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05/03/2019 | FRANCE | N°17LY03049

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 17LY03049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Energies Vertes a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 28 mars 2011 au 31 décembre 2012, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions du 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre du même exercice.

Par un jugement n° 1500094 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejet

é sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Energies Vertes a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 28 mars 2011 au 31 décembre 2012, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions du 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre du même exercice.

Par un jugement n° 1500094 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 août 2017 et le 28 janvier 2019, la société Energies Vertes, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 juin 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Energies Vertes soutient que :

- la proposition de rectification était insuffisamment motivée en fait et n'a pas respecté les prescriptions de la doctrine BOI-CF-IOR-10-40 n° 40 et de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- les frais litigieux ont bien été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ;

- les factures litigieuses ne sont pas fictives ;

- l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts ne s'applique qu'aux opérations réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle et ne s'applique pas aux opérations fournies à des particuliers, ainsi que le confirme la doctrine BOI-CF-INF-10-40-40 n° 1.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- il ne peut être fait aucun lien entre l'activité de la société et les factures pour lesquelles la déduction de taxe sur la valeur ajoutée a été remise en cause, celle-ci ayant concerné des prestations réalisées pour le compte des associés de la société ;

- les factures litigieuses ne sont pas des factures d'acomptes mais bien des factures fictives au titre desquelles aucun règlement n'est intervenu ;

- MM. E... et F...A...sont tous deux inscrits au registre du commerce et des sociétés depuis le 3 mars 2011 et sont donc des professionnels ; l'adresse mentionnée sur la facture adressée à M. F... A...et Mmes D...et C...A...correspond uniquement à l'adresse de M. F... A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Energies Vertes a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, pour la période allant du 28 mars 2011 au 31 décembre 2012. Par proposition de rectification du 21 octobre 2013, l'administration lui a notifié des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, assorties de majorations pour manquement délibéré, et lui a infligé une amende sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts. Elle a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions du 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".

3. La proposition de rectification du 21 octobre 2013 mentionne l'imposition concernée, la période d'imposition, le montant des rehaussements envisagés et indique les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. En particulier, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, l'administration a précisé que les dépenses listées en annexe 1 n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. La liste établie en annexe 1 identifie précisément les factures concernées, ainsi que le motif pour lequel le service estime que la dépense n'a pas été engagée dans l'intérêt de l'entreprise, par exemple parce que la société n'avait pas encore été crée ou bien que la dépense concerne des besoins personnels des associés. Ainsi, contrairement à ce que l'appelante soutient, cette proposition est suffisamment motivée en fait, quelle que soit la pertinence des motifs qui y figurent.

4. La SARL Energies Vertes se prévaut également, à l'appui de son moyen, de la doctrine publiée au BOI-CF-IOR-10-40 n° 40, qui prévoit que la proposition de rectification doit contenir les motifs de droit ou de fait qui fondent les rehaussements. Toutefois, ce texte, ne contient aucune interprétation de la loi fiscale dont la requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / b) Celle qui est perçue à l'importation ; (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. ". En application des dispositions précitées du code général des impôts, la taxe déductible est celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 du même code. Pour ouvrir droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, les factures doivent notamment identifier le client, la prestation effectuée, le prix hors taxe, le taux et le montant de la taxe.

6. Le service a rejeté la déduction de taxe sur la valeur ajoutée grevant dix factures et correspondant, pour l'essentiel, à des dépenses relatives aux véhicules personnels des associés, en partie exposées alors que la société n'était pas encore constituée et alors que la société ne dispose d'aucun véhicule inscrit à son actif, et pour le reste à des dépenses portant sur des matériaux de construction, des tuiles, la location d'une sableuse, un aspirateur, des meubles et d'une tablette tactile, exposées, selon l'administration, dans l'intérêt personnel des associés et en tous les cas sans qu'un quelconque lien puisse être fait avec l'activité de la société requérante. En se bornant à soutenir en appel qu'elle conteste ce refus de déduction, la SARL Energies Vertes n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur l'amende pour facture fictive :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ; / (...) Les dispositions des 1 à 3 ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers. / Les dispositions des 1 à 4 s'appliquent aux opérations réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle. (...). ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle envisage de mettre en recouvrement l'amende fiscale qu'elles prévoient, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de cet article.

8. L'administration a appliqué l'amende de 50 % au montant de trois factures en date du 29 septembre 2011, respectivement délivrées par la SARL Energies Vertes à M. E... A..., pour un montant de 20 092,60 euros TTC et concernant la construction d'une éolienne, à M. F... A...et Mmes D...et C...A...pour un montant de 25 320 euros TTC, concernant également la construction d'une éolienne, et à M. E... A... pour un montant de 119 600 euros TTC, concernant la construction d'une installation photovoltaïque sur le toit d'une grange lui appartenant. L'administration a retenu que M. E... A..., inscrit au registre du commerce et des sociétés, a demandé et obtenu le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent aux deux factures qu'il s'est vu délivrer, alors que, s'agissant de l'éolienne, elle n'a jamais été réalisée, et s'agissant de l'installation photovoltaïque, elle ne l'a été qu'en août 2013. Elle a également retenu que la troisième facture, délivrée à M. F... A...et Mmes D...et C...A..., était en réalité adressée au seul M. F... A..., inscrit au registre du commerce et des sociétés.

9. Eu égard à l'inscription de M. E... A...au registre du commerce et des sociétés et aux déclarations et demande de remboursement qu'il a souscrites au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, il doit être regardé comme entrant dans le champ des dispositions précitées dont l'application est limitée, s'agissant de prestations de services, aux factures délivrées à des professionnels susceptibles de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui y est mentionnée. Il résulte par ailleurs de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que l'éolienne facturée pour un montant de 20 092,60 euros TTC n'a jamais été installée. S'agissant de l'installation photovoltaïque facturée pour un montant de 119 600 euros, l'administration fait valoir que la facture ne présente pas la somme facturée comme un acompte mais comme le prix total et n'a été enregistrée en comptabilité qu'à la fin de l'année 2012. En se bornant à se prévaloir de ce que l'installation a finalement été réalisée en août 2013, la requérante ne conteste pas sérieusement que la facture d'un montant de 119 600 euros délivrée le 29 septembre 2011 ne correspondait pas à un acompte et présentait un caractère fictif au cours de la période vérifiée. Il n'est en outre pas soutenu que cette somme aurait été effectivement payée par M. E... A....

10. En revanche, la seule inscription de M. F... A...au registre du commerce et des sociétés ne suffit pas à faire regarder la facture délivrée à M. F... A...et Mmes D... et C...A..., d'un montant 25 320 euros TTC, comme l'ayant été à un professionnel, dans le cadre de son activité. Cette facture n'entrait ainsi pas dans le champ des dispositions précitées de l'article 1737 du code général des impôts et l'administration n'était pas fondée à appliquer à la SARL Energies Vertes, à raison de cette facture, la pénalité de 50 % prévue par les dispositions précitées, soit une somme de 12 660 euros.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. La SARL Energies Vertes se prévaut de la doctrine BOI-CF-INF-10-40-40-20120912 publiée le 12 septembre 2012, selon laquelle : " Les 1, 2 et 3 du I de l'article 1737 du code général des impôts (CGI) concernent : - toute personne réalisant de manière indépendante des opérations relevant d'une activité économique. Leur application est indépendante du régime fiscal de la personne visée tant en matière de TVA qu'au regard des impôts directs ; - les opérations de toute nature (achats, ventes, prestations de services) réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle, entre personnes exerçant une activité professionnelle, ou lors de transactions conclues sur le marché intérieur français, à l'exportation ou au titre de livraisons intra-communautaires. / Sont donc exclues : - les opérations effectuées par des professionnels pour leurs besoins privés ; - les ventes au détail et les prestations de services faites ou fournies à des particuliers ".

12. Les prévisions de cette doctrine ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application au paragraphe 9. ci-dessus et dont la requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Energies Vertes est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne l'a pas déchargée d'une somme de 12 660 euros correspondant à la pénalité appliquée à tort à raison de la facture délivrée le 29 septembre 2011 à M. F... A...et Mmes D... et C...A....

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La SARL Energies Vertes est déchargée de la pénalité d'un montant de 12 660 euros mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 1737 du code général des impôts au titre de la facture délivrée le 29 septembre 2011 à M. F... A...et Mmes D...et C...A....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera 2 000 euros à la SARL Energies Vertes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Energies Vertes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Energies Vertes et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 5 mars 2019.

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N° 17LY03049

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03049
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL CABINET CESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-05;17ly03049 ?
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