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19/03/2019 | FRANCE | N°17LY03927

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 17LY03927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL ABC Déménagements a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012, 2013, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la même période, ainsi que de l'amende de 100 % mise à sa charge en application de l'article 1759 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1501619 du 8 no

vembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL ABC Déménagements a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012, 2013, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la même période, ainsi que de l'amende de 100 % mise à sa charge en application de l'article 1759 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1501619 du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2017, l'EURL ABC Déménagements, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 novembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a relevé d'office le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales étaient applicables sans en avoir averti les parties, alors que ce moyen n'était pas d'ordre public ;

- la reconstitution de son chiffre d'affaires imposable opérée par l'administration n'est pas réaliste, ne reflète pas fidèlement le fonctionnement de l'entreprise et aboutit à des montants manifestement excessifs ;

- la reconstitution qu'elle propose, et qui repose sur la même méthode que celle retenue par l'administration conduit à une évaluation plus réaliste ;

- eu égard à cette exagération, elle ne pouvait désigner les bénéficiaires de revenus distribués inexistants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 7 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL ABC Déménagements a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Les opérations de contrôle ont mis en évidence l'existence d'un compte bancaire occulte ouvert auprès de la banque Nuger, dont les opérations n'étaient pas enregistrées en comptabilité. Le gérant de la société ayant indiqué que toutes les sommes figurant au crédit de ce compte constituaient des encaissements de recettes provenant des prestations de services de déménagement effectuées par l'entreprise, les sommes portées au crédit de ce compte au cours des exercices vérifiés, ramenées hors taxes, ont été réintégrées aux recettes initialement déclarées, et les charges déductibles ont été évaluées à partir des relevés bancaires. L'EURL a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a, en conséquence de ces rehaussements, été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012, 2013, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la même période, ainsi que de l'amende de 100 % mise à sa charge en application de l'article 1759 du livre des procédures fiscales. Elle relève appel du jugement du 8 novembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge de l'impôt de déterminer, en fonction de l'objet du redressement et du déroulement de la procédure d'imposition, le régime de dévolution de la charge de la preuve applicable au litige qui lui est soumis. Il n'a pas, ce faisant, à faire application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. En jugeant que, par application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la société supportait la charge de la preuve pour les périodes au titre desquelles la taxation d'office avait été mise en oeuvre, alors même que l'administration ne s'en prévalait pas, le tribunal s'est borné à remplir son office et n'a commis aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. La société supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux mois de janvier 2011 à février 2012, pour lesquels la taxation d'office prévue à l'article L. 66-3 du livre des procédures fiscales a été mise en oeuvre. Pour le surplus des impositions, pour lesquelles la procédure contradictoire a été appliquée et les rectifications refusées, la charge de la preuve repose sur l'administration.

4. Les omissions évoquées au point 1, constatées dans la comptabilisation des opérations réalisées par l'entreprise, sur une longue période et pour des montants importants, et l'absence de pièces justificatives des opérations enregistrées sur le compte bancaire ouvert auprès de la banque Nuger, faisaient obstacle à ce que la comptabilité présentée puisse être regardée comme présentant un caractère probant. Toutefois, dans la mesure où ils étaient retranscrits en comptabilité et dûment justifiés, le vérificateur n'a pas remis en cause les produits et les charges enregistrés sur l'autre compte de la société ouvert auprès de la Banque Populaire. La société ne conteste pas le montant des sommes réintégrées dans ses bases imposables, correspondant aux sommes non comptabilisées portées au crédit du compte Nuger durant la période, ramenées hors taxes, mais fait porter sa critique sur le montant des charges admises en déduction par le vérificateur, qu'elle estime insuffisant et irréaliste.

5. En l'absence de comptabilité régulière et probante, et en l'absence de toute facture ou autre pièce justificative des opérations mouvementant le compte Nuger, les charges professionnelles déductibles du résultat imposable de I'EURL ABC Demenagements ont été évaluées à partir des seuls relevés bancaires mis à la disposition du vérificateur, qui a admis les règlements par carte bancaire ayant des libellés explicites en rapport avec l'activité de I'EURL, c'est à dire des frais d'autoroutes, de carburant, de garage, de restaurant et de publicité, et a tenu compte des explications fournies lors des opérations de contrôle concernant d'autres débits bancaires, correspondant à des règlements de charges professionnelles par carte ou par chèque. Une analyse exhaustive des comptes bancaires ayant été effectuée, la société n'est pas fondée à soutenir que la reconstitution du bénéfice effectuée par le service serait excessivement sommaire.

6. Pour fonder sa reconstitution sur les conditions réelles d'exploitation, le vérificateur a procédé à une analyse détaillée des relevés du compte bancaire occulté et des éléments concrets communiqués au cours des opérations de contrôle. Il n'a pas eu recours à une méthode forfaitaire, fondée sur l'application aux recettes reconstituées d'un taux de bénéfice brut. Si la société, en se fondant d'ailleurs sur des calculs erronés, estime que la reconstitution conduit à un coefficient de bénéfice brut excessif, cette appréciation ne saurait conduire à remettre en cause la méthode pertinente retenue par le vérificateur pour réintégrer dans ses bases imposables les recettes tirées de l'activité retracée sur le compte ouvert auprès de la banque Nuger. La comparaison à laquelle se livre la société avec le coefficient de bénéfice brut correspondant à l'exercice clos en 2013 est par ailleurs dénuée de pertinence dès lors qu'au cours de cet exercice, elle a eu pour activité principale la vente de véhicules d'occasion, à hauteur de 73 % du chiffre d'affaires, alors que le chiffre d'affaires des exercices clos en 2011 et 2012 est constitué de prestations de déménagement à hauteur respectivement de 100 % et 68 % du chiffre d'affaires total. Les conditions d'exploitation ayant substantiellement évolué, le coefficient de bénéfice brut avait vocation à évoluer parallèlement.

7. Pour obtenir, à tout le moins, une réduction de ses bases imposables, la société s'est livrée à une reconstitution théorique, en utilisant une méthode similaire, selon elle, à celle retenue par le vérificateur. Il résulte toutefois de l'instruction que cette reconstitution retient en charges déductibles des sommes mentionnées en 2011 et 2012 aux postes " achats et fournitures " et " matériel " susceptibles de correspondre à des achats d'immobilisations ou des immobilisations en cours telles qu'un véhicule de déménagement pour 5 000 euros ou des dépenses enregistrées sous les libellés " construction bâtiment ", " matériaux dépôt ", " matériaux garage ". Il résulte également de l'instruction que la somme de 10 000 euros, correspondant au chèque 9000331 mentionnée dans le compte " matériel ", sous le libellé " matériaux garage " à la date du 17 août 2012 correspond en réalité à un chèque établi en faveur de Mme A..., qui porte le même nom que le gérant de la société et n'est pas connue pour exercer une activité de vente de matériaux. Eu égard à ces incohérences et anomalies et en l'absence de tout élément susceptible de justifier du montant des charges revendiqué par la société, la reconstitution proposée ne saurait être retenue.

8. S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en l'absence de présentation de factures mentionnant une taxe déductible, ou de tout autre document permettant de vérifier que les conditions de fond relatives à l'exercice du droit à déduction sont satisfaites, aucune réduction ne saurait être prononcée à ce titre. La société ne conteste par ailleurs pas le montant des rappels de taxe collectée résultant de la prise en compte des opérations retracées sur le compte ouvert auprès de la banque Nuger.

9. Il résulte de ce qui précède que s'agissant des impositions dont le bien-fondé doit être démontré par l'administration, cette dernière doit être regardée comme apportant cette preuve et que, s'agissant des impositions dont la société doit montrer l'exagération, cette dernière n'administre pas la preuve qui lui incombe.

Sur l'amende :

10. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ".

11. L'administration fiscale a appliqué l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts aux sommes réintégrées dans les bénéfices de la société, qu'elle a regardées comme ayant été désinvesties de la société et constituant de ce fait des revenus distribués au sens du 1° de l'article 109 du code général des impôts, et pour lesquelles elle a considéré que la société, interrogée en application de l'article 117 du même code, avait refusé de révéler l'identité des bénéficiaires. Pour les raisons exposées aux points précédents, la société n'est pas fondée à critiquer le bien-fondé de ces réintégrations. Ces sommes, réintégrées à bon droit dans les résultats imposables, et provenant de recettes omises, constituent, en l'absence de délibération des associés décidant de la mise en réserve ou de l'incorporation au capital des bénéfices ainsi retenus, des sommes désinvesties devant être regardées comme des revenus distribués excédant le montant total des distributions déclarées par l'entreprise. Dès lors que la société se borne à indiquer que, les rehaussements étant " illusoires ", elle ne pouvait " à l'évidence " désigner l'identité de bénéficiaires de bénéfices inexistants, dont le quantum serait " manifestement " exagéré et qui, au surplus, ne pourraient être regardés comme désinvestis par la société, sa contestation du bien-fondé de l'amende qui lui a été appliquée ne peut qu'être écartée.

12. Il résulte de ce qui précède que l'EURL ABC Déménagements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin de décharge ou de réduction des impositions doivent être rejetées, tout comme, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL ABC Déménagements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL ABC Déménagements et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 mars 2019.

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