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12/03/2019 | FRANCE | N°18LY00593

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 mars 2019, 18LY00593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) sous le n° 1705953 :

- d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2017 par lequel le préfet de la Savoie a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi ;

- d'enjoindre au préfet de la Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou un titre provisoire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un m

ois à compter du prononcé du jugement ;

- de faire application des dispositions de l'article L. 76...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) sous le n° 1705953 :

- d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2017 par lequel le préfet de la Savoie a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi ;

- d'enjoindre au préfet de la Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou un titre provisoire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement ;

- de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) sous le n° 1706717 :

- de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

- d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le préfet de la Savoie l'a assigné à résidence ;

- d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui restituer son passeport marocain dans un délai de quarante-huit heures ;

- de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1705953-1706717 du 1er décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble l'a admis provisoirement à l'aide juridictionnelle, a renvoyé à une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du retrait de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 février 2018, M. B...A..., représenté par Me Azouagh, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 1er décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 3 juillet et 28 novembre 2017 du préfet de la Savoie ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour et de lui restituer, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, son passeport marocain ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté du 3 juillet 2017 porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le premier juge s'est abstenu de prescrire une expertise médicale ;

- les mesures de présentation qui assortissent l'assignation à résidence prononcée par l'arrêté du 28 novembre 2017 sont dépourvues de motivation au regard des prescriptions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- ces mesures sont dépourvues de nécessité dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite ;

- l'arrêté du 28 novembre 2017 méconnaît l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2019, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant marocain né le 17 septembre 1987, est entré en France le 3 juillet 2015 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " ceseda L. 313-10, 4° ". Il a bénéficié, du 25 juillet 2015 au 24 juillet 2018, d'une carte de séjour en qualité de travailleur saisonnier. Le préfet de la Savoie lui a, par arrêté du 3 juillet 2017, retiré ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et, par arrêté du 28 novembre 2017, l'a assigné à résidence sur le territoire de l'arrondissement de Chambéry, au 13 rue Victor Jara, pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois, avec obligation de se présenter les lundis, mercredis et vendredis entre 16 heures et 16 heures 30 aux services de la police aux frontières. M. A...relève appel du jugement du 1er décembre 2017 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Savoie du 3 juillet 2017 en ce qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe un pays de renvoi, et, d'autre part, de l'arrêté du même préfet l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 3 juillet 2017 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. A...produit des certificats médicaux postérieurs à l'arrêté en litige faisant état d'une affection abdominale ayant justifié une intervention chirurgicale le 10 avril 2017 et nécessitant des examens complémentaires. Si les certificats rédigés par son médecin traitant les 7 août et 4 octobre 2017 relèvent que " tout déplacement en avion ou bateau est contre-indiqué " et que " la prolongation de son séjour sur le territoire français est indispensable ", les certificats établis par un chirurgien le 8 décembre 2017 se bornent à indiquer que M. A...présente encore des douleurs nécessitant des investigations en vue de la recherche de complications éventuelles. Ces éléments ne permettent d'établir ni que l'état de santé de l'intéressé ne pourrait pas être pris en charge dans son pays d'origine, ni qu'à la date du 3 juillet 2017 à laquelle a été pris l'arrêté en litige, l'état de santé de M. A...ne lui permettait pas de voyager. Dans ces conditions, et sans qu'il ait été besoin, pour le premier juge, de prescrire une expertise médicale complémentaire, le moyen tiré de ce que le préfet de la Savoie a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ainsi que, en l'absence d'autre élément, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 28 novembre 2017 :

4. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; (...). Aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1, de l'article L. 561-2 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".

5. Si l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a le caractère d'une décision distincte de l'assignation à résidence prise à son encontre, cette décision concourt à la mise en oeuvre de la décision l'assignant à résidence. Dans ces conditions, si les articles L. 211-2 et L. 212-5 du code des relations entre le public et l'administration imposent que cette décision soit motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, hormis la référence à l'article R. 561-2, se confondre avec celle de l'assignation à résidence.

6. L'arrêté en litige vise les textes dont il fait application et énonce de manière précise et circonstanciée les différents motifs de faits tenant à la situation particulière de M. A...sur lesquels est fondée l'assignation à résidence. Il relève en particulier que l'intéressé a fait l'objet le 3 juillet 2017 d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, notifiée le 12 juillet 2017, qu'il justifie d'une adresse, qu'il présente des garanties propres à prévenir le risque de se soustraire à cette obligation et qu'il ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral en litige, en ce qu'il porte obligation de présentation les lundis, mercredis et vendredis entre 16 heures et 16 heures 30 aux services de la police aux frontières dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement prise par le préfet de la Savoie, serait insuffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

7. Par ailleurs, la circonstance que le préfet de la Savoie a relevé que M. A...présentait des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, dont l'objet essentiel est de justifier pour quel motif l'autorité administrative a retenu une mesure d'assignation à résidence et non un placement en rétention administrative, ne saurait établir que cette assignation ne serait pas nécessaire et que les mesures de présentation dont elle est assortie seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Savoie du 3 juillet 2017 en ce qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe un pays de renvoi et, d'autre part, de l'arrêté du 28 novembre 2017 du même préfet l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 12 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 mars 2019.

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N° 18LY00593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00593
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : AZOUAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-12;18ly00593 ?
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