Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2014 par lequel le maire de la commune d'Ambert a délivré un permis de construire à Mme G...A...pour régulariser la construction d'un abri de jardin d'une surface de 35 m² sur la parcelle YT30 au lieu dit Pommeyrol et, d'autre part, de condamner Mme A...et la commune d'Ambert à lui verser respectivement 8 000 euros et 50 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1500035 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 20 octobre 2014, a condamné la commune d'Ambert à verser à M. E... une somme de 2 000 euros en réparation des préjudices subis et a rejeté les conclusions indemnitaires dirigées contre Mme A...comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique respectivement enregistrés les 3 avril 2017 et 14 janvier 2019, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 janvier 2017 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de M. E...;
3°) de mettre à la charge de M. E...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
Sur la régularité du jugement :
- que le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas rouvert l'instruction pour communiquer un mémoire contenant une nouvelle pièce déterminante pour l'issue du litige ;
- que le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas relevé d'office l'irrecevabilité de la requête de M.E..., qui n'a pas fait l'objet de la notification prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- qu'il n'appartient pas à la commune saisie d'une demande d'autorisation d'urbanisme de vérifier la validité de l'attestation fournie par le pétitionnaire, sauf si elle dispose d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou que le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit à la déposer, ce qui n'était pas son cas.
Par des mémoires enregistrés les 31 octobre 2017, 7 décembre 2017, 8 décembre 2017 et 24 janvier 2019, M. B...E..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter la requête de MmeA... ;
2°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner la commune d'Ambert à lui verser 50 000 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...et de la commune d'Ambert une somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- qu'il a notifié son recours contentieux formé en première instance tant à Mme A...qu'à la commune d'Ambert ;
- que le tribunal n'était pas tenu de rouvrir l'instruction alors que la pièce de Mme A... pouvait être produite plus tôt et ne contenait aucun élément nouveau ;
Sur la recevabilité de l'appel :
- que Mme A...ne justifie pas avoir accompli pour sa requête d'appel les formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- que la commune d'Ambert disposait d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de l'attestation fournie par Mme A...ou faisant apparaître qu'elle ne disposait d'aucun droit à déposer la demande d'autorisation ;
- que la construction litigieuse méconnaît l'article NH 11 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de la surface couverte par une toiture à un pan ;
- que la construction litigieuse, qui fait obstacle à l'écoulement des eaux, méconnaît l'article NH 4 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- que Mme A...a opéré un décaissement important sans solliciter l'accord de la mairie ;
Sur l'appel provoqué :
- que la délivrance d'un permis de régularisation illégal a entraîné des retards dans la destruction de l'abri construit initialement sans autorisation et des retards dans la rénovation de sa propre habitation qui subit des dégradations du fait de l'implantation de l'abri en litige.
Par un courrier du 6 mars 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de M.E..., lesquelles se rattachent à un litige distinct et sa situation n'étant pas susceptible d'être aggravée par l'appel principal formé par MmeA....
Par un mémoire enregistré le 11 mars 2019, M. E...conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que l'appel principal de Mme A...n'a pu qu'aggraver son préjudice moral et financier.
Par un mémoire enregistré le 14 mars 2019, Mme A...conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.
Elle fait valoir que le préjudice allégué par M.E..., qui relève d'une supposée violation des limites de sa propriété, ne peut être aggravé par son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeF..., première conseillère,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteure publique,
- et les observations de Me Loiseau, avocate de MmeA..., et de M.E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...a édifié sans autorisation un abri de jardin de 35 m² sur la parcelle YT 30 dont elle est propriétaire au lieu dit Pommeyrol à Ambert. Le 26 septembre 2014, le maire de la commune d'Ambert a dressé un procès-verbal d'infraction. Le 29 septembre 2014, Mme A... a déposé une demande de permis de construire en vue de régulariser la construction litigieuse. Par un arrêté du 20 octobre 2014, le maire de la commune d'Ambert a délivré le permis de construire sollicité. M.E..., propriétaire de la parcelle voisine cadastrée YT 27, a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de conclusions à fin d'annulation et de conclusions indemnitaires. Mme A...relève appel du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi par M.E..., a annulé cet arrêté et condamné la commune d'Ambert à verser 2 000 euros de dommages et intérêts à M. E.... Par la voie de l'appel provoqué, M. E...demande la condamnation de la commune d'Ambert à lui verser 50 000 euros de dommages et intérêts.
Sur l'appel principal :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée du défaut de notification par Mme A...de sa requête d'appel ;
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. En premier lieu, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a pris connaissance et a visé le mémoire produit par Mme A...le 20 décembre 2016. Si ce mémoire contenait un rapport établi par un géomètre-expert-foncier, ledit rapport ne constituait pas une circonstance de fait dont Mme A...n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et n'était en outre pas susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Par suite, en décidant de ne pas rouvrir l'instruction afin de soumettre ledit mémoire au débat contradictoire, le tribunal, qui n'était pas tenu d'analyser les moyens qu'il contenait ni d'en faire mention dans les motifs du jugement attaqué, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".
5. En application de ces dispositions, il appartient à l'auteur d'un recours tendant à l'annulation d'un permis de construire d'adresser au greffe de la juridiction une copie du certificat de dépôt de la lettre recommandée adressée à l'auteur de la décision contestée et au titulaire de l'autorisation. Il appartient au juge, au besoin d'office, de rejeter le recours comme irrecevable, lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui, n'a pas justifié de l'accomplissement des formalités requises par les dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. E...a justifié de la notification de son recours contentieux tant à Mme A...qu'à la commune d'Ambert dans le délai imparti de quinze jours en versant les accusés de réception de ses courriers par une production enregistrée au greffe du tribunal le 20 mars 2015. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a statué irrégulièrement en ne s'assurant pas du respect par M. E...de cette formalité.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
7. Il résulte du a) de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme que les demandes de permis de construire et les déclarations préalables sont adressées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés, notamment, " par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La déclaration préalable précise : a) L'identité du ou des déclarants ; (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. ".
8. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter, en vertu de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une déclaration ou d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude.
9. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle déclaration ou d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de s'opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...a assorti sa demande de permis de construire de deux versions du plan cadastral, la version officielle en vigueur et correspondant au plan de remembrement publié le 14 mai 2001, devenu définitif, sur laquelle Mme A...a apposée la mention " état du plan cadastral erroné ", et une version du plan cadastral modifiée par la pétitionnaire avec la mention " état du plan cadastral après vérification limite de propriété sur place (relevé état des lieux du mur de clôture) ". Selon la version officielle du plan cadastral, une partie de l'assiette du projet de construction était située sur la parcelle de M. E...et selon la version modifiée par MmeA..., cette bande de terrain était intégrée à la parcelle de la pétitionnaire. Il ressortait ainsi clairement du dossier de demande de permis de construire que Mme A...avait elle-même modifié le plan cadastral après avoir simplement procédé à un " relevé de l'état des lieux ". En outre, par des courriers des 22 et 25 septembre 2014, M. E...avait informé la commune d'Ambert de ce que l'abri construit sans autorisation par Mme A...était situé en partie sur sa parcelle. Ainsi, le maire de la commune d'Ambert disposait au moment où il a statué sur la demande de permis de construire, sans avoir à procéder à une instruction, d'informations faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que Mme A...ne disposait pas des droits à déposer cette demande au sens de l'article R 423-1 du code de l'urbanisme. Par suite, il revenait au maire de la commune d'Ambert de refuser la demande de permis pour ce motif.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du maire de la commune d'Ambert du 20 octobre 2014 et a condamné la commune à verser 2 000 euros de dommages et intérêts à M.E....
Sur l'appel provoqué :
12. L'appel provoqué formé par M.E..., qui présente des conclusions indemnitaires dirigées contre la commune d'Ambert, constitue un litige distinct de celui sur lequel porte l'appel principal de MmeA..., relatif à la légalité du permis de construire. Par suite, il est irrecevable et doit être rejeté.
Sur les frais de l'instance :
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A...au titre des frais exposés par elle dans le présent litige.
14. Ces dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ambert, qui n'est pas partie dans la présente instance d'appel, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. E...dans le présent litige.
15. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M.E....
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...et les conclusions de M. E...dirigées contre la commune d'Ambert sont rejetées.
Article 2 : Mme A...versera à M. E...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeG... A... et à M. B... E.... Copie sera adressée pour information à la commune d'Ambert.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
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N° 17LY01421