Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Ben Autos a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2011 et des pénalités correspondantes ainsi que des conséquences personnelles sur les dirigeants et associés.
Par un jugement n° 1603065 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 février 2018, l'EURL Ben Autos, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'EURL soutient que :
- la proposition de rectification, qui ne détaille pas la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires, est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'avis de mise en recouvrement a été établi en méconnaissance des dispositions des articles R. 256-1 et L. 48 du livre des procédures fiscales, les sommes mises en recouvrement en matière de taxe sur la valeur ajoutée ne correspondant pas à celles notifiées dans la proposition de rectification et l'avis faisant référence à une proposition de rectification " du 30-05-2012 " alors que celle qui lui a été adressée est datée du 31 mai 2012 ; il est irrégulier ;
- elle a fait l'objet d'une double vérification en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 30 juin 2008 au 30 avril 2009 en méconnaissance de l'article L 51 du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative 13 L-1315 n° 23 du 1er juillet 2002, et de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-20-40 du 18 juin 2015 ;
- elle n'a pas eu accès aux données fondant la reconstitution des recettes ;
- elle n'a pas été en mesure d'identifier les ventes de véhicules regardées par l'administration fiscale comme omises ou minorées, ni la manière dont les véhicules repris par l'entreprise ont été valorisés dans le cadre de la reconstitution du chiffre d'affaires ;
- la reconstitution de ses bases d'imposition repose sur une méthode sommaire et radicalement viciée, et s'appuie sur des taux de marge brute incohérents ; la méthode de reconstitution ne tient pas compte des opérations comptabilisées ;
- l'existence d'un " profit sur le Trésor " imposable n'est pas établie ;
-l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par l'EURL Ben Autos n'est fondé.
Les parties ont été informées, conformément aux articles R. 611-18 et R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date à partir de laquelle une clôture immédiate de l'instruction était susceptible d'intervenir et la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 15 novembre 2018.
Un mémoire présenté par l'EURL Ben Autos a été enregistré le 15 novembre 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de l'EURL Ben Autos, qui exerce une activité d'achat et de revente de véhicules d'occasion, et est détenue par M. B... D... qui en assure la gérance, sur la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2011, période étendue jusqu'au 30 octobre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 31 mai 2012, a notifié à cette EURL des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée assortis de pénalités pour manquement délibéré selon la procédure contradictoire à l'exception de la période du 1er juillet 2011 au 31 octobre 2011 pour laquelle la procédure de taxation d'office a été mise en oeuvre en matière de taxe sur la valeur ajoutée. L'EURL Ben Autos relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions dirigées contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes à la suite du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le moyen tiré d'une double vérification de comptabilité :
2. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Toutefois, il est fait exception à cette règle : (...) 2° Dans les cas prévus à l'article L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ; (...) ". Aux termes de cet article L. 176 du livre des procédures fiscales, qui fixe le point de départ du délai de répétition en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration fiscale peut contrôler la période écoulée depuis la clôture du dernier exercice jusqu'au jour de la vérification et reprendre au cours de la vérification de comptabilité suivante, le contrôle de cette période avec celui de l'exercice auquel elle se rattache. Ces dispositions permettent donc à l'administration fiscale, par dérogation aux dispositions de l'article L. 51 du même livre, de comprendre dans une nouvelle vérification de comptabilité une fraction de période d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ayant déjà fait l'objet d'un contrôle dès lors que cette fraction se trouve incluse dans un exercice qui se situe à l'intérieur du délai de répétition prévu en matière d'impôt sur les sociétés.
3. Le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait méconnu les dispositions combinées des articles L. 51 et L. 176 du livre des procédures fiscales en comprenant dans le délai de répétition en matière de taxe sur la valeur ajoutée la période du 1er juillet 2008 au 30 avril 2009 ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité antérieure est, compte tenu du dégrèvement de l'intégralité des rappels de taxe prononcé par l'administration fiscale le 17 octobre 2016, inopérant au soutien des conclusions de l'EURL Ben Autos dirigées contre les rectifications relatives à un autre impôt. En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, le moyen tiré d'une double vérification de comptabilité en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales manque en fait et doit être écarté.
4. Pour les mêmes motifs, l'EURL Ben Autos, regardée comme invoquant la garantie prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne peut utilement invoquer une instruction administrative référencée 13 L-1315 n° 23 du 1er juillet 2002 reproduite au BOI-CF-PGR-20-40 n° 230 du 12 septembre 2012 qui interdit sur le fondement de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales à l'administration de renouveler une vérification de comptabilité déjà effectuée pour un impôt ou une période déterminée, qui ne comporte d'ailleurs aucune interprétation d'un texte fiscal fondant les impositions en litige.
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :
5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, dans sa version en vigueur à la date du contrôle : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. ".
7. Il ressort de la lecture de la proposition de rectification du 31 mai 2012 notifiée à l'EURL Ben Autos que la reconstitution du chiffre d'affaires a été effectuée par élaboration d'une comptabilité-matière à partir des indications portées sur les livres de police consultés auprès de l'autorité judiciaire, dont les informations ont été saisies de manière exhaustive, en effectuant un rapprochement avec les factures d'achats et de ventes présentées lors du contrôle. Les informations obtenues par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, en application des dispositions précitées de l'article L 101 du livre des procédures fiscales, ont été regroupées en annexe de la proposition de rectification sous forme de tableaux faisant apparaître, pour chaque année, les achats, les véhicules repris y figurant clairement, les ventes et les marges ainsi que les stocks et le détail des véhicules non vendus. Au titre de chaque exercice vérifié, la proposition de rectification détaille en explicitant la méthodologie de calcul, le chiffre d'affaires hors taxe reconstitué par addition des prix de vente des véhicules avec ou sans taxe sur la valeur ajoutée y compris du stock antérieur et soustraction de la taxe sur la valeur ajoutée éventuellement y afférente, les achats revendus hors taxe étant reconstitués par addition des prix d'achat des véhicules, en tenant compte du stock de véhicules antérieur à l'exercice, et soustraction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, la marge hors taxe étant reconstituée par soustraction au chiffre d'affaires reconstitué hors taxes du montant des achats reconstitués hors taxes, et le rehaussement des bénéfices par soustraction du montant de la marge hors taxe reconstituée de la marge hors taxes déclarée. Par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification ne procéderait qu'à une description sommaire et non détaillée de la méthode utilisée pour la reconstitution du chiffre d'affaires, et serait, par conséquent insuffisamment motivée au sens des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales pour permettre à la société de formuler utilement ses observations ou de faire connaître son acceptation des rectifications proposées doit être écarté comme manquant en fait.
8. Aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que les conséquences financières des rectifications effectuées en matière d'impôt sur les sociétés ont été portées à la connaissance de la société par une proposition de rectification en date du 31 mai 2012. Les rehaussements d'impôt sur les sociétés ont été intégralement maintenus dans la réponse aux observations du contribuable n°3926 en date du 8 août 2012. Les sommes mises en recouvrement au titre de l'impôt sur les sociétés sont donc celles issues de la proposition de rectification en date du 31 mai 2012. Et ce sont ces mêmes sommes qui sont mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement en date du 2 janvier 2013. Le moyen tiré de la violation de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales manque dès lors en fait en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et est inopérant à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été dégrevés.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
10. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents dont le contribuable sollicite la communication sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité.
11. Il résulte de l'instruction et notamment de la lecture de la proposition de rectification adressée à l'EURL Ben Autos le 31 mai 2012, d'une part, que des informations la concernant ont été spontanément communiquées à l'administration fiscale par le ministère de la justice conformément à l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, et d'autre part, qu'en application des dispositions prévues par les articles L. 81, L. 83 et L. 85 du même livre l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès des organismes bancaires détenteurs des comptes bancaires de l'entreprise et d'un commissaire-priseur, fournisseur en véhicules d'occasion de l'entreprise. L'administration a ainsi pu consulter les livres de police détenus par l'autorité judiciaire, dont elle n'a toutefois pu prendre copie, ces documents retraçant les transactions effectuées et non comptabilisées par l'EURL Ben Autos au titre de la période vérifiée permettant de constater l'existence d'omissions de recettes. La proposition de rectification adressée à l'entreprise le 31 mai 2012 fait ainsi état de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication qui ont permis de reconstituer le chiffre d'affaires et de déterminer les rectifications litigieuses. Dans la réponse aux observations du contribuable du 8 août 2012 le vérificateur a indiqué à la société que l'ensemble des annexes jointes à la proposition de rectification est une retranscription de l'intégralité des informations recueillies dans les livres de police consultés, comportant pour chaque opération détaillée la référence au numéro du véhicule concerné. En réponse à la demande de communication des documents consultés, l'administration fiscale, qui ne les détenait pas, a renvoyé l'EURL Ben Autos vers l'autorité judiciaire pour la consultation des livres de police. Il ne résulte pas de l'instruction que l'EURL Ben autos n'aurait pu les consulter auprès de l'autorité judiciaire, avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses. Par suite, le moyen tiré par la société, qui soutient ne pas avoir eu accès aux données utilisées pour la reconstitution de son chiffre d'affaires, de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :
12. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 (...) et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".
13. Si un avis de mise en recouvrement porte sur des montants supérieurs à ceux qui étaient mentionnées dans la dernière pièce modifiant les rehaussements figurant dans la proposition de rectification, le juge doit apprécier si, dans la limite des impositions correspondant aux montants mentionnés dans la dernière pièce modifiant les rehaussements, l'avis de mise en recouvrement est seulement entaché d'une erreur matérielle qui n'a pas privé la société de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement, seul le surplus des impositions devant alors être regardé comme irrégulièrement mis en recouvrement ou si l'irrégularité commise en méconnaissance des articles L. 48 et R. 256-1 du livre des procédures fiscales constitue une discordance ayant effectivement privé le contribuable de la possibilité de contester utilement la totalité des montants mise en recouvrement.
14. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement n° 12 12 00174 du 14 décembre 2012 adressée à l'EURL Ben Autos se réfère à une proposition de rectification du 30 mai 2012 alors que la proposition de rectification que lui a adressée l'administration fiscale d'où les rectifications sont issues est datée du 31 mai 2012 et que cet avis ne fait pas référence à la lettre du 2 octobre 2012 informant l'EURL Ben Autos du dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée initialement notifiés au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 octobre 2011. Si cette lettre ne précisait pas les conséquences financières de ce dégrèvement, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que les montants de taxe sur la valeur ajoutée en droits et pénalités finalement mis en recouvrement correspondent aux montants restants dus après modification à la baisse à raison du dégrèvement prononcé. La décision de dégrèvement ayant été régulièrement notifiée à l'EURL, l'avis de mise en recouvrement est seulement entaché d'erreurs matérielles qui n'ont pas privé l'EURL Ben Autos de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement, le moyen étant inopérant à l'égard des montants de taxe sur la valeur ajoutée dégrevés en droits et pénalités. Les erreurs matérielles ainsi commises n'ont pas entaché d'irrégularité la procédure suivie.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
15. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".
16. Il résulte de l'instruction que l'EURL Ben Autos, bien qu'ayant opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, n'a pas déposé dans les délais légaux les déclarations annuelles de résultats relatives aux exercices clos le 30 juin 2009, 2010 et 2011 qu'elle était tenue de souscrire en application des dispositions combinées des articles 223 et 302 septies A bis du code général des impôts. Toutefois, en l'absence de mise en demeure de déposer les déclarations de résultat des exercices clos en 2009 et 2011, et en raison du dépôt de la déclaration relative à l'exercice clos le 30 juin 2010 dans les trente jours suivant mise en demeure, la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales a été mise en oeuvre.
17. L'EURL Ben Autos ne conteste plus en appel les motifs ayant conduit le service à écarter comme irrégulière et non probante la comptabilité présentée. Il résulte toutefois de l'instruction qu'après avoir sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le vérificateur a informé l'EURL Ben Autos de l'incompétence de cette commission s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée au titre de la période du 1er juillet au 31 octobre 2011, en application de la procédure de taxation d'office sur cette période. Après que le service l'eut informé par décision du 2 octobre 2012, du dégrèvement des rappels de taxe afférent à cette période, l'EURL appelante, par courrier du 29 novembre 2012 s'est désistée de sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires avant de déposer une première réclamation contentieuse. Par suite, en l'absence de saisine de cette commission, l'administration fiscale supporte la charge de la preuve du bien-fondé des impositions contestées par l'EURL Ben Autos.
En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre :
18. Si l'administration peut, pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les informations recueillies auprès d'un tiers en usant de son droit de communication, elle ne peut les opposer utilement à ce contribuable que si ces éléments sont, en outre, corroborés de manière suffisamment précise et concordante par des constatations propres à son entreprise, à ses activités ou à sa situation.
19. Dans le cadre du contrôle, après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante car non exhaustive pour avoir été élaborée à partir des seuls relevés bancaires, l'ensemble des sommes remises en banque ne pouvant être rapproché des ventes de véhicules consignées dans les livres de police consultés auprès de l'autorité judiciaire, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires en élaborant une comptabilité-matière à partir des renseignements obtenus de l'autorité judiciaire et des pièces relatives à son activité fournies par l'entreprise lors du contrôle. L'EURL Ben Autos soutient, toutefois, que cette méthode de reconstitution est radicalement viciée ou, à défaut, excessivement sommaire, dans la mesure où elle aboutit à des taux de marge brute incohérents, dont le doublement entre le premier exercice vérifié clos en 2009 et les exercices suivants n'est pas justifié au regard de ses conditions d'exploitation demeurées inchangées sur toute la période vérifiée. Sans proposer aucune méthode de reconstitution alternative, elle soutient que la méthode mise en oeuvre n'a pas tenu compte des opérations comptabilisées et ne permet pas d'identifier les ventes de véhicules regardées comme omises ou minorées par le service. Il résulte, toutefois, de l'instruction que l'administration fiscale a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise en recoupant les éléments d'information issus des livres de police consultés auprès de l'autorité judiciaire, les factures d'achats et de ventes présentées par l'entreprise lors du contrôle et les stocks de véhicules comptabilisés pour chacun des exercices en les comparant à ceux ressortant de la saisie exhaustive des livres de police. Les discordances constatées entre l'activité retracée dans les livres de police consultés auprès de l'autorité judiciaire et les opérations comptabilisées, que l'entreprise n'a pu justifier, ont permis de démontrer une insuffisance de déclaration concernant les achats et les ventes à l'origine d'une insuffisance de marge déclarée sur l'ensemble des exercices vérifiés. L'intégralité des données utilisées par le vérificateur pour reconstituer le chiffre d'affaires non déclaré, répertoriant l'ensemble des véhicules dont l'achat et la revente n'avaient été ni comptabilisés, ni déclarés par l'entreprise figure en annexe de la proposition de rectification. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode mise en oeuvre par l'administration fiscale pour reconstituer son chiffre d'affaires sur la période vérifiée doit être écarté. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du bien-fondé des rectifications apportées à l'impôt sur les sociétés dû par l'EURL Ben Autos au titre des exercices vérifiés, pour ce qui concerne les recettes omises.
En ce qui concerne l'existence d'un profit sur le Trésor :
20. Lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements ou de rectifications en matière d'impôt sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les bénéfices peuvent être rehaussées d'un "profit sur le Trésor" chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée.
21. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification. (...) ".
22. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...) notamment : (...)/ 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) ".
23. L'article 23 de la loi 2008-1443 du 30 décembre 2008 a abrogé l'article L. 78 du livre des procédures fiscales et a modifié l'article 39 du code général des impôts. En application de l'article 23 de la loi 2008-1443 du 30 décembre 2008, pour les créances acquises au titre des exercices clos depuis le 31 décembre 2008, les dégrèvements accordés sur les impôts mentionnés au 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts sont rattachés à l'exercice au cours duquel la somme correspondante constitue une créance acquise.
24. En dépit des modifications législatives précitées, ces dispositions ont pour effet de rendre sans objet la constatation d'un "profit sur le Trésor" lorsque la taxe sur la valeur ajoutée initialement rappelée a fait l'objet d'un dégrèvement, quel qu'en soit le motif.
25. L'administration ne peut utilement faire valoir que, postérieurement à la décision de dégrèvement du rappel de taxe sur la valeur ajoutée, elle n'a pas remis en cause la déduction prévue par l'article L. 77 du livre des procédures fiscales. En pareil cas, il incombe à l'administration de veiller que le contribuable ajoute bien cette somme aux résultats de l'exercice au cours duquel le dégrèvement devient une créance acquise.
26. Il résulte de l'instruction que le dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée a été prononcé le 17 octobre 2016. Par suite, l'imposition d'un profit sur le Trésor est sans objet et l'EURL Ben Autos est fondée à demander que ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011 soient réduites des montants correspondants.
Sur les pénalités :
27. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...). ".
28. En relevant le caractère non probant de la comptabilité présentée, l'importance des omissions de recettes et le caractère répété des insuffisances déclaratives, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de la volonté délibérée de l'EURL Ben Autos d'éluder l'impôt, justifiant l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
29. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Ben Autos est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011 soient réduites des montants correspondant à un profit sur le Trésor.
Sur les frais liés à l'instance :
30. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance exposés par l'EURL Ben Autos et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de l'EURL Ben Autos sont réduites d'un montant de 2 664 euros au titre de l'année 2009, d'un montant de 14 865 euros au titre de l'année 2010 et de 35 913 euros au titre de l'année 2011.
Article 2 : L'EURL Ben Autos est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4: L'Etat versera une somme de 2 000 euros à l'EURL Ben Autos en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Ben Autos est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Ben Autos et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 23 avril 2019.
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N° 18LY00785
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