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23/04/2019 | FRANCE | N°18LY01783

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 23 avril 2019, 18LY01783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et d'annuler la décision en date du 12 mars 2018 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités italiennes et la décision en date du 10 avril 2018 par laquelle ce même préfet a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1802477 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon l'a admis au bénéfice de

l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et d'annuler la décision en date du 12 mars 2018 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités italiennes et la décision en date du 10 avril 2018 par laquelle ce même préfet a ordonné son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1802477 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2018, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 12 mars 2018 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités italiennes et la décision du 10 avril 2018 l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil qui renoncera au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a cru pouvoir écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information préalable dans une langue comprise par le demandeur d'asile prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, c'est au préfet qu'il incombe d'apporter la preuve de l'accomplissement de ces formalités ;

- cette information doit être délivrée dès le moment où un demandeur d'asile fait connaître son intention de déposer une demande d'asile, c'est-à-dire lorsqu'il remplit un formulaire et reçoit la date et l'heure de son rendez-vous pour l'enregistrement de sa demande ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale du fait de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités italiennes pour les motifs précités.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) nº 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les observations de Me B..., représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérian né le 16 mai 1991, relève appel du jugement du 13 avril 2018 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 mars 2018 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et de la décision par laquelle cette même autorité a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans l'attente de l'exécution de la mesure de transfert.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités italiennes :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / (...). ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). ".

3. La délivrance de documents d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile doit, eu égard à l'objet et au contenu de ces documents, intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes et, notamment, de mesurer les enjeux attachés au fait de porter à la connaissance de ces autorités des informations relatives à la présence de membres de la famille dans un Etat membre ou aux raisons humanitaires susceptible de justifier l'examen de la demande dans un Etat membre déterminé. Les intéressés doivent ainsi avoir été mis à même de présenter, de manière utile et effective, les éléments permettant de déterminer l'Etat qui devra se prononcer sur leur demande de protection internationale et les motifs qui légitimeraient que l'autorité déroge à l'application des critères de détermination de cet Etat. Un vice affectant la délivrance de ces documents n'est de nature à entacher d'illégalité la décision de transfert prise postérieurement que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'autorité compétente a méconnu son obligation d'information en temps utile prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et si le demandeur d'asile a été privé de la garantie y afférente. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Se prévalant de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 26 juillet 2017 dans l'affaire C-670/16, Tsegezab Mengesteab c./ Bundesrepublik Deutchland, M. C... soutient que le préfet du Rhône n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la délivrance en temps utile et dans une langue qu'il comprend de ce que les informations et brochures d'information prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 lui auraient été délivrées. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le guide d'accueil du demandeur d'asile, ainsi que la brochure d'information " A " relative à la détermination de l'Etat responsable et la brochure d'information " B " concernant la " procédure Dublin " du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été remis le 3 octobre 2017 à M. C..., lors du dépôt de sa demande d'asile auprès des guichets de la préfecture du Rhône. La délivrance de ces documents lors du dépôt du formulaire écrit de demande de protection internationale auprès de l'autorité compétente, est intervenue en temps utile.

6. Il ressort par ailleurs des mentions figurant sur le formulaire de demande d'asile que l'appelant a déclaré comprendre l'anglais. La circonstance que le bordereau constatant la remise des brochures d'information prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que M. C... a signé sans y apporter aucune précision ou commentaire, et qui atteste de la remise effective des brochures à l'intéressé, n'est pas de nature à démontrer que les brochures qui lui ont été remises, et qu'il ne produit pas aux débats, auraient été rédigées dans une langue dont on ne pouvait raisonnablement penser qu'il la comprenait. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

7. Il résulte de l'examen de la légalité de la décision de transfert de M. C... vers l'Italie, que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 10 avril 2017 par laquelle le préfet du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement.

8. Il résulte de ce qui précède que M C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse au conseil de M. C..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 23 avril 2019.

2

N° 18LY01783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01783
Date de la décision : 23/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03-01


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-23;18ly01783 ?
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