Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... C..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 juillet 2016 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 1700669 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision, a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis une somme de 800 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2019 le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient qu'il existe un traitement approprié à l'état de santé de M. C... dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2019, M. C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et versée à son conseil.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le préfet, qui n'apporte pas la preuve de la disponibilité des molécules en cause dans son pays d'origine, ne sont pas fondés ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'en dépit de l'avis favorable à la délivrance du titre de séjour rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet ne l'a pas invité à présenter ses observations préalablement à l'édiction de sa décision.
Par ordonnance du 13 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2019.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure, au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 21 juillet 2016 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet du Rhône relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision du préfet : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo entré en France le 15 mars 2014, souffre d'un " asthme sévère très instable, difficile à contrôler " qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Se fondant sur un dossier comprenant les médicaments prescrits par un pneumologue, le " Sérétide " et le " Singulair ", estimés indispensables au traitement de l'asthme dont souffre M. C..., le médecin de l'agence régionale de santé a, par un avis rendu le 16 mars 2016, estimé que le traitement approprié à cette pathologie n'existait pas dans le pays d'origine de l'intéressé. Si le préfet s'est borné, en première instance, à produire un extrait du site internet de l'assurance maladie indiquant que les " corticostéroïdes par voie orale " comme le prédnisone constituent une alternative disponible en République démocratique du Congo, il produit pour la première fois en appel, une fiche extraite de la base de données MedCOI (" medical country of origin information ") financée par le fonds asile et migration de l'Union européenne, interrogée en juillet 2018, dont il ressort que le fluticasone et le salmeterolles, substances actives du " Seretide ", et le montelukast, substance active du " Singulair " sont disponibles en République démocratique du Congo. Si le document disponible sur le site MedCOI n'est pas rédigé en langue française, aucun texte ni aucune règle générale de procédure n'interdit au juge d'en tenir compte, les parties pouvant joindre à leurs écrits des pièces annexes rédigées dans une langue étrangère. Si l'interrogation de cette base versée aux débats pour les besoins de la procédure contentieuse est postérieure à la décision du 21 juillet 2016, cette circonstance ne saurait être suffisante pour écarter les éléments produits par le préfet dans le sens d'une disponibilité du traitement en cause. En l'absence d'autres éléments, susceptible de démontrer que la situation aurait évolué entre ces deux dates, la preuve de la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intimé doit être regardée comme rapportée. C'est donc à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision du préfet du Rhône.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... à l'encontre de l'arrêté attaqué devant le tribunal administratif de Lyon.
5. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
6. Devant le tribunal, l'intimé faisait valoir qu'en l'absence d'avis du médecin de l'agence régionale de santé, la décision avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Il ressort des pièces du dossier que ce moyen manque en fait, un avis ayant été rendu le 16 mars 2016.
7. Il résulte des dispositions de l'arrêté du 9 novembre 2011 que le médecin de l'agence régionale de santé ne doit indiquer, dans son avis, si l'état de santé de l'étranger ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine que dans le cas où il estime que celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays. Dans le cas où ce médecin estime que l'étranger ne peut bénéficier d'un tel traitement et où le préfet entend s'écarter de cet avis, et prendre un arrêté par lequel il refuse à l'étranger un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient au préfet de vérifier, à partir des éléments dont il dispose, si l'étranger est en capacité de voyager sans risque. Il n'est, en revanche, pas tenu, à peine d'irrégularité de sa décision, d'inviter expressément l'étranger à mentionner s'il estime se trouver dans l'incapacité de voyager sans risque.
8. Par ailleurs, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux et, s'il s'y croit fondé, de faire état de son incapacité à voyager sans risque et de produire tout élément, même lorsqu'il entend ne pas lever le secret médical concernant la pathologie dont il souffre, de nature à démontrer cette incapacité. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement, n'impose pas à l'autorité administrative d'avertir l'intéressé de son intention de lui refuser le titre de séjour sollicité et de l'inviter à présenter ses observations de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Il en résulte que le moyen tiré par M. C... de ce que l'arrêté aurait été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière, pris en toutes ses branches, doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaquée, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 21 juillet 2016, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis une somme de 800 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon 19 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Rhône et à M. D... C.... Copie en sera adressé au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 mai 2019.
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N° 19LY00062
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