La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2019 | FRANCE | N°18LY04183

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 mai 2019, 18LY04183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2018 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1801825 du 24 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal admin

istratif de Clermont-Ferrand, après avoir renvoyé devant une formation collégiale de ce tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2018 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1801825 du 24 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir renvoyé devant une formation collégiale de ce tribunal les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, a rejeté les conclusions de cette demande dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la désignation du pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2018 sous le n° 18LY04183, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Allier du 17 septembre 2018 en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ce territoire pour deux ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la préfète aurait dû lui délivrer le récépissé prévu à l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, il justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille, de sorte que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent le 6° des articles L. 313-11 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces décisions et l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette interdiction est entachée d'une erreur d'appréciation.

II) Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018 sous le n° 18LY04184, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 octobre 2018 ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2018, commun aux deux instances, la préfète de l'Allier conclut au rejet des requêtes.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant comorien né le 31 décembre 1955, est entré en France métropolitaine le 28 février 2016, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 14 juin 2016, il a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 janvier 2017. Le 31 mai 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", qui lui a été refusé par un arrêté de la préfète de l'Allier du 17 septembre 2018, assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, d'une décision fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un second arrêté du même jour, cette même autorité l'a assigné à résidence. Par un jugement du 24 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir renvoyé devant une formation collégiale de ce tribunal les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, a rejeté la demande en ce qu'elle était dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la désignation du pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français.

2. Les deux requêtes susvisées de M. A... tendent respectivement à l'annulation et à au sursis à exécution de ce jugement du 24 octobre 2018. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) ".

4. La circonstance que la préfète de l'Allier n'aurait pas, pour l'instruction de la demande de M. A... du 31 mai 2018, délivré de récépissé à M. A..., est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

6. M. A... fait valoir qu'il est entré en France métropolitaine le 28 février 2016 pour rejoindre son épouse titulaire d'un titre de séjour d'une durée de validité de dix ans et leurs trois enfants, dont deux, et en particulier sa fille mineure, ont la nationalité française. Alors qu'il a vécu et travaillé à Marseille en 2017, de sorte que la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre n'a pu lui être notifiée, les justificatifs produits par le requérant tant en première instance qu'en appel ne suffisent pas pour considérer, comme il le soutient, que toute la famille demeurerait à la même adresse à Vichy depuis au moins deux ans à la date de la décision attaquée. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne verse au dossier aucune pièce propre à l'établir, n'est pas fondé à soutenir que sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant devrait être présumée. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point précédent ne peut ainsi qu'être écarté, de même que celui selon lequel le requérant serait protégé d'une mesure d'éloignement en vertu du 6° de l'article L. 511-4 également cité au point précédent.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Dès lors que la continuité d'une communauté de vie de M. A... avec son épouse et ses enfants, que conteste la préfète de l'Allier, n'est pas établie de manière probante par le requérant, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations citées au point précédent.

9. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Eu égard à ce qui est dit au point 6, la circonstance que les enfants de M. A..., à l'entretien et à l'éducation desquels il n'établit pas contribuer, soient appelés à rester avec leur mère en cas de départ du territoire français et ainsi séparés de leur père, ne peut être regardée comme caractérisant une atteinte à leur intérêt supérieur contraire à ces stipulations.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 7 mars 2016, en vigueur depuis le 1er novembre 2016 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (....) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (....) ".

12. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

13. Contrairement à ce que soutient M. A..., la décision en litige expose de manière suffisante les motifs de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et atteste de la prise en compte par la préfète de l'Allier de l'ensemble des critères prévus par la loi et rappelés au point précédent.

14. M. A..., qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à ce qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre.

15. Enfin, compte tenu de ce qui est dit au point 6 sur la situation notamment familiale du requérant, la durée de deux ans de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre n'apparaît pas entachée d'une erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 17 septembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

17. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouvent privées d'objet.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de M. A... dirigées contre l'arrêté du 17 septembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18LY04183 de M. A... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18LY04184 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 octobre 2018.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... dans l'instance n° 18LY04184 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mai 2019.

2

N° 18LY04183, 18LY04184

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04183
Date de la décision : 07/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-07;18ly04183 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award