Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Concorde a demandé au tribunal administratif de prononcer la décharge de l'amende fiscale d'un montant de 6 000 euros qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts.
Par un jugement n° 1504379 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2017, la SCI Concorde, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2017 ;
2°) de la décharger de cette amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a jamais tenu de comptabilité informatisée et s'est bornée à présenter des livres aux pages numérotées sur lesquels elle a inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas, conformément aux obligations qui lui sont faites par l'article 286 du code général des impôts ;
- l'administration a admis dans ses publications sur le site impots.gouv.fr (Questions / Réponses 9-Q 5, 19-12-2014 reprise par la doctrine (BOI-CF-IOR-60-40-10 n° 55, 7-6-2017) que les SCI soumises exclusivement aux revenus fonciers et qui ne comportent que des associés personnes physiques sont dispensées de présenter un fichier des écritures comptables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2019.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés de la méconnaissance du champ d'application de l'article 1729 D du code général des impôts.
Le 14 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a produit des observations en réponse à ces moyens.
Le 20 février 2019, la SCI Concorde a produit des observations en réponse à ces moyens et aux observations du ministre.
Elle maintient ses conclusions précédentes et précise que le service ajoute donc à la loi en prétendant multiplier le montant de l'amende par le nombre d'exercices vérifiés, alors que l'amende légalement encourue au titre d'un défaut de présentation de la comptabilité ne saurait excéder 1 500 euros.
Le ministre a produit de nouvelles observations le 27 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'arrêté du 29 juillet 2013 portant modification des dispositions de l'article A. 47 A-1 du livre des procédures fiscales relatif aux normes de copies des fichiers sur support informatique ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SCI Concorde ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Concorde, qui exerce une activité de location d'immeubles nus, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'amende de 6 000 euros qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts, au motif qu'elle n'avait pas été en mesure de remettre au vérificateur, au début des opérations de vérification de sa comptabilité, une copie des fichiers de ses écritures comptables telle que prévue par le 1. de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Elle fait appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette amende.
Sur la soumission de la SCI Concorde à l'obligation de représentation de documents comptables sous forme dématérialisée :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa version issue de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 : " I.-Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. / Le premier alinéa du présent article s'applique également aux fichiers des écritures comptables de tout contribuable soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa du même article 54 et dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. ".
3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 172 bis du code général des impôts ainsi que des dispositions des articles 46 B à D de l'annexe III du même code, prises pour leur application, qu'afin d'examiner les documents et pièces justificatives, notamment les documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses, que doivent tenir les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés, l'administration peut légalement procéder à des contrôles sur place. Une société civile immobilière peut également faire l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle a opté pour cet impôt et est tenue, en vertu du 3° et du 4° de l'article 286 du code général des impôts de produire sur demande de l'administration fiscale toutes justifications nécessaires à la détermination des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée.
4. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de représentation des documents comptables prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales est applicable à une société civile immobilière non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donne ses immeubles en location et qui a opté pour la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que sa comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés.
5. Au cours des opérations de contrôle, le vérificateur a constaté que la comptabilité de la SCI Concorde était tenue sous forme dématérialisée au moyen d'un logiciel comptable Cegid. Le mandataire de la société a, au cours du contrôle, et ainsi que cela résulte du document daté du 15 mai 2014 et du procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité du 20 juin 2014 signés par la vérificatrice et le représentant de la requérante, indiqué qu'il n'avait pas été possible de procéder à l'extraction des fichiers des écritures comptables conformes aux normes prévues par l'article A 47 A-1 du livre des procédures fiscales du fait de l'ancienneté du logiciel comptable utilisé. Si la société soutient désormais qu'elle n'a jamais tenu de comptabilité informatisée, ne possédant ni ordinateur ni logiciel comptable, elle n'apporte aucun début d'explication sur les indications qui ont été données par son représentant, sur les constats faits par le vérificateur, ni sur la provenance des impressions de fichiers informatiques produits lors du contrôle. Dès lors, ses affirmations les plus récentes, qui contredisent ses affirmations primitives et que rien ne vient corroborer ne peuvent être tenues pour établies.
6. Il résulte de ce qui précède que la SCI Concorde, société civile immobilière non soumise à l'impôt sur les sociétés, qui donnait ses immeubles en location et qui a opté pour la taxe sur la valeur ajoutée, doit être regardée comme ayant tenu sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés. Elle était, par suite, soumise à l'obligation de représentation des documents comptables prévue par les dispositions du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
7. Si le bulletin officiel des finances publiques référencé BOI-CF-IOR-60-40-10 n° 55 indique que, par mesure de tolérance, les sociétés civiles immobilières soumises exclusivement aux revenus fonciers et qui ne comportent que des associés personnes physiques sont dispensées de fournir un fichier des écritures comptables, cette dispense ne saurait s'appliquer à une SCI dont l'un des associés est une personne morale.
8. La SCI Concorde, dont les trois associés sont une personne morale et deux personnes physiques, a formulé, le 9 novembre 1992, une option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers issus de la location de son immeuble situé à Eybens. Elle était au nombre des contribuables soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du même code, et n'entrait pas dans les prévisions de la doctrine dispensant certaines SCI de cette obligation.
Sur l'application de la sanction :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 D du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur entre le 31 décembre 2013 et le 10 août 2014 : " Le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales est passible d'une amende égale (...) à 1 500 euros. ". Le I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales renvoie à un arrêté du ministre chargé du budget concernant la fixation des normes auxquelles doit répondre la forme dématérialisée de présentation des documents comptables qu'il prévoit. L'arrêté du 29 juillet 2013 portant modification des dispositions de l'article A. 47 A-1 du livre des procédures fiscales relatif aux normes de copies des fichiers sur support informatique a fixé ces normes. Selon l'article 3 de cet arrêté : " Le respect des normes définies à l'article 1er est obligatoire pour les contrôles des exercices clos à compter du 1er janvier 2013 effectués en application de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. L'application de ces nouvelles normes est facultative pour les exercices clos antérieurement. ". Il résulte, dès lors, de la combinaison des dispositions du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de l'article 1729 D du code général des impôts et de l'article 3 de l'arrêté du 29 juillet 2013, qu'eu égard au caractère facultatif du respect des normes définies en 2013 pour les exercices clos avant le 1er janvier 2013, les contrôles portant sur une période antérieure au 1er janvier 2013 ne peuvent donner lieu à l'application de la sanction prévue par l'article 1729 D du code général des impôts. Contrairement à ce que soutient le ministre, et eu égard à la rédaction de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, auquel renvoie l'article 1729 D du code général des impôts, le défaut de présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée ne pouvait, pour l'application de l'amende, être envisagé indépendamment de la définition des normes auxquelles cette forme dématérialisée devait obéir. Si, devant les premiers juges, le ministre avait fait valoir que l'obligation posée par le I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales concernait tous les contribuables astreints à des obligations fiscales et comptables et dont la comptabilité était tenue au moyen de systèmes informatisés recevant un avis de vérification de comptabilité à compter du 1er janvier 2014, il n'en demeure pas moins que, pour les motifs qui viennent d'être exposés, cette obligation ne pouvait donner lieu à application de l'amende instituée par l'article 1729 D du code général des impôts pour les exercices clos avant le 1er janvier 2013.
10. Il résulte des énonciations de la proposition de rectification du 30 juin 2014 que l'amende mentionnée à l'article 1729 D du code général des impôts a été appliquée pour chacun des exercices pour lequel le fichier des écritures comptables n'avait pas été remis au vérificateur, c'est-à dire les " exercices 2011, 2012 et 2013 " et " l'exercice ouvert le 01/01/2014 ". Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration n'a pu, sans en méconnaître le champ d'application, appliquer les dispositions de l'article 1729 D du code général des impôts, au titre des " exercices 2011 et 2012 ", période antérieure au 1er janvier 2013. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, sa décision doit, dans cette mesure être annulée et la SCI Concorde déchargée de l'amende qui lui a été infligée à ce titre.
11. En deuxième lieu, par décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les 1° et 2° de l'article 1729 D du code général des impôts, et, au 3° du même article, les mots : " lorsque le montant de l'amende mentionnée aux 1° et 2° est inférieur à cette somme " figurant dans la loi de finances pour 2014. Ces dispositions fixaient le montant de l'amende à un pourcentage du chiffre d'affaires par exercice ou par année soumise à contrôle. Leur abrogation a eu pour conséquence que la sanction, désormais prévue par le seul 3° de l'article 1729 D du code général des impôts, ne saurait s'appliquer par année ou par exercice soumis au contrôle mais revêt, pour la période en litige, un caractère entièrement forfaitaire. Il en résulte que l'administration ne pouvait légalement appliquer de façon cumulative les dispositions de l'article 1729 D du code général des impôts, au titre, d'une part, de l'exercice 2013 et, d'autre part, de l'exercice ouvert en 2014. Par suite la SCI Concorde doit également être, dans cette mesure, déchargée de l'amende qui lui a été infligée.
12. Pour le surplus, la société, soumise à l'obligation de représentation des documents comptables prévue par les dispositions du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, n'a pas été en mesure de présenter les fichiers correspondants au cours des opérations de contrôle. Ce défaut de présentation a été constaté par procès-verbal dressé le 20 juin 2014 et signé par le représentant de la société. Par application des dispositions précitées de l'article 1729 D du code général des impôts, l'administration était fondée à lui infliger une amende de 1 500 euros au titre de la période postérieure au 1er janvier 2013 vérifiée.
13. Il résulte de ce qui précède que la SCI Concorde, est seulement fondée, dans les limites exposées ci-dessus, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La SCI Concorde est déchargée, à hauteur d'une somme de 4 500 euros, de l'amende fiscale qui lui a été infligée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Concorde la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la requête de la SCI Concorde sont rejetées pour le surplus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Concorde et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
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N° 17LY04017
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