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02/04/2019 | FRANCE | N°17LY00195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 avril 2019, 17LY00195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune d'Avon et des pénalités correspondantes, et d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités co

rrespondantes.

Par un jugement nos 1403738, 1600640 du 24 novembre 2016, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune d'Avon et des pénalités correspondantes, et d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1403738, 1600640 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 janvier 2017, le 19 mai 2017, le 27 septembre 2017 et le 16 octobre 2017, un mémoire récapitulatif enregistré le 4 décembre 2018, et un nouveau mémoire enregistré le 15 janvier 2019, M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge, à défaut la réduction de ces impositions ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification adressée à Mme D... n'était pas motivée de manière à lui permettre de formuler utilement des observations sur l'identification de l'origine et des bénéficiaires des sommes et sur le point de savoir si " les sommes proviennent effectivement de la SCI Domaine de la Tour " et ne permettait pas d'identifier le fondement juridique exact des rectifications ;

- en l'absence de mention, de copie de la proposition de rectification adressée à la société ou de reproduction des motifs des redressements sociaux, la motivation de la proposition de rectification est insuffisante ;

- la somme de 350 000 euros dont il est établi qu'elle a été prélevée sur les bénéfices de la SCI Rhône-Alpes ne peut pas être taxée comme un revenu distribué par la SCI Domaine de la Tour ; les rappels ont donc été établis dans une catégorie inappropriée ;

- la somme de 700 000 euros qui est en cause n'a pas été prélevée sur le patrimoine de la SCI Domaine de la Tour mais a été prélevée sur le patrimoine des deux soeursD..., lesquelles tiennent cette somme de leurs deux parents, qui la tiennent, pour leur part, du produit de la vente d'un immeuble appartenant à la SCI Rhône-Alpes, dont les époux B...sont seuls associés ;

- les dispositions de l'article 111 c ne sont pas applicables, la distribution envisagée ne présentant aucun caractère occulte ;

- les dispositions du 2° de l'article 109 1 du code général des impôts ne peuvent être substituées à celles du c de l'article 111 dès lors qu'il n'existe aucun désinvestissement au détriment du patrimoine de la SCI Domaine de la Tour ;

- la trésorerie de la SCI Domaine de la Tour étant fortement négative, la somme portée au crédit du compte d'associé de Mme D... n'était pas disponible en 2009 et n'est donc pas imposable au titre de cette année-là ;

- dès lors qu'ils n'étaient pas résidents de France à la date de la distribution supposée, l'imposition dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers ne saurait excéder 15 % du montant brut des dividendes, ainsi qu'il est prévu par le b) du 2) de l'article 10 de la convention franco américaine du 31 août 1994 ;

- l'administration a appliqué à tort une majoration de 25 % aux bases des rappels de contributions sociales, alors qu'une telle majoration a été déclarée incompatible avec la Constitution, ce que le tribunal aurait dû relever d'office ;

- l'administration n'a pas démontré le bien-fondé des pénalités appliquées ;

- ces pénalités ne sont pas motivées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 mars 2017, le 18 septembre 2017 et le 12 octobre 2017, un mémoire récapitulatif enregistré le 9 novembre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 4 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2019, la clôture d'instruction a été reportée au 23 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention signée le 31 août 1994 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République française, destinée à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. et Mme D... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2019, présentée par M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit ;

1. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 24 novembre 2016, par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes, et d'autre part, à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, et des pénalités correspondantes. Invitées à produire le mémoire récapitulatif prévu par les dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, les parties ont déféré à cette demande, l'administration, puis les appelants, ayant ensuite complété leurs écritures par un nouveau mémoire, de sorte que les conclusions et moyens non repris dans leur mémoire récapitulatif sont réputés abandonnés.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 19 juin 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a accordé à M. et Mme D... un dégrèvement d'un montant total de 16 093 euros en droits et pénalités, correspondant aux contributions sociales et pénalités afférentes à la majoration de 25 % de la base des contributions en question. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet, tout comme les moyens correspondants, y compris ceux dirigés contre la régularité du jugement. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. Il ressort de la lecture de la proposition de rectification du 18 décembre 2012 que ce document, qui mentionne l'année et les impôts concernés indique que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SCI Domaine de la Tour, l'examen du compte bancaire de la société dont Mme D... est associée ainsi que le droit de communication exercé auprès de l'établissement financier ont fait apparaître que cette société avait encaissé un chèque de 700 000 euros en lieu et place de la SCI Rhône-Alpes et mis à la disposition de Mme D..., par l'intermédiaire de son compte courant la somme de 350 000 euros. Il précise que l'inscription, le 29 juin 2009, au crédit du compte courant d'associé de Mme D... de la somme de 350 000 euros, constitue un avantage occulte et que les rémunérations et avantages occultes sont considérés, en vertu de l'article 111 c du code général des impôts, comme des revenus distribués. Il indique enfin qu'en vertu d'une jurisprudence constante, les sommes inscrites au crédit des comptes courants d'associés sont présumées constituer des revenus distribués. Ces éléments, dépourvus d'ambiguïté, étaient suffisants pour mettre les contribuables à même de comprendre les motifs des redressements.

5. En particulier, si la proposition de rectification évoque la présomption posée par les dispositions des articles 109 1. et suivants du code général des impôts, il ressort clairement des termes utilisés par le vérificateur qu'il entendait initialement fonder les rectifications sur l'article 111 c de ce code, M. et Mme D... n'étant, dès lors, pas fondés à soutenir que la mention de l'article 109 1. aurait pu être à l'origine d'une quelconque confusion. La circonstance que la base légale ayant permis l'imposition des revenus en cause a été modifiée du fait de la substitution de base légale opérée par le tribunal n'a pas pour effet d'entacher d'insuffisance de motivation la proposition de rectification adressée aux contribuables.

6. S'il est, en dernier lieu, fait grief à la proposition de rectification de ne pas faire référence à un rehaussement du bénéfice social, il ressort des motifs de la rectification, qui ont été rappelés au point 4, que l'imposition procède des conséquences qu'a tirées le vérificateur du constat d'une écriture portée au crédit du compte courant d'associé de Mme D... et nullement d'une rectification apportée au bénéfice social de la SCI Domaine de la Tour. Dès lors, la référence à une proposition de rectification adressée à la société et à un rehaussement du bénéfice social est dépourvue de toute pertinence.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du principe de l'imposition :

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

8. Faisant droit à l'argumentation qui lui était soumise par M. et Mme D..., les premiers juges ont considéré que l'administration ne pouvait imposer, entre leurs mains, une somme inscrite au crédit du compte courant d'associé de Mme D... sur le seul fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que cette somme ne présentait pas le caractère d'une rémunération ou d'un avantage occulte. Ils ont cependant également fait droit à la demande de substitution de base légale présentée par l'administration dès lors qu'ils considéraient que le 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts pouvait également fonder les rectifications et ne privait les contribuables d'aucune garantie. Contrairement à ce qui est soutenu, et en tout état de cause, ce fondement légal ne figurait pas initialement dans la proposition de rectification, qui se bornait à faire référence à la présomption prévue par les articles 109 1. et suivants du code général des impôts. En outre, cette substitution n'était pas conditionnée à la démonstration d'un désinvestissement au détriment de la SCI Domaine de la Tour ou d'un transfert injustifié de créances, ce fondement légal permettant d'imposer non seulement les rehaussements opérés en cas d'exercices déficitaires qui n'ont pas entraîné d'imposition effective à l'impôt sur les sociétés ou certaines opérations juridiques se traduisant en fait par un désinvestissement en faveur d'un associé, mais aussi les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes interposées. Mme D... ayant, en 2009, bénéficié de l'inscription d'une somme de 350 000 euros au crédit de son compte courant d'associé de la SCI Domaine de la Tour, cette somme pouvait être réintégrée par l'administration dans ses revenus imposables sur le fondement du 2° de l'article 109 1. du code général des impôts, qui permet de présumer la mise à disposition de cette somme à l'intéressée, à charge pour cette dernière, et non pour l'administration, de démontrer soit l'indisponibilité en droit ou en fait de la somme ainsi créditée, soit l'absence de qualification de revenu de cette somme créditée, par exemple lorsqu'elle a une contrepartie.

9. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1. la SCI Domaine de la Tour, soumise à l'impôt sur les sociétés, a encaissé, le 22 juin 2009 un chèque de 700 000 euros établi le 19 juin 2009 à l'ordre de la SCI Rhône-Alpes, société de personnes dont Mme D... est la gérante et dont ses parents sont les seuls associés. Le 29 juin suivant, une somme de 350 000 euros était inscrite au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de Mme D... dans les écritures de la SCI Domaine de la Tour, et une somme de même montant au compte courant d'associé de sa soeur. Selon M. et Mme D..., cette inscription, qui ne correspond pas à une somme prélevée sur les bénéfices de la SCI Domaine de la Tour, correspond en réalité à la remise soit par M. et Mme B..., principaux associés de la SCI Rhône-Alpes, soit directement par cette dernière société, d'une somme de 700 000 euros provenant de la vente d'un bien immobilier à leurs deux filles, qui ont disposé de cette somme en l'apportant à la SCI Domaine de la Tour, l'écriture ayant servi à fonder la rectification contestée ne reflétant que la constatation de la dette ainsi contractée par cette dernière société vis-à-vis de Mme D....

10. Il n'est, tout d'abord, nullement démontré que la somme en cause correspondrait au produit de la cession d'un immeuble, alors que les extraits de la comptabilité de la SCI Rhône-Alpes font apparaître que cette vente a donné lieu à l'encaissement d'une somme de 1 000 000 euros sur le compte ouvert au nom de la SCI Rhône-Alpes auprès de la banque Martin Maurel, ce qui n'apparaît pas compatible avec la provenance alléguée de la somme de 700 000 euros encaissée sur le compte bancaire de la SCI Domaine de la Tour. Il ne saurait, ensuite, résulter du simple fait que Mme D... a matériellement détenu le chèque en cause, qui n'était pas établi à son nom mais à celui de la SCI Rhône-Alpes, qu'elle aurait été propriétaire de la somme mentionnée sur ce chèque et aurait pu en disposer. L'encaissement par la SCI Domaine de la Tour d'un chèque libellé à l'ordre de la SCI Rhône-Alpes, s'il peut correspondre à un prêt ou à une libéralité de celle-ci à celle-là ne saurait, par lui-même et sans éléments susceptibles de démontrer qu'il en va autrement faire la preuve de ce qu'il correspondrait à une avance faite par une associée de la seule SCI Domaine de la Tour à cette dernière société. Enfin, et contrairement, là encore à ce qui est soutenu, l'inscription de la somme de 350 000 euros au compte courant d'associé de Mme D... ne révèle pas, par elle-même et en l'absence de tout document allant en ce sens, l'existence d'une prêt consenti par l'associée à la société. M. et Mme D... ne sont donc pas fondés à soutenir que la somme portée au crédit du compte courant d'associé de l'appelante trouverait sa contrepartie dans un prêt consenti à la SCI Domaine de la Tour par Mme D..., qui aurait ainsi disposé du produit d'une vente d'immeuble réalisée par la SCI Rhône-Alpes, dont elle n'est pourtant pas associée. Rien ne vient donc corroborer les affirmations des appelants.

11. Les appelants soutiennent également que la situation de trésorerie de la SCI Domaine de la Tour ne permettait pas de prélever la somme en cause et d'en disposer. Il résulte de l'instruction que le compte bancaire n° 85002416064 ouvert par la SCI Domaine de la Tour auprès du Crédit Agricole présentait un découvert de 959 899 euros au 1er janvier 2009 et de 289 232,59 euros au 30 juin 2009. Rien ne permet de considérer que ce solde était encore négatif au 31 décembre 2009. En outre et surtout, il résulte de l'instruction que la SCI bénéficiait, auprès de cet établissement, d'une autorisation de découvert s'élevant à la somme de 960 000 euros. Si M. et Mme D... soutiennent, sans plus de précision, que cette autorisation de découvert était ancienne, le relevé bancaire du 30 juin 2009 qu'ils ont eux-mêmes versé aux débats en fait pourtant état, de sorte que leur argumentation sur ce point ne saurait être admise, en dépit de la mention d'une somme de 900 000 euros dans les écritures de l'administration, laquelle est démentie par le document émanant de l'établissement bancaire lui-même. Par suite, le moyen tiré de ce que des circonstances indépendantes de sa volonté auraient empêché Mme D... de prélever la somme de 350 000 euros inscrite au crédit de son compte courant d'associé avant le 31 décembre 2009, cette somme s'avérant, de fait, indisponible, doit être écarté.

12. Si les appelants soutiennent également que l'inscription de la somme de 350 000 euros au crédit du compte courant d'associé de Mme D... ne traduit pas la distribution de bénéfices de la SCI Domaine de la Tour, mais seulement un prélèvement opéré par Mme D..., en sa qualité de gérante de la SCI Rhône-Alpes, sur les liquidités de cette société et que les fonds détournés par le gérant d'une société au détriment de celle-ci constituent pour l'intéressé des sommes imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts, les sommes détournées qui s'élèvent en réalité à 700 000 euros, ont été encaissées sur le compte bancaire de la SCI Domaine de la Tour et non directement appréhendées par Mme D..., qui n'en a appréhendé que la moitié à travers l'inscription au crédit de son compte courant d'associé. La circonstance que les fonds détournés par le gérant d'une société soient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ne saurait donc faire obstacle à l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé à la suite du détournement, par Mme D..., au détriment de la SCI Rhône-Alpes, de sommes appartenant à cette dernière société. M. et Mme D... ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'administration se serait méprise sur la catégorie d'imposition.

S'agissant du taux de l'imposition :

13. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ". Aux termes de l'article 10 de la convention franco-américaine du 31 août 1994 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a) 5 pour cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société qui détient : i) directement ou indirectement au moins 10 pour cent du capital de la société qui paie les dividendes lorsque celle-ci est un résident de France ; / ii) directement au moins 10 pour cent des droits de vote dans la société qui paie les dividendes lorsque celle-ci est un résident des États-Unis ; / b) 15 pour cent du montant brut des dividendes dans tous les autres cas ". Seuls peuvent se prévaloir de la convention franco-américaine, les contribuables qui sont imposables dans l'un ou l'autre Etat en qualité de résident. Ainsi, seuls les contribuables ayant la qualité de résident des États-Unis peuvent revendiquer l'application, à des revenus de capitaux mobiliers versés par une société française et imposables en France, du taux prévu par les stipulations précitées. M. et Mme D... revendiquent, en l'espèce le bénéfice du b) du 2. de l'article 10 de la convention bilatérale, et l'application aux revenus de capitaux mobiliers tirés de la SCI Domaine de la Tour, du taux de 15 % qu'il prévoit.

14. Dès lors que les revenus de capitaux mobiliers en litige sont des revenus de source française, M. et Mme D... sont, quel que soit le lieu de leur domicile fiscal, passibles de l'impôt sur le revenu à raison de ces revenus en application des dispositions précitées de l'article 4 A du code général des impôts.

15. Aux termes de l'article 4 de la convention franco-américaine du 31 août 1994 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son siège social, ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ". Il résulte de ces stipulations que l'exercice d'une activité à l'étranger ne confère pas nécessairement, par lui-même, la qualité de résident fiscal du pays au sein duquel cette activité est exercée.

16. Il ressort de l'examen des documents de nature fiscale produits en première instance par le couple appelant, au soutien du moyen tendant à l'application du b) du 2. de l'article 10 de la convention bilatérale, que ces pièces concernent uniquement M. D..., Mme D... n'y étant jamais mentionnée. M. D... est en outre systématiquement présenté comme célibataire sur les déclarations souscrites auprès de l'administration fiscale américaine, les rubriques relatives à l'épouse n'étant jamais servies. Il ressort également de ces documents que M. D... n'a été considéré comme résident des États-Unis que jusqu'au 3 mai 2009, la déclaration CA 540 NR rectificative mentionnant, en rubrique 3 qu'il était devenu non-résident à compter du 3 mai 2009, son nouveau pays de résidence étant la France. La déclaration 1040 NR versée aux débats fait apparaître, en rubrique F, que M. D... a quitté les États-Unis le 3 mai 2009, en rubrique H, que le nombre de jours pendant lesquels il a été présent aux États-Unis en 2009 est de 122, ce chiffre correspondant à la période du 1er janvier au 3 mai 2009, et, en rubrique B, que la France est le pays où M. D... a déclaré être fiscalement résident en 2009. Il résulte également des pièces versées aux débats que l'année 2009 a été fiscalement scindée en deux parties aux États-Unis, la première allant du 1er janvier au 3 mai 2009, la seconde allant du 3 mai au 31 décembre 2009, le montant des revenus de M. D... pour la période allant du 1er janvier au 3 mai, où il a été considéré comme résident des États-Unis, étant de 107 792 dollars, alors que le montant de ses revenus pour la période allant du 3 mai au 31 décembre 2009 s'élève à zéro.

17. S'agissant des documents produits en appel, le passeport de M. D..., qui mentionne des dates d'entrée et de sortie du territoire américain allant de mars 2007 à août 2010 ne démontre aucunement une résidence fiscale aux États-Unis. Si les attestations d'emploi et de mutation de l'intéressé précisent que sa mission débute à Paris à compter du 1er septembre 2009 et se termine " officiellement " aux États-Unis le 31 août 2009, elles ne sauraient témoigner de la date de transfert réel de sa résidence fiscale et ne tiennent pas compte des périodes de vacances. Les certificats de scolarité du lycée international de Los Angeles produits indiquent un dernier jour de classe au 19 juin 2009, date antérieure au 29 juin 2009, fait générateur de la distribution de revenus. Il ne ressort par ailleurs pas de l'état des lieux de sortie du logement aux États-Unis versé aux débats, réalisé le 28 juillet 2009, que ce dernier ait été réalisé contradictoirement avec M. ou Mme D..., alors que la location avait été conclue au nom de la société Louis Vuitton, ni que le logement était effectivement occupé par M. D... jusqu'à la date de sa réalisation. Enfin, la conclusion d'un bail de location d'une maison en France et l'état des lieux d'entrée dans cette maison ne sont pas de nature à traduire l'existence ni la durée d'une résidence fiscale aux États-Unis.

18. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que l'instruction ne permet de démontrer que M. D... a été résident fiscal aux États-Unis que jusqu'au 3 mai 2009, et, d'autre part, qu'aucune des pièces versées aux débats ne permet de considérer que Mme D... aurait été fiscalement résidente de ce pays à un moment quelconque de l'année 2009, et notamment pas à la date du fait générateur de l'imposition. Par suite, les appelants ne sauraient prétendre au bénéfice des stipulations précitées.

En ce qui concerne les pénalités :

19. L'article 1729 du code général des impôts dispose que " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) ".

20. Pour motiver l'application des pénalités appliquées aux contribuables sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé la double qualité de gérante de la SCI Rhône-Alpes, émettrice du chèque de 700 000 euros en cause, et d'associé de la SCI Domaine de la Tour de Mme D..., qui y détient un compte courant. Elle a souligné qu'à ce titre, elle était pleinement informée de l'encaissement d'un chèque destinée à la première par la seconde. Elle a également précisé que son implication personnelle dans la gestion de la SCI Domaine de la Tour, dont attestaient les remboursements de frais occasionnés par son activité, ne lui permettait pas d'ignorer l'inscription de ces sommes sur son compte courant d'associé. Elle a également indiqué que cette opération s'inscrivait dans un schéma familial consistant à attribuer à un membre de la famille des sommes provenant d'une société familiale translucide en occultant délibérément les conséquences fiscales de cette opération. Elle a enfin souligné l'importante minoration du revenu imposable de Mme D... et l'importance des rappels. Une telle motivation répondait aux prescriptions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

21. Enfin, en faisant référence à l'implication personnelle de Mme D... dans la gestion des sociétés concernées et à l'importance des sommes en cause, et alors qu'aucune des explications avancées par les appelants n'a pu être retenue, l'administration a apporté la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée d'éluder l'impôt.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des appelants tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme D... à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, d'un montant total de 16 093 euros, au titre de la majoration de 25 % de la base des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 ainsi que de la fraction des pénalités correspondantes.

Article 2 : Les conclusions de la requête de M. et Mme D... sont rejetées pour le surplus.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme F... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, président assesseur,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 avril 2019.

9

N° 17LY00195

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00195
Date de la décision : 02/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-02;17ly00195 ?
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