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23/04/2019 | FRANCE | N°18LY00978

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 23 avril 2019, 18LY00978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) D...-C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501052 du 10 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistr

e le 10 mars 2018, la SARL D...-C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) D...-C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501052 du 10 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 mars 2018, la SARL D...-C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL D...-C... soutient que :

- le jugement est irrégulier pour être insuffisamment motivé ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée quant à la nature des travaux d'entretien du chemin d'accès, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les dépenses correspondant à la facture d'entretien Bruel du 29 mai 2009 ont pour effet d'accroître la valeur de l'équipement immobilisé alors qu'il s'agit de charges déductibles correspondant à des travaux d'entretien et de réparation destinés à améliorer la sécurité et le confort des véhicules sur un chemin d'accès mais qui n'ont pour effet ni d'inscrire un nouvel élément à l'actif, ni d'accroître la valeur vénale d'un bien immobilisé ou d'en augmenter la durée d'utilisation ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable en considérant que les dépenses d'entretien de la voirie constituent une charge déductible des résultats sociaux ;

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère excessif de la rémunération de M. C... en qualité de gérant et de la disproportion de sa rémunération avec celle de son co-gérant ;

- l'acte anormal de gestion n'est pas établi ;

- la seule circonstance qu'une entreprise est déficitaire ne saurait suffire à démontrer que les rémunérations qu'elle verse sont excessives ainsi que cela ressort d'un arrêt du Conseil d'Etat du 30 mai 1979, n °09045 et de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-40-10 n° 110 et n° 130 du 12 septembre 2012, eu égard aux services rendus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la SARL D... -C... n'est fondé.

Par ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL D... -C..., dont l'activité est l'exploitation de gravières et de sablières à Nieudan dans le Cantal, relève appel du jugement du 10 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, puis doit énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements engagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, la régularité de la proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 20 décembre 2012 à la SARL D... -C... indique la nature et le montant des rehaussements envisagés en matière d'impôt sur les sociétés et comporte l'indication des motifs pour lesquels, notamment, l'administration a requalifié en immobilisations des dépenses comptabilisées en charge, à savoir que le revêtement bicouche de la voie de desserte du terrain qu'elle exploite était de nature à allonger la durée d'utilisation de l'immobilisation, objet des travaux, et qu'en raison de son caractère excessif, la fraction de la rémunération versée à M. C..., en qualité de cogérant devait être réintégrée dans les bénéfices imposables de la société. Par suite, la société appelante, qui a disposé de l'ensemble des éléments lui permettant de présenter utilement ses observations, n'est pas fondée à soutenir que cette proposition de rectification serait entachée d'une insuffisance de motivation en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales au regard de la qualification comptable et fiscale des dépenses de travaux de voirie retenue par l'administration fiscale, qu'elle conteste et qui relève du bien-fondé des impositions litigieuses.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts dans sa version applicable : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter,40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.(...) ".

5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, (...). /Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. / Les sommes retranchées du bénéfice de la société en vertu du premier alinéa sont soumises à l'impôt sur le revenu au nom des bénéficiaires dans les conditions prévues à l'article 62 (...) ".

En ce qui concerne la réintégration dans les résultats imposables des dépenses de travaux d'entretien :

6. Ne constituent des charges déductibles des résultats en vue de la détermination du bénéfice imposable, ni les dépenses qui ont, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise, ni les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan, ni les dépenses qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé. La durée probable d'utilisation d'un tel élément s'apprécie à la date de son acquisition ou de sa création. En revanche, peuvent être compris dans les frais généraux et constituer des charges d'un exercice déterminé les dépenses qui n'ont d'autre objet que de maintenir les différents éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise en un état tel que leur utilisation puisse être poursuivie conformément à leur objet jusqu'à la fin de la période correspondant à leur durée probable d'utilisation. Le fait que les dépenses de réparation soient largement supérieures à la valeur nette comptable d'une immobilisation ne fait pas obstacle à la déduction de la charge dès lors qu'elles n'ont pas eu pour effet d'augmenter la durée d'utilisation de l'immobilisation. L'importance d'une réparation par rapport au prix d'achat ne suffit pas en elle-même à qualifier la nature de l'opération. L'omission d'amortissement est une décision de gestion opposable au contribuable.

7. Il résulte de l'instruction que la SARL a comptabilisé dans le compte de charges " travaux d'entretien " et déduit au titre de l'année 2009 une facture " Bruel " en date du 29 mai 2009 d'un montant hors taxe de 67 819 euros. La SARL soutient qu'il s'agit de travaux d'entretien de la voie d'accès à la carrière qu'elle exploite depuis 1987, travaux d'entretien nécessités par le passage régulier de camions pesant entre trente et quarante tonnes. L'administration fiscale fait valoir que les travaux réalisés comprenaient le nettoyage du fond, la consolidation des abords, la fourniture et la mise en place de grave-émulsion de bitume et d'un revêtement bicouche. Estimant que l'ajout d'un revêtement bicouche renforce la résistance et diminue l'usure du chemin d'accès et que ces dépenses avaient pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé destiné à servir de façon durable à l'activité de l'entreprise, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des dépenses correspondantes. La circonstance que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, dans l'avis du 30 janvier 2014, estimé que les travaux n'avaient ni accru l'utilisation du chemin d'accès indispensable à l'exploitation de la carrière, ni accru la valeur de cette immobilisation est sans incidence sur le caractère d'immobilisation amortissable desdits travaux dont la nature a eu pour objet, non pas seulement d'améliorer le confort et la sécurité des utilisateurs comme le soutient la requérante, mais surtout de prolonger de manière notable la durée d'utilisation de la route d'accès. Est également sans incidence sur cette qualification le caractère temporaire de l'autorisation administrative d'exploiter les installations. Par suite, la SARL D...-C... n'est pas fondée à soutenir que de telles dépenses relevaient d'un simple entretien et étaient déductibles de son résultat en vue de déterminer son bénéfice imposable au titre de l'année 2009.

En ce qui concerne la réintégration dans les résultats imposables d'une fraction de la rémunération servie à son dirigeant :

8. Conformément aux dispositions du deuxième alinéa du 1° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. Lorsqu'elles excèdent la rétribution normale du travail effectivement fourni, ces sommes sont rapportées au bénéfice imposable de l'entreprise. La déduction des rémunérations est ainsi expressément subordonnée à la condition que d'une part, ces rémunérations correspondent à un travail effectif, et d'autre part, elles ne soient pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Il incombe à l'administration fiscale d'apporter la preuve du caractère excessif de la rémunération versée au dirigeant qu'elle entend réintégrer au bénéfice imposable de la société.

9. Il résulte de l'instruction que M. C..., associé et co-gérant de la SARL D...-C..., a perçu au titre des années 2009, 2010 et 2011 une rémunération, en qualité de co-gérant, pour des montants respectifs de 69 723 euros, 70 764 euros et 71 375 euros pour une durée de travail de 360 heures, ainsi que cela ressort des documents sociaux présentés au vérificateur. L'administration fiscale a constaté lors du contrôle que cette rémunération correspondait à un taux horaire compris entre 193,67 euros pour la première année et 198,26 euros pour la dernière année vérifiée, se démarquant sensiblement du taux horaire constaté pour son associé et co-gérant, M. D... qui a varié de 64,86 euros à 73,72 euros sur les trois exercices vérifiés alors que celui-ci, présent sur place à temps complet, assure la gestion de l'exploitation, M. C..., quant à lui, réside à Argentat en Corrèze où il occupe un emploi à temps complet dans une autre société.

10. Pour justifier la réintégration aux bénéfices imposables de la société, d'une fraction de la rémunération versée à M. C... en qualité de co-gérant, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que, sur la période vérifiée, aucun document écrit juridique, financier, ou commercial signé de l'intéressé, ni aucune preuve d'un travail effectif de celui-ci dans l'exercice de sa mission de cogestion n'avait été apporté par l'entreprise. Elle a toutefois admis la déduction d'une quote-part de la rémunération brute comptabilisée en charge déterminée en appliquant au temps de travail de 360 heures, prévu par les documents sociaux au titre de la cogérance, le taux horaire calculé à partir de la rémunération de son associé, M. D..., pour sa fonction de gérant, qui s'est révélé inférieur à celui dont avait bénéficié M. C... sur la même période.

11. La SARL soutient qu'elle n'est pas tenue d'apporter la preuve du travail effectif correspondant aux rémunérations litigieuses et fait valoir que les deux associés sont soumis juridiquement aux mêmes obligations légales, assument les mêmes responsabilités civiles et pénales en leur qualité de mandataires sociaux et interviennent ensemble dans la gestion de l'entreprise en vertu de la complémentarité de leurs compétences. Elle soutient que la rémunération litigieuse, décidée en assemblée générale où le bénéficiaire est minoritaire, est normale au regard de sa contribution aux résultats dégagés par l'entreprise, et de l'échelle des rémunérations au sein de l'entreprise. Toutefois, la société, qui ne produit aucun contrat de travail, ni document justifiant la ventilation de la rémunération de l'associé-gérant dont elle se prévaut pour justifier du caractère normal de la rémunération de M. C..., n'apporte aucun élément de nature à démontrer le caractère effectif du travail rendu par celui-ci en contrepartie de la fraction de rémunérations excédant la quote-part admise en déduction par l'administration. En applications des dispositions précités du code général des impôts, l'administration fiscale a réintégré aux résultats imposables de l'entreprise, l'excès de rémunération eu égard à l'importance du service rendu pour lequel aucune contrepartie n'a été démontrée, ni aucun intérêt direct pour la société, qu'elle a regardé comme constitutif d'un acte anormal de gestion. Dans la mesure, où l'intéressé occupait un emploi à temps complet dans une autre entreprise sur un autre site, et que le caractère effectif des fonctions qu'il est réputé avoir occupé au sein de la SARL D... -C... n'a pu être confirmé lors du contrôle, aucun terme de comparaison externe significatif et pertinent présentant de telles similitudes n'a pu être relevé et utilisé par l'administration. La comparaison avec la rémunération versée à son co-gérant qui occupait une fonction juridique et statutaire identique était, par suite, suffisante, chacun détenant, à travers son groupe familial, la moitié du capital social. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a, en application des dispositions du 1° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, regardé la fraction des rémunérations versées à l'intéressé sans contrepartie comme constitutive d'un acte anormal de gestion et ne pouvant être déduite de son résultat et a réintégré ces sommes au bénéfice imposable de la SARL D... -C....

12. La SARL appelante n'est pas fondée à invoquer le bénéfice, sur le fondement de la garantie prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-40-10 n° 110 et n° 130 du 12 septembre 2012 qui ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale telle qu'appliquée ci-dessus.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SARL D...-C... une quelconque somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL D...-C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée D...-C... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 23 avril 2019.

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N° 18LY00978

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