Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société française de revêtements techniques (FRT) a, d'une part, contesté devant le tribunal administratif de Lyon la rectification en matière d'impôt sur les sociétés de la SAS APS au titre de l'exercice clos en 2010, ayant eu pour effet de réduire son report déficitaire, et, d'autre part, demandé la décharge de l'amende qui lui a été infligée en application du c du I de l'article 1763 du code général des impôts, pour défaut de déclaration de subventions indirectes.
Par un jugement n° 1406257 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 8 juin et 21 décembre 2017 et le 11 février 2019, la société française de revêtements techniques (FRT), représentée par Me Farhat, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 avril 2017 ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Autolubrification produits de synthèse (APS) avait un intérêt propre à cette opération, qui lui a permis de retrouver des liquidités pour faire face à sa situation financière difficile en 2009, tout en permettant la mise à disposition de l'immeuble conservé au sein du groupe, pour un loyer annuel inférieur à celui retenu dans la première expertise ;
- la minoration du prix de cession n'est pas établie, ainsi que cela ressort de l'expertise en date du 19 décembre 2017 qu'elle produit ;
- en conséquence, l'opération ne peut être regardée comme un acte anormal de gestion de la société APS et comme une subvention indirecte à son bénéfice.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 octobre 2017 et le 7 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ,
- et les observations de Me A...pour la société FRT ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS APS, qui fabrique, commercialise et distribue des produits destinés aux revêtements techniques de surface, a fait l'objet en 2008 d'un rachat par la société FTR, constituée dans ce seul but. Cette acquisition, qui a conduit à l'intégration fiscale de la SAS APS au 1er janvier 2009, a été permise notamment par l'octroi à la société FTR d'un prêt bancaire à moyen terme de 2 849 000 euros, devant être remboursé au plus tard le 31 décembre 2008 par le produit de la cession des actifs immobiliers de la société APS. Mais cette cession n'ayant pu être réalisée en raison de la conjoncture économique, la société FRT et ses créanciers sont convenus, selon un protocole de conciliation signé le 22 décembre 2009 et homologué le 27 janvier 2010 par le tribunal de commerce de Lyon, que la société FRT se porterait acquéreur de l'ensemble immobilier d'APS pour la somme de 1 900 000 euros, permettant ainsi au pool bancaire de disposer d'une sûreté hypothécaire de nature notamment à assurer le rééchelonnement de sa dette. L'administration fiscale, qui a considéré que la vente le 25 mars 2010 de cet ensemble immobilier situé à Noisiel (Seine-et-Marne) au prix convenu de 1 900 000 euros, ne correspondait pas à sa valeur réelle, au regard de l'expertise actualisée le 20 octobre 2009, a regardé cette minoration du prix de cession comme un acte anormal de gestion de la société APS et une subvention indirecte au profit de sa société mère. En conséquence, elle a, d'une part, réintégré dans les résultats des deux sociétés la différence entre la valeur vénale réelle et le prix de cession de l'ensemble immobilier au titre de l'exercice clos en 2010, d'autre part, mis à la charge de la société FRT, au titre de cet exercice, une amende égale à 5 % des sommes omises sur le fondement du c) du I de l'article 1763 du code général des impôts. Les rectifications des résultats de la société APS ayant eu pour conséquence la réduction du déficit reportable de la société FRT, celle-ci relève appel du jugement du 17 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête par laquelle elle a, d'une part, contesté la rectification en matière d'impôt sur les sociétés de la SAS APS au titre de l'exercice clos en 2010, ayant eu pour effet de réduire son report déficitaire, et, d'autre part, demandé la décharge de l'amende qui lui a été infligée en application du c du I de l'article 1763 du code général des impôts, pour défaut de déclaration de subventions indirectes.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 223 B du code général des impôts : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis. ". En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. La cession d'une immobilisation entre sociétés membres d'un groupe fiscal intégré à un prix significativement minoré, sans que la société cédante n'invoque aucune contrepartie ni aucun intérêt pour justifier cette opération, constitue, à hauteur de la différence entre la valeur vénale réelle des titres cédés et leur prix de cession, un avantage consenti par la société cédante à la société cessionnaire, que l'administration fiscale est fondée à rapporter dans les résultats individuels de la société cédante, au titre d'une gestion anormale.
3. En l'espèce, pour justifier que la vente, le 25 mars 2010, à la société FRT de l'ensemble immobilier de la société APS, dont le capital social est en totalité détenu par la première, au prix convenu de 1 900 000 euros, ne correspondait pas à sa valeur réelle, l'administration s'est fondée sur l'expertise réalisée le 30 juillet 2007 à la demande de la société APS, actualisée au 20 octobre 2009, qui établit à 2 868 000 euros la valeur du bien obtenue par la moyenne de trois méthodes d'évaluation : la valeur à neuf pondérée, la valeur par capitalisation inversée et la valeur vénale de marché, et qui a été retenue comme base pour l'établissement du protocole de conciliation signé le 22 décembre 2009 entre la société FRT et ses banques créancières. Toutefois, en appel, la société FRT produit un nouveau rapport d'expertise immobilière établi par M.B..., expert près de la cour d'appel de Paris, pour une valeur vénale de 1 910 000 euros. Aux termes de ce rapport, qui comporte toutes les précisions méthodologiques nécessaires, d'une part, l'écart important des valeurs constatées selon les trois méthodes d'évaluation du premier expert disqualifie la moyenne des résultats qu'il a obtenue, d'autre part, la valeur locative qu'il a retenue apparaît surestimée, tant au regard de la situation, en 2010, du marché de la vente de locaux d'activité industrielle, que du fait de la sous-estimation de la charge pour le preneur que représentent les frais d'entretien des bâtiments et de remise en état du site, inhérents à la particularité du bien en cause, qui consiste, sur un tènement de 9 559 m2, en un ensemble de 775 m2 de bureaux, 6 505 m2 de bâtiments à usage d'entrepôt ou d'activité industrielle soumise à autorisation au titre de la règlementation des installations classées pour la protection de l'environnement. Dans ces conditions, alors que la valeur vénale de 1 910 000 euros retenue par le second expert est très proche de celle à laquelle est parvenue le premier en appliquant la méthode de la valeur à neuf pondérée, il ne résulte pas de l'instruction que la cession en cause a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale du bien. En outre, et en tout état de cause, l'administration, à qui il n'appartient pas de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, ne peut utilement faire valoir que la société APS n'a tiré aucun intérêt de cette vente aux seuls motifs que, concomitamment, celle-ci a décidé la distribution d'un dividende exceptionnel de 1 600 000 euros à son actionnaire et qu'un bail commercial a été signé entre les deux sociétés selon lequel la société APS s'engage à verser à la société FRT un loyer annuel de 200 000 euros. L'administration n'établit donc pas que la vente en litige constitue un acte anormal de gestion de la société APS constitutif d'une subvention pour sa société mère. Il s'ensuit que la société FRT est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 2010 de la société APS qu'elle détient, la différence entre la valeur vénale réelle et le prix de cession de l'ensemble immobilier que lui a cédé cette dernière et que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à la remise en cause de son déficit reportable et à la décharge de l'amende susmentionnée auxquelles elle a été, en conséquence, assujettie au titre du même exercice.
4. Il résulte de ce qui précède, qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société FRT et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 avril 2017 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La société française de revêtements techniques (FRT) est fondée à demander le rétablissement de son déficit reportable au titre de l'année 2010 et la décharge de l'amende mise à sa charge en application du c du I de l'article 1763 du code général des impôts, pour défaut de déclaration de subventions indirectes.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société française de revêtements techniques (FRT) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société française de revêtements techniques (FRT) et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Souteyrand, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
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N° 17LY02335