Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Active Immobilier a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Contamine-sur-Arve à lui verser la somme de 105 000 euros, outre intérêts, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du certificat d'urbanisme erroné qui lui a été délivré.
Par un jugement n° 1407247 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Contamine-sur-Arve à verser à la société Active Immobilier la somme de 30 000 euros, outre intérêts à compter du 19 février 2014 et capitalisation des intérêts échus au 19 février 2015 et à chaque date anniversaire.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 août 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 10 septembre 2018, la commune de Contamine-sur-Arve, représentée par le cabinet CLDAA avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2017, en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société Active Immobilier ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de la société Active Immobilier ;
3°) de mettre à la charge de la société Active Immobilier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute en délivrant le certificat d'urbanisme déclarant l'opération réalisable, dès lors qu'elle ignorait l'existence d'une exploitation agricole située à moins de 50 mètres du tènement faisant obstacle au projet de construction ;
- un permis de construire peut toujours être délivré à la société Active Immobilier, sous réserve de la conclusion d'une convention entre les acquéreurs du terrain et l'exploitant agricole ;
- le préjudice invoqué est lié au retrait du permis de construire et non à la délivrance du certificat d'urbanisme ;
- la réalité du préjudice n'est pas démontrée.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2017, la société Active Immobilier, représentée par la SELARL Arnaud Bastid, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que le montant de l'indemnité que la commune de Contamine-sur-Arve a été condamnée à lui verser soit porté à la somme de 105 000 euros et à la réformation, dans cette mesure, du jugement du 22 juin 2017 ;
3°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Contamine-sur-Arve au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune de Contamine-sur-Arve est engagée en raison de la faute qu'elle a commise en lui délivrant un certificat d'urbanisme positif, sans mention de la servitude liée à la présence d'une exploitation agricole à proximité ;
- la commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant état de négligences commises dans l'examen du dossier ;
- elle ne peut espérer conclure une convention avec l'exploitant agricole voisin pour pouvoir construire sur le terrain en litige ;
- le préjudice, lié à l'acquisition du terrain postérieurement à la délivrance du certificat d'urbanisme, est en lien direct avec la faute ainsi commise ;
- son préjudice s'élève au total à la somme de 105 000 euros, soit le prix de vente attendu du terrain.
La clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2018 par une ordonnance du 30 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro Planchet, rapporteur public,
- et les observations de MeDuraz pour la commune de Contamine-sur-Arve ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 novembre 2012, le maire de Contamine-sur-Arve a délivré à la société Active Immobilier un certificat d'urbanisme déclarant réalisable l'opération de construction d'une maison projetée sur la parcelle cadastrée C n° 73, d'une superficie de 355 m², située au lieu-dit Perraz. Le 31 janvier 2013, la société a acquis cette parcelle au prix de 71 000 euros, après avoir signé le 19 décembre 2012 un compromis de vente avec M. B... et M. A..., pour un montant de 105 000 euros, sous condition suspensive d'obtention d'un permis de construire. Le 27 juin 2013, le maire de Contamine-sur-Arve a délivré le permis de construire. Toutefois, suite au recours gracieux formé par un voisin, qui faisait valoir la présence de bâtiments agricoles abritant des chevaux à proximité immédiate du terrain d'assiette, le maire a retiré ce permis le 26 octobre 2013. Le 15 octobre suivant, MM. B... et A...ont renoncé à acquérir ce terrain. Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que la responsabilité de la commune de Contamine-sur-Arve était engagée en raison de l'illégalité fautive du certificat d'urbanisme délivré le 13 novembre 2012 et l'a condamnée à verser à la société Active Immobilier une indemnité de 30 000 euros, outre intérêts, en réparation de son préjudice. La commune de Contamine-sur-Arve relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée et la société Active Immobilier demande, par la voie de l'appel incident, que le montant de la condamnation prononcée soit porté à 105 000 euros.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / (...) b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. / (...) Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. Une telle dérogation n'est pas possible dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application du deuxième alinéa. ". En vertu du règlement sanitaire départemental de la Haute-Savoie, les bâtiments agricoles renfermant des animaux ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des constructions à usage d'habitation.
4. Il résulte de l'instruction que la parcelle acquise par la société Active Immobilier, de petite taille, est située à proximité immédiate d'un bâtiment abritant des chevaux d'un élevage équin. En ne mentionnant pas dans le certificat d'urbanisme qu'elle a délivré le 13 novembre 2012 que le règlement sanitaire départemental de Haute-Savoie était susceptible de s'opposer à la construction projetée, la commune de Contamine-sur-Arve, qui ne peut utilement soutenir qu'elle ignorait la présence d'un bâtiment d'élevage à proximité du terrain d'assiette, alors qu'elle était en mesure de disposer d'une telle information, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
5. La société Active Immobilier soutient avoir subi un préjudice en raison de la perte de valeur vénale du terrain, qu'elle a acquis suite à la délivrance du certificat d'urbanisme. Elle n'établit toutefois pas par les éléments qu'elle produit que la construction envisagée, ou un autre projet, ne pourraient être réalisés sur le terrain, au bénéfice notamment d'une dérogation aux règles du règlement sanitaire départemental, à laquelle la chambre d'agriculture indiquait être disposée à donner un avis favorable. Par ailleurs, le terrain en litige, dont la société reste propriétaire, est situé en zone U, et est constructible, notamment en cas de déménagement des quelques chevaux hébergés dans le bâtiment voisin, qui appartient à un centre équestre dont le siège d'exploitation et le bâtiment principal sont situés à plus de cinquante mètres du projet. Dans ces conditions, le préjudice dont se prévaut la société Active Immobilier, laquelle ne saurait avoir subi aucun préjudice du fait de la non-réalisation d'une opération illégale, préjudice au demeurant sans lien avec le certificat d'urbanisme en litige paraît, en l'état du dossier, purement éventuel.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Contamine-sur-Arve est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser une indemnité à la société Active Immobilier. Pour les mêmes motifs, l'appel incident de la société Active Immobilier doit être rejeté.
7. Pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Active Immobilier la somme que la commune de Contamine-sur-Arve demande au titre des frais qu'elle a exposés. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que la société Active Immobilier demande au même titre soit mise à la charge de la commune de Contamine-sur-Arve, qui n'est pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de la société Active Immobilier devant le tribunal administratif de Grenoble et les conclusions présentées en appel par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Contamine-sur-Arve et à la société Active Immobilier.
Délibéré après l'audience du 22 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
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N° 17LY03204
dm