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07/03/2019 | FRANCE | N°18LY03949

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 18LY03949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 6 novembre 2017 lui refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de ses deux enfants mineurs, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique présenté le 29 décembre 2017.

Par un jugement n° 1802117 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2

9 octobre 2018 et un mémoire enregistré le 8 février 2019, Mme C..., représentée par la Selarl De...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 6 novembre 2017 lui refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de ses deux enfants mineurs, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique présenté le 29 décembre 2017.

Par un jugement n° 1802117 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2018 et un mémoire enregistré le 8 février 2019, Mme C..., représentée par la Selarl Deschamps et Villemagne, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de ses enfants mineurs, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- la décision méconnaît les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant compte tenu des conditions de vie de ses deux enfants en Côte d'Ivoire.

Le préfet de l'Isère auquel la requête a été communiquée n'a produit aucun mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Souteyrand, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne née en 1981, qui réside en France depuis septembre 2015, a épousé un ressortissant français le 17 octobre 2015. Le 12 octobre 2016, elle a présenté une demande de regroupement familial au bénéfice de son fils Konan Franck Emmanuel Kouame, né le 9 septembre 2001, et de sa fille Rosa de Lima Yao, née le 27 septembre 2009, qui résident en Côte d'Ivoire. Le 6 novembre 2017, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à cette demande et sa décision a été implicitement confirmée par le ministre de l'intérieur à la suite d'un recours hiérarchique. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-3 du même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. (...) ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Toutefois, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible pour le préfet de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande. Et, l'autorité administrative, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation, n'est pas tenue par les dispositions précitées, notamment dans le cas où est portée une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

4. Il ressort des pièces du dossier que, dans la période de douze mois précédant le dépôt, le 16 octobre 2016, de la demande de Mme C..., les ressources dont elle disposait, n'ouvraient pas droit au regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants mineurs. Toutefois, sur la période de mai 2016 à avril 2017, les revenus perçus par Mme C... ont atteint 400 euros mensuels et ceux de son époux, associé du groupement d'exploitation agricole en commun (GAEC) de Lorraine dont le tribunal de grande instance de Grenoble a, par un jugement du 13 juillet 2017, validé le plan de continuation, se sont élevés à 1 558 euros mensuels. En outre, Mme C..., qui avec l'aide d'une bourse de la région, a suivi une formation d'aide-soignante, a été admise à la seizième place, avec la note de 18,75/20, au concours ouvert en 2017. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Isère, en refusant de faire droit à la demande de Mme C..., et le ministre de l'intérieur, en rejetant le recours hiérarchique qu'elle avait formé, ont entaché leurs décisions respectives d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

6. L'annulation prononcée implique nécessairement, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation de la requérante et de ses deux enfants mineurs se serait modifiée en droit ou en fait, la délivrance par le préfet de l'Isère de l'autorisation de regroupement familial demandée, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2018 et les décisions du préfet de l'Isère du 6 novembre 2017 et du ministre de l'intérieur du 28 février 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent l'arrêt, l'autorisation de regroupement familial demandée pour ses deux enfants par MmeD....

Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Mme C... au titre des frais prévus à l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Grenoble ;

Délibéré après l'audience du 14 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mars 2019.

N° 18LY03949 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03949
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SELARL DESCHAMPS et VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-07;18ly03949 ?
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