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12/03/2019 | FRANCE | N°17LY00569

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 mars 2019, 17LY00569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 février 2014 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Seyssins a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son affection ainsi que le refus opposé à son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au président du CCAS de Seyssins de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ou, subsidiairement, de réexaminer sa situati

on ou d'ordonner une expertise médicale ;

2°) de faire application de l'article L. 761-1 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 février 2014 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Seyssins a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son affection ainsi que le refus opposé à son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au président du CCAS de Seyssins de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation ou d'ordonner une expertise médicale ;

2°) de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1405090 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 février 2017, 5 juillet 2017 et 15 octobre 2018, Mme A..., représentée par Me Aldeguer, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 novembre 2016 ;

2°) d'enjoindre au CCAS de Seyssins de réexaminer sa demande ou d'y faire droit ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de Seyssins une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est dépourvu de motivation ;

- la composition de la commission de réforme était irrégulière, en méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 ;

- l'avis de la commission de réforme n'est pas motivé, en méconnaissance de l'article 17 du même arrêté ;

- les premiers juges n'ont pas tenu compte du fait que le lien de l'affection avec le service devait être direct mais non nécessairement exclusif ;

- ses conditions de travail sont directement à l'origine de sa pathologie ; elle ne présentait aucun antécédent.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier 2018 et 31 janvier 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le centre communal d'action sociale de Seyssins, représenté par Me C..., de SCP C...Jorquera et Associés, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me C... représentant le centre communal d'action sociale de Seyssins ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... née A..., puéricultrice territoriale de classe supérieure titulaire, a été employée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Seyssins en octobre 2010 pour occuper les fonctions de directrice d'une structure d'accueil de jeunes enfants. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 7 février 2012, puis en disponibilité d'office à compter du 8 février 2013. Sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, formée le 9 août 2013, a été rejetée par le président du CCAS par arrêté du 20 février 2014, pris après avis de la commission de réforme, laquelle, réunie le 6 février 2014, a estimé qu'il n'était pas possible d'affirmer de manière certaine que la pathologie présentée par la requérante était directement liée à son activité professionnelle et habituelle. Le recours gracieux formé contre cet arrêté par Mme A...le 5 juin 2014 a été rejeté par décision du 25 juin 2014. Mme A...relève appel du jugement du 29 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur la légalité de l'arrêté du président du CCAS du 20 février 2014 et de sa décision du 25 juin 2014 :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté et de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

3. Pour refuser à Mme A...le bénéfice des dispositions précitées, le président du CCAS de Seyssins s'est fondé sur l'absence, notamment au cours des séances d'analyse de la pratique professionnelle, de signalement particulier de difficultés, sur ce qu'aucune tâche spécifique n'avait été réclamée à l'agent en dehors des missions liées à sa fonction et qu'aucun impératif particulier de calendrier ne lui avait été imposé et sur le fait qu'il lui avait été conseillé à plusieurs reprises de regagner son domicile après ses horaires de travail. Le rapport d'expertise médicale du Dr B..., psychiatre, établi à la demande de la commission de réforme le 18 juin 2013, indique que si Mme A..." s'est effectivement trouvée en difficulté par rapport à ses fonctions, celles-ci étaient clairement annoncées et détaillées dans sa fiche de poste, correspondant à ce qu'on peut attendre d'un cadre, mais on n'a pas suffisamment d'argument pour affirmer (...) de manière certaine que la pathologie est directement liée à l'activité professionnelle habituelle de l'agent. Il existe une antériorité pour la spécialité ".

4. Toutefois, et d'une part, il ressort des nombreuses pièces médicales, précises et concordantes, produites par la requérante, émanant de son médecin généraliste, lequel l'a placée en arrêt de travail le 7 février 2012 pour " épuisement professionnel " et a renouvelé par la suite ces arrêts pour le même motif, ainsi que de trois médecins psychiatres, qu'elle est victime d'un " burn-out " et " reste très anxieuse à l'évocation de son travail ", à l'égard duquel elle développe des " troubles anxio-phobiques ". En outre, le Dr F..., médecin psychiatre, indique, dans une attestation rédigée le 21 mai 2014, avoir reçu Mme A...pour la première fois le 19 janvier 2013 et avoir " demandé, avec son accord, une maladie imputable au service car le Dr D..., psychiatre agréé qui l'avait vue pour un contrôle, avait diagnostiqué un " burn-out ". Il ressort également de ces éléments que Mme A...a, en 2001, à la naissance de son quatrième enfant, présenté une dépression post partum.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A...a été placée en congé de maladie après avoir subi une décompensation liée au départ de son adjointe, le 31 janvier 2012, avec laquelle elle avait établi une relation de travail efficace et harmonieuse. Dans sa demande du 9 août 2013 tendant à la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa pathologie, Mme A...fait état de la part prise par les tâches de gestion des absences au jour le jour et dans l'urgence, de l'inutilité du travail fourni en amont pour établir les plannings, d'un contexte difficile et insécurisant pour les équipes en place et de la difficulté à garantir la continuité et la qualité de l'accueil des enfants. Si le CCAS fait valoir que la gestion des absences et des imprévus est inhérente aux missions du directeur d'une structure d'accueil, il ressort de la lettre de démission de la directrice adjointe, adressée à sa hiérarchie le 26 décembre 2011, l'existence d'un contexte de travail difficile, un manque de personnels et de moyens pour assurer un travail de qualité, une situation de blocage nécessitant une gestion de court terme, un épuisement et une démotivation des agents et l'exacerbation de tensions. L'intéressée justifie sa démission par son " impression de ne pas jouer le rôle que je devrais à mon poste pour assurer aux enfants et leur famille un accueil de qualité ".

6. Les éléments rapportés ci-dessus permettent de caractériser l'existence de circonstances particulières dans les conditions de travail de Mme A...qui, alors même que son employeur n'aurait pas exigé d'elle l'accomplissement de tâches excédant ses attributions normales et qu'elle-même n'a pas fait état de difficultés particulières avant son arrêt de travail, ont concouru à la survenance de la pathologie dont elle est atteinte. Même s'il ne peut être exclu que cette pathologie ait pu être favorisée par des éléments de sa personnalité, il y a lieu, eu égard en particulier à la nature, à l'intensité et au caractère récurrent des difficultés qu'elle a rencontrées dans son travail, d'admettre que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la pathologie de Mme A... trouve sa cause directe dans les conditions dans lesquelles elle a été contrainte d'exercer son activité professionnelle.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. La présente décision implique nécessairement que le CCAS de Seyssins prenne une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A...pendant la période du 7 février 2012 au 1er novembre 2015, date de son détachement auprès de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, et la plaçant, pour cette période, en congé pour maladie imputable au service.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Seyssins le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas partie perdante, la somme que le CCAS de Seyssins demande au titre des frais non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405090 du 29 novembre 2016 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : L'arrêté du président du CCAS de Seyssins du 20 février 2014 et sa décision du 25 juin 2014 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au président du CCAS de Seyssins de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... pendant la période comprise entre le 7 février 2012 et le 1er novembre 2015 et la plaçant, pour cette période, en congé pour maladie imputable au service.

Article 4 : Le CCAS de Seyssins versera une somme de 1 500 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... née A... et au centre communal d'action sociale de Seyssins.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 12 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 mars 2019.

6

N° 17LY00569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00569
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-12;17ly00569 ?
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