Immo est rejetée.

Article 2 : La société Groupe Invest-Immo versera à l'établissement public foncier local du Dauphiné la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe Invest-Immo France et à l'établissement public foncier local du Dauphiné.

Copie en sera adressée :

- à la métropole Grenoble-Alpes Métropole ;

- à la commune de Pont-de-Claix.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2019.

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N° 17LY04091

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04091
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : HATTAB

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-14;17ly04091 ?
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