Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1501288 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 19 octobre 2017 et le 15 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 juin 2017 ;
2°) de remettre à la charge de M. B...les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquelles il a été assujetti à concurrence de la somme de 9 124 euros.
Le ministre soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des impositions en litige dès lors que les dispositions du 1° de l'article 81 du code général des collectivités territoriales, qui doivent s'interpréter à l'aune de celles de l'article 72 de l'annexe III du code général des impôts en vigueur jusqu'au 31 décembre 1998, ainsi que cela ressort de rapports parlementaires relatifs à l'application de l'article 22 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998, font obstacle à ce que le directeur d'un journal gratuit puisse bénéficier, sur les rémunérations qu'il perçoit dans le cadre de ses fonctions, de l'affranchissement d'impôt au titre de l'allocation spéciale destinée à couvrir les frais inhérents à la fonction ;
- la cour écartera, en tant qu'il n'est pas fondé en droit, le second moyen de la demande de M.B..., tiré de ce qu'il peut également, en sa qualité de journaliste au sens des dispositions de l'article 81 du code général des impôts, demander à bénéficier de l'affranchissement d'impôt sur le revenu prévu par ces dispositions, dès lors que M.B..., qui a la double qualité de gérant, non éligible au dispositif, et de journaliste, ne peut dissocier ce qui, dans sa rémunération, concerne strictement son travail de journaliste, comme la jurisprudence, qui est en la matière constante, lui impose de pouvoir le faire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2018, M.B..., représenté par Me Kovac, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est journaliste au sens des dispositions de l'article 81 du code général des impôts et est ainsi fondé à demander à bénéficier de l'affranchissement d'impôt sur le revenu prévu par ces dispositions ;
- pour lui refuser la qualité de directeur de journaux, l'administration fiscale a commis une erreur de droit, en retenant les critères prévus par l'article 72 de l'annexe III du code général des impôts auquel les dispositions de l'article 81 du code général des impôts ne renvoient pas.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur ,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B...est le gérant et le directeur de publication de la SARL B. Press, société éditrice des journaux gratuits " La Gazette de Côte-d'Or " et " Gazette Info ". A la suite d'une vérification de comptabilité de la société, il s'est vu notifier des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2010, 2011 et 2012 qui ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2014 et le 31 octobre 2014, en matière de revenus fonciers, de capitaux mobiliers et de traitement et salaires. Par un jugement du 28 juin 2017, dont le ministre de l'action et des comptes publics relève appel, le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. B...a été assujetti, au titre des années 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes, en tant qu'elles procèdent de la réintégration, dans ses revenus de la catégorie traitements et salaires, de l'abattement forfaitaire annuel de 7 650 euros qu'il avait pratiqué en sa qualité de directeur de publication, en application du 1° de l'article 81 du code général des impôts.
2. Aux termes de l'article 81 du code général des impôts : " Sont affranchis de l'impôt : 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet. Les rémunérations des journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux perçues ès qualités constituent de telles allocations à concurrence de 7 650 €. (...) ". Aux termes de l'article 72 de l'annexe III au code général des impôts, relatif aux opérations exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, dans sa rédaction applicable : " Les journaux et écrits périodiques présentant un lien direct avec l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la publication et présentant un apport éditorial significatif, bénéficient des avantages fiscaux prévus à l'article 298 septies du code général des impôts s'ils remplissent les conditions suivantes : (...) 4° Faire l'objet d'une vente effective au public, au numéro ou par abonnement, à un prix marqué ayant un lien réel avec les coûts, sans que la livraison du journal ou du périodique considéré soit accompagnée de la fourniture gratuite ou payante de marchandises ou de prestations de services n'ayant aucun lien avec l'objet principal de la publication. (...) ".
3. Les dispositions précitées du 4. de l'article 72 de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date des impositions en litige, ne concernent que les conditions d'application aux publications des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée prévus à l'article 298 septies du code général des impôts. A la date de ces mêmes impositions, les dispositions de l'article 5A de l'annexe IV au code général des impôts, selon lesquelles : " Les directeurs de journaux pouvant prétendre à une déduction supplémentaire pour frais professionnels doivent s'entendre, exclusivement, des directeurs des publications répondant aux conditions posées par l'article 72 de l'annexe III au code général des impôts ", avaient été abrogées, depuis le 1er janvier 1998, par l'article 22 de la loi 98-1267 du 30 décembre 1998 et le dispositif de déduction supplémentaire pour frais professionnels, auquel étaient relatives ces dispositions, remplacé par un abattement forfaitaire prévu par les dispositions précitées du 1° de l'article 81 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable en l'espèce, issue de l'ordonnance du n° 2000-916 du 19 septembre 2000.
4. En l'espèce, ainsi qu'il résulte de la décision du 5 mars 2015 rejetant la réclamation de M.B..., l'administration s'est fondée, en dernier lieu, pour lui refuser l'affranchissement d'impôt sur le revenu prévu par les dispositions précitées de l'article 81 du code général des impôts, dont il revendiquait notamment le bénéfice en sa qualité de directeur de journaux, sur le motif tiré de ce que la condition de vente effective des journaux au public, posée par les dispositions combinées de l'article 5A de l'annexe IV et de l'article 72 de l'annexe III au code général des impôts, n'était pas remplie, en se fondant sur sa propre doctrine exprimée au BOI-RSA-CHAMP-20-50-10-30 n° 180 du 12 septembre 2012. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, lesdites dispositions de l'article 5A de l'annexe IV au code général des impôts n'étaient plus en vigueur à la date des impositions en litige. Par suite, l'administration, qui n'a pas opposé à M. B...de motif tiré de ce que les publications en cause ne satisferaient pas aux obligations de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qui n'a pas porté d'appréciation sur le contenu éditorial des journaux en cause, ne pouvait se fonder sur le seul motif tiré de leur caractère gratuit, alors qu'une telle condition n'était pas posée par l'article 81 du même code et qu'elle ne pouvait, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, se fonder sur sa propre doctrine, en ce qu'elle fait état du maintien de cette condition, alors même que certains éléments de cette doctrine auraient été cités lors des débats parlementaires. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Dijon a déchargé M. B...des cotisations supplémentaires et des pénalités correspondantes en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, 11 avril 2019.
N° 17LY03684
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