La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2019 | FRANCE | N°17LY02899

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 28 mars 2019, 17LY02899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- la décision du 24 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la septième section du département du Rhône s'est déclaré incompétent pour examiner le non-renouvellement de son détachement par l'Union générale mutualiste du Rhône, devenue depuis la Mutualité Française Rhône SSAM ;

- la décision du 9 juillet 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue soc

ial a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1507159 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- la décision du 24 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la septième section du département du Rhône s'est déclaré incompétent pour examiner le non-renouvellement de son détachement par l'Union générale mutualiste du Rhône, devenue depuis la Mutualité Française Rhône SSAM ;

- la décision du 9 juillet 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1507159 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2017 et un mémoire enregistré le 27 août 2018, la Mutualité Française Rhône SSAM, représentée par la SCP Joseph Aguera et associés, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article L. 2411-1 du code du travail, qui n'instaure de protection en faveur des salariés protégés qu'en cas de licenciement, n'est pas applicable lorsque le détachement d'un fonctionnaire arrive à son terme, le contrat de travail devenant alors caduc ;

- la rupture du contrat de travail qui découle de la fin du détachement n'est pas un licenciement et l'employeur n'est tenu de solliciter une autorisation administrative que lorsqu'il s'est opposé au renouvellement ou que le non renouvellement est dû à son fait ;

- en l'espèce, eu égard aux dispositions de l'article 17-1 du décret du 13 octobre 1988 et compte tenu de ce que M. B...n'a pas sollicité ledit renouvellement, elle était dans l'obligation de prendre une décision positive de renouvellement ou de non renouvellement de la position de détachement ;

- M. B...a démissionné de son mandat ;

- M. B...n'a pas formulé expressément de demande de renouvellement ;

- la détention d'un mandat d'administrateur ne constitue une protection qu'en cas de licenciement ;

- les autres moyens soulevés devant le tribunal ne sont pas fondés ;

Par des mémoires présentés le 7 novembre 2017 et le 1er août 2018, M. B...conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la Mutualité Française Rhône SSAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire présenté le 3 juillet 2018, le ministre du travail conclut à l'annulation du jugement attaqué et à ce que la demande de M. B...soit rejetée.

Il soutient que le non-renouvellement du détachement, qui était arrivé à son terme, n'est pas imputable à l'employeur.

La clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 12 octobre 2018 par ordonnance du 10 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la mutualité ;

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteure publique,

- les observations de Me Mazon, avocat de la Mutualité Française Rhône SSAM, et de Me Brisson, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., directeur d'hôpital, a été détaché à compter du 4 janvier 2010 pour une durée de cinq ans auprès de l'Union du groupe mutualiste du Rhône, devenue depuis la Mutualité Française Rhône SSAM, en qualité de directeur stratégique des établissements. A cet effet, il a signé, le 16 novembre 2009, un contrat de travail à durée indéterminée avec cet organisme. L'ayant informé, par courrier du 12 septembre 2014, qu'elle avait pris la décision de ne pas renouveler ce détachement, l'Union du groupe mutualiste du Rhône a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement. L'inspecteur du travail, par une décision du 24 décembre 2014, s'est déclaré incompétent pour examiner cette demande, estimant que le non-renouvellement de son détachement ne pouvait s'analyser comme un licenciement, le fonctionnaire étant obligatoirement réintégré dans son corps d'origine et affecté sur un emploi correspondant sur son grade. Par décision du 9 juillet 2015, le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formulé par M. B...au motif que ce dernier n'avait pas sollicité le renouvellement de son détachement, de sorte que la rupture du contrat de travail n'était pas imputable à son employeur. Par un jugement du 24 juillet 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit et annulé la décision du ministre du travail au motif qu'il avait commis une erreur d'appréciation des faits. La Mutualité Française Rhône SSAM interjette appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : / (...) 14° Membre du conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération mentionné à l'article L. 114-24 du code de la mutualité (...) ". Il résulte de l'article L. 114-24 du code de la mutualité, qui renvoyait, dans sa rédaction alors applicable, à l'article L. 412-18 du code du travail dont les dispositions ont été transférées en substance à l'article L. 2411-3, que le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant le mandat d'administrateur ou ayant cessé son mandat depuis moins de six mois ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

3. Aux termes de l'article 17 du décret du 13 octobre 1988 visé ci-dessus : " Le détachement de longue durée ne peut excéder cinq ans. Il peut toutefois être renouvelé par périodes n'excédant pas cinq ans. (...) ". L'article 17-1 du même décret prévoit que : " Trois mois au moins avant l'expiration du détachement de longue durée, le fonctionnaire fait connaître à son administration d'origine et à l'administration ou l'organisme d'accueil sa décision de solliciter le renouvellement du détachement ou de réintégrer son corps d'origine. / Deux mois au moins avant le terme de la même période, l'administration ou l'organisme d'accueil fait connaître au fonctionnaire concerné et à son administration d'origine sa décision de renouveler ou non le détachement ou, le cas échéant, sa proposition d'intégration. (...) ".

4. Le fonctionnaire placé en position de détachement sur un contrat de travail à durée indéterminée et titulaire d'un des mandats énumérés par l'article L. 2411-1 du code du travail bénéficie du statut de salarié protégé. La décision de l'employeur qui s'oppose au renouvellement du détachement demandé par ce fonctionnaire ou refuse de le renouveler met nécessairement fin à ce contrat. Par suite, elle doit être assimilée à un licenciement pour l'application des règles propres aux salariés protégés et être précédée d'une autorisation de l'inspecteur du travail.

5. En premier lieu, si la Mutualité Française Rhône SSAM fait valoir que M. B...a démissionné de son mandat de membre du conseil d'administration le 22 octobre 2014, cette démission est postérieure au non-renouvellement de son détachement intervenu le 12 septembre 2014. A la date de la rupture définitive de son contrat de travail, intervenue le 4 janvier 2015, soit moins de six mois après la date de la fin de son mandat, M. B...bénéficiait de la protection contre le licenciement au titre de ce mandat. Par suite en se déclarant incompétent au seul motif que le non-renouvellement du détachement de M. B...ne pouvait s'analyser comme un licenciement, le fonctionnaire étant obligatoirement réintégré dans son corps d'origine et affecté sur un emploi correspondant sur son grade, l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit.

6. En deuxième lieu, il ressort des échanges de courriers qui ont eu lieu le 4, le 16 et le 29 juillet 2014 que la Mutualité Française Rhône SSAM envisageait clairement de ne pas renouveler le détachement de M.B.... Le courrier du 29 juillet 2014 mentionne au moins une réunion qui s'est déroulée le 21 juillet 2014, au cours de laquelle cette possibilité lui a été confirmée. Ce courrier exprime l'incompréhension de M. B...vis-à-vis de cette perspective et la volonté d'engager des démarches contentieuses. Eu égard, d'une part, à l'intention ainsi manifestée par l'employeur et, d'autre part, à la circonstance que la décision de ne pas renouveler le détachement est intervenue le 12 septembre 2014, il ne saurait être opposé à M. B...le fait de ne pas avoir formalisé par écrit sa demande de renouvellement dans les trois mois précédent la fin du détachement, c'est-à-dire avant le 4 octobre 2014. Le non-renouvellement du détachement et la rupture du contrat de travail qui s'en est suivie ne peuvent donc qu'être regardés comme étant intervenus du fait de l'employeur. Par suite, le ministre du travail n'était pas fondé à confirmer la décision de l'inspecteur du travail au seul motif que le refus de renouvellement serait imputable au salarié qui n'aurait pas demandé le renouvellement de son détachement.

7. Il résulte de ce qui précède que la Mutualité Française Rhône SSAM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 décembre 2014 et le rejet du recours hiérarchique en date du 9 juillet 2015. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat et de la mutualité Française Rhône SSAM le paiement à M. B...de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Mutualité Française Rhône SSAM est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre du travail sont rejetées.

Article 3 : L'Etat et la Mutualité Française du Rhône SSAM verseront chacun à M. B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la Mutualité Française Rhône SSAM et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Seillet, président,

MmeC..., première conseillère,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mars 2019.

2

N° 17LY02899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02899
Date de la décision : 28/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SELARL MONOD - TALLENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-28;17ly02899 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award