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11/04/2019 | FRANCE | N°18LY02360

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 18LY02360


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B...et M. F...A...ont respectivement demandé au tribunal administratif de Grenoble, par deux demandes enregistrées le 27 février 2018, d'annuler les arrêtés du 21 novembre 2017 par lesquels le préfet l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Puis, par arrêté du 23 mars 2018, le préfet de l'Isère a assigné à résidence les intéressés.

Par deux jugements n°

1801145 et n° 1801147 du 30 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B...et M. F...A...ont respectivement demandé au tribunal administratif de Grenoble, par deux demandes enregistrées le 27 février 2018, d'annuler les arrêtés du 21 novembre 2017 par lesquels le préfet l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Puis, par arrêté du 23 mars 2018, le préfet de l'Isère a assigné à résidence les intéressés.

Par deux jugements n° 1801145 et n° 1801147 du 30 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté les conclusions des demandes de Mme B...et M. A...dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, a renvoyé au tribunal, statuant en formation collégiale, les conclusions des deux requêtes dirigées contre le refus de titre de séjour. Et, par un jugement n° 1801145-1801147 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 21 novembre 2017 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé à Mme B...et M. A...un titre de séjour et lui a enjoint de délivrer à Mme B... et à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 juin 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler le jugement n° 1801145-1801147 du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les décisions de refus opposées à Mme E... B...et M. F...A...sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur leur situation personnelle et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, Mme E... B...et M. F...A..., représentés par Me Cans, avocate, concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de leur délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation, dans un délai d'un mois, et de leur délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B...et M. A...font valoir que la requête du préfet n'est pas fondée et soutiennent que les arrêtés en litige :

- sont entachés d'une insuffisante motivation ;

- méconnaissent des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- que les stipulations de l'article 3-1 de la Convention européenne des droits de l'enfant ont été méconnues ;

- le refus opposé à M. A...est illégal à raison de l'illégalité du refus de l'autorisation de travail, entaché d'un vice d'incompétence, et de la méconnaissance de l'article R. 5221-20 du code du travail ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur ;

- les observations de Me Cans, représentant Mme B...et M.A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...et M.A..., ressortissants russes nés en 1977, sont entrés le 11 mars 2014 en France avec leur fille mineure, sous couvert de visas long séjour mention " visiteur " valables du 1er mars 2014 au 1er mars 2015. M.A..., qui a ensuite obtenu son renouvellement jusqu'au 8 mars 2017, a sollicité le 21 mars 2017 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, qu'il a complétée le 23 août suivant d'une demande de titres de séjour mention " vie privée et familiale " et sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. MmeB..., dont le titre de séjour en qualité de visiteur a été renouvelé jusqu'au 8 mars 2016, a sollicité, le 27 septembre 2017, un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par deux arrêtés du 21 novembre 2017, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seront éloignés. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision portant refus de titre et lui a enjoint de délivrer à Mme B...et M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A...et Mme B...son épouse et leur fille mineure, née le 15 mai 2006, qui sont entrés le 11 mars 2014 en France, sous couvert de visas long séjour mention " visiteur ", s'y sont maintenus en situation régulière jusqu'au 8 mars 2017 pour M. A...et jusqu'au 8 mars 2016 pour MmeB.... M. A...et Mme B...résidaient donc en France depuis moins de quatre ans à la date du 21 novembre 2017 des décisions de refus de titre de séjour en litige, alors qu'ils ont vécu jusqu'à l'âge de 37 ans en Russie, pays dont ils ont tous les trois la nationalité, et dans lequel ils n'établissent ni que leur cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer, ni que leur fille âgée de 11 ans, excellente élève, ne pourrait y poursuivre sa scolarité. La seule circonstance que M. A... et Mme B...suivent des cours de français, font preuve d'une volonté d'intégration par le réseau associatif, et par le travail, notamment en cherchant à développer une activité d'apiculteurs, ne permet d'établir que les décisions en litige ont porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés au regard des motifs pour lesquels elles ont été prises.

3. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler les décisions du préfet de l'Isère rejetant les demandes de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " présentées par M. A...et MmeB....

4. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...et MmeB....

Sur la légalité des décisions en litige :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions en litige :

5. Les décisions en litige mentionnent de façon suffisamment précise les considérations de droit ainsi que les éléments de fait propres à la situation de M. A... et de Mme B...sur lesquels elles se fondent. Ainsi, ces décisions satisfont à l'obligation de motivation résultant des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne les refus de titre de séjour portant la mention " Vie privé et familiale " :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

7. Il ressort du point 2. que M. A...et Mme B...et leur fille mineure, résidaient en France depuis moins de quatre ans à la date du 21 novembre 2017 des décisions de refus de titre de séjour en litige, alors qu'ils ont vécu jusqu'à l'âge de 37 ans en Russie, pays dont ils ont tous trois la nationalité, et dans lequel ils n'établissent ni que leur cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer, ni que leur fille âgée de 11 ans, excellente élève, ne pourrait y poursuivre sa scolarité. La seule circonstance que M. A...et Mme B...suivent des cours de français, font preuve d'une volonté d'intégration par le réseau associatif, et par le travail, notamment en cherchant à développer une activité d'apiculteurs, ne permet pas d'établir que les décisions en litige ont porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale au regard des motifs pour lesquels elles ont été prises. Elles ne méconnaissent donc ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Les décisions en litige n'ont eu ni pour objet ni pour effet de séparer M. A...et Mme B...de leur fille mineure, ni d'empêcher celle-ci de pourvoir à son éducation tandis qu'aucune stipulation de la convention internationale des droits de l'enfant n'impose la scolarisation des enfants en France, exclusivement. En outre, la réalité des risques de discrimination qui pourraient peser sur sa fille en cas de retour en Russie ne ressort pas des pièces produites. En conséquence, le refus de titre de séjour ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne le refus de carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle opposé à M. A...:

9. Mme G...D..., directrice du travail déléguée, qui a refusé le 16 juin 2017 la demande d'emploi d'aide-charpentier, présentée par M.A..., bénéficiait d'une délégation de signature consentie par arrêté n° 2017-42 du 8 juin 2017, dûment publié, du préfet de l'Isère. La décision en litige n'est entachée d'aucune illégalité de ce chef.

10. Selon les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail, l'administration prend en compte notamment " l'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il (l'étranger) postule (...) ". Pour refuser le 16 juin 2017 la demande d'emploi d'aide-charpentier de M.A..., le préfet de l'Isère a opposé à l'intéressé qu'il ne justifie pas du diplôme consistant en un CAP ou BP en charpente ou en menuiserie, ce que ne conteste pas l'intéressé qui est titulaire d'un diplôme d'informaticien-économiste spécialité " les systèmes d'informations en économie ". Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 5221-20 du code du travail doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par le jugement attaqué, annulé ses décisions du 21 novembre 2017. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. A... et Mme B... aux fins d'injonction et tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801145-1801147 du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme B...et M. A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme E... B...et M. F... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 avril 2019.

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N°18LY02360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02360
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CANS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;18ly02360 ?
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