Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Domaine de la Tour a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes, et, d'autre part, la décharge des mêmes droits, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 et des pénalités correspondantes, la décharge de la retenue à la source prélevée au titre de l'année 2009 et la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à tort au titre du mois de février 2012.
Par un jugement n° 1506101-1604963 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir déchargé la société des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2010 en raison de la cession d'un terrain à bâtir, et mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2017, la SCI Domaine de la Tour, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie et des pénalités correspondantes ainsi que la décharge des pénalités laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la motivation de la proposition de rectification était insuffisante ;
- la question de savoir si l'apport de 700 000 euros par les comptes courants des associées de la SCI traduit d'abord un profit de la SCI Domaine de la Tour pose une question de fait qui entrait dans le champ de la compétence de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, de sorte qu'en l'absence de saisine de cette instance, la procédure est irrégulière ;
- l'existence du bénéfice social revendiqué par le service à l'appui de sa demande de substitution de base légale constituait une condition nécessaire de l'imposition à la retenue à la source, ce qui suffisait à fonder la compétence de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la somme de 700 000 euros qui est en cause n'a pas été prélevée sur le patrimoine de la SCI Domaine de la tour mais a été prélevée sur le patrimoine des deux soeursD..., lesquelles tiennent cette somme de leurs deux parents, qui la tiennent, pour leur part, du produit de la vente d'un immeuble appartenant à la SCI Rhône-Alpes, dont les époux A...sont seuls associés ;
- les dispositions du 2° de l'article 109 1 du code général des impôts ne pouvaient être substituées à celles du c de l'article 111 dès lors qu'il n'existe aucun désinvestissement au détriment du patrimoine de la SCI Domaine de la Tour ;
- en l'absence de distribution, elle n'était pas redevable de la retenue à la source.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré du défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par la SCI Domaine de la Tour ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la SCI Domaine de la Tour ;
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a joint les demandes de la SCI Domaine de la Tour tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes, et, d'autre part, à la décharge des mêmes droits, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 et des pénalités correspondantes, à la décharge de la retenue à la source prélevée au titre de l'année 2009 et à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à tort au titre du mois de février 2012. Après avoir déchargé la société des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2010 en raison de la cession d'un terrain à bâtir, et mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il a rejeté le surplus de ses conclusions. La société relève appel de ce jugement en tant qu'il porte sur la retenue à la source laissée à sa charge, et les majorations correspondantes, et sur les pénalités qui lui ont été infligées.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. Il ressort de la lecture de la proposition de rectification du 17 décembre 2012 que ce document, qui mentionne l'année et les impôts concernés indique que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SCI Domaine de la Tour, l'examen du compte bancaire de la société ainsi que le droit de communication exercé auprès de l'établissement financier ont fait apparaître que cette société avait encaissé un chèque de 700 000 euros en lieu et place de la SCI Rhône-Alpes et a mis à la disposition respective de Mme D... et de Mme B..., par l'intermédiaire de leur compte courant d'associé, la somme de 350 000 euros. Il précise qu'en vertu d'une jurisprudence constante, les sommes inscrites au crédit des comptes courants d'associés sont présumées constituer des revenus distribués et que l'inscription de ces sommes au crédit du compte courant d'associé prouve leur appréhension par les titulaires des comptes courants. Il précise également que l'une des bénéficiaires de ces distributions étant Mme F...B..., résidente des Pays-Bas, les sommes réputées distribuées, sont soumises à la retenue à la source par application des dispositions de l'article 119 bis 2 du code général des impôts, dont le taux est limité à 15 % par l'article 10 de la convention fiscale entre la France et les Pays-Bas. Ces éléments, dépourvus d'ambiguïté, étaient suffisants pour mettre les contribuables à même de comprendre les motifs des redressements. La proposition de rectification indiquait par ailleurs l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base d'imposition. Une telle motivation répondait aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Les critiques développées par ailleurs contre la proposition de rectification du 18 février 2013 ne sauraient être utilement invoquées par la société appelante, dès lors que les impositions qu'elle conteste lui ont été notifiées par proposition de rectification du 17 décembre 2012. La motivation des pénalités n'a pas, pour sa part, à satisfaire aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article R. 59-1 du même code : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. (...) ".
5. Ainsi qu'il vient d'être indiqué, les rectifications dont procèdent les impositions en litige ont été notifiées à la société par proposition de rectification du 17 décembre 2012 et confirmées le 26 décembre 2013. Postérieurement, d'autres rectifications, qui ne sont plus en litige, lui ont été notifiées par proposition de rectification du 18 février 2013, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Ces dernières rectifications ont été refusées le 12 mars 2013, l'administration ayant répondu aux observations de la contribuable le 7 mai 2013. Si la société a, s'agissant de ces dernières rectifications, demandé le 16 mai 2013 la saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, cette demande, qui, en toute hypothèse, a été formée après l'expiration du délai prévu par l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales pour ce qui concerne les impositions notifiées par la proposition de rectification du 17 décembre 2012, ne portait pas sur les impositions en litige dans le cadre de la présente instance, cantonnée à la retenue à la source. L'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires n'a pu, dès lors, affecter la régularité de la procédure d'imposition.
6. En outre, et en tout état de cause, tant la retenue à la source que les revenus de capitaux mobiliers échappent à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires énoncée par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales.
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen, pris en toutes ses branches, tiré du défaut de saisine de cette commission ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
S'agissant du principe de l'imposition :
8. Aux termes aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ". Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
9. Les premiers juges ont considéré que l'administration ne pouvait imposer, entre ses mains, une somme inscrite au crédit du compte courant d'associé de Mme B... sur le seul fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, mais ils ont considéré que le 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts pouvait également fonder la qualification de ces sommes en revenus distribués. Contrairement à ce qui est soutenu, la validité de ce fondement légal, qui ne privait la contribuable d'aucune garantie, n'était pas conditionnée à la démonstration d'un désinvestissement au détriment de la SCI Domaine de la Tour ou d'un transfert injustifié de créances, ce fondement légal permettant d'imposer non seulement les rehaussements opérés en cas d'exercices déficitaires qui n'ont pas entraîné d'imposition effective à l'impôt sur les sociétés ou certaines opérations juridiques se traduisant en fait par un désinvestissement en faveur d'un associé, mais aussi les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes interposées. Mme B... ayant, en 2009, bénéficié de l'inscription d'une somme de 350 000 euros au crédit de son compte courant d'associée de la SCI Domaine de la Tour, cette somme pouvait être qualifiée de revenu distribué sur le fondement du 2° de l'article 109 1. du code général des impôts, qui permet de présumer la mise à disposition de cette somme à l'intéressée, à charge pour la société appelante, et non pour l'administration, de démontrer soit l'indisponibilité en droit ou en fait de la somme ainsi créditée, soit l'absence de qualification de revenu de cette somme créditée, par exemple lorsqu'elle a une contrepartie.
10. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1., la SCI Domaine de la Tour, soumise à l'impôt sur les sociétés, a encaissé, le 22 juin 2009 un chèque de 700 000 euros établi le 19 juin 2009 à l'ordre de la SCI Rhône-Alpes, société de personnes dont les parents de Mme B... sont les seuls associés. Le 29 juin suivant, une somme de 350 000 euros était inscrite au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de Mme B... dans les écritures de la SCI Domaine de la Tour, et une somme de même montant au compte courant d'associée de sa soeur. Selon la société appelante, cette inscription, qui ne correspond pas à une somme prélevée sur les bénéfices de la SCI Domaine de la Tour, correspond en réalité à la remise soit par M. et Mme A..., principaux associés de la SCI Rhône-Alpes, soit directement par cette dernière société, d'une somme de 700 000 euros provenant de la vente d'un bien immobilier à leurs deux filles, qui ont disposé de cette somme en l'apportant à la SCI Domaine de la Tour, l'écriture ayant servi à fonder la rectification contestée ne reflétant que la constatation de la dette ainsi contractée par cette dernière société vis-à-vis de ses associées.
11. Il n'est, tout d'abord, nullement démontré que la somme en cause correspondrait au produit de la cession d'un immeuble, alors que les extraits de la comptabilité de la SCI Rhône-Alpes font apparaître que cette vente a donné lieu à l'encaissement d'une somme de 1 000 000 euros sur le compte ouvert au nom de la SCI Rhône-Alpes auprès de la banque Martin Maurel, ce qui n'apparaît pas compatible avec la provenance alléguée de la somme de 700 000 euros encaissée sur le compte bancaire de la SCI Domaine de la Tour. Il ne saurait, ensuite, résulter du simple fait que la gérante de la SCI a matériellement détenu le chèque en cause, qui n'était pas établi à son nom mais à celui de la SCI Rhône-Alpes, qu'elle aurait été propriétaire de la somme mentionnée sur ce chèque et aurait pu en disposer. L'encaissement par la SCI Domaine de la Tour d'un chèque libellé à l'ordre de la SCI Rhône-Alpes, s'il peut correspondre à un prêt ou à une libéralité de celle-ci à celle-là ne saurait, par lui-même et sans éléments susceptibles de démontrer qu'il en va autrement faire la preuve de ce qu'il correspondrait à une avance faite par une associée de la seule SCI Domaine de la Tour à cette dernière société. Enfin, et contrairement, là encore à ce qui est soutenu, l'inscription de la somme de 350 000 euros au compte courant d'associée de Mme B... ne révèle pas, par elle-même et en l'absence de tout document allant en ce sens, l'existence d'une prêt consenti par l'associée à la société. La société appelante n'est donc pas fondée à soutenir que la somme portée au crédit du compte courant d'associée de Mme B... trouverait sa contrepartie dans un prêt consenti à la SCI Domaine de la Tour par l'intéressée, qui aurait ainsi disposé du produit d'une vente d'immeuble réalisée par la SCI Rhône-Alpes, dont elle n'est pourtant pas associée. Dès lors, rien ne vient corroborer les affirmations de la société appelante.
12. Il résulte de ce qui précède que la SCI Domaine de la Tour n'est pas fondée à soutenir que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé de Mme B... ne correspondaient pas à des revenus distribués à l'intéressée, imposables par applications des dispositions du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Dès lors qu'il est constant que le domicile fiscal de l'intéressée ne se situait pas en France, ces sommes étaient passibles de la retenue à la source prévue par les dispositions précitées de l'article 119 bis de ce code.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Domaine de la Tour n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Domaine de la Tour est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Domaine de la Tour et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
N° 17LY04105